II

» Je suis l’aînée d’une nombreuse famille, issue de parents pieux.

» Nous appartenions à la congrégation des premiers méthodistes.

» Toutes mes sœurs se marièrent avant moi.

» Pendant quelques années, je restai seule à la maison.

» Bientôt la santé de ma mère faiblit, et c’est moi qui conduisis la maison à sa place.

» Notre pasteur spirituel, le bon Mr Bapchild, dînait souvent avec nous le dimanche, après le service divin : il approuvait ma manière d’administrer la maison et il louait spécialement mes talents en cuisine, ce qui n’était pas agréable à ma mère, jalouse de me voir occuper sa place.

» Ainsi commença mon malheur dans la maison paternelle.

» Le caractère de ma mère devint plus difficile à mesure que sa santé devenait plus mauvaise.

» Mon père était souvent en voyage pour ses affaires.

» J’avais tous les ennuis à supporter.

» Vers cette époque, je commençai à penser que je ferais mieux de me marier, comme avaient fait mes sœurs, et de recevoir à dîner le bon Mr Bapchild, après les services du dimanche, dans une maison à moi.

» Dans ces dispositions d’esprit, je fis la connaissance d’un jeune homme qui suivait le service divin à notre chapelle.

» Son nom était Joël Dethridge.

» Il avait une belle voix.

» Quand il chantait les hymnes, il les suivait sur le même livre que moi.

» De son état, il était colleur de papier.

» Nous eûmes de nombreuses conversations sérieuses ensemble.

» Je me promenais avec lui les dimanches.

» Il était de dix bonnes années plus jeune que moi, et, simple journalier, sa condition dans le monde était au-dessous de la mienne.

» Ma mère découvrit notre affection. Elle le dit à mon père à son retour à la maison. Elle le dit également à mes sœurs et à mes frères.

» Tous se réunirent pour déclarer que les choses ne devaient pas aller plus loin entre moi et Joël Dethridge.

» J’eus un temps bien dur à passer.

» Mr Bapchild lui-même exprima la grande affliction qu’il éprouvait du tour qu’avaient pris les choses.

» Il fit allusion à moi dans un sermon sans me nommer, mais je compris très bien ce qu’il voulait dire.

» Peut-être aurais-je cédé s’ils n’avaient pas fait une certaine chose : une enquête parmi les ennemis de Joël.

» Ils colportèrent de mauvaises histoires sur lui.

» Ce procédé, après que nous avions chanté sur le même livre, fait des promenades ensemble, et que nous nous étions trouvés d’accord sur la question religieuse, était plus que nous n’en pouvions supporter.

» J’étais d’âge à me conduire moi-même.

» J’épousai Joël Dethridge.

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