» Je donnai l’alarme vers midi.
» Pendant les heures précédentes, j’avais mis tout en ordre de manière à ce que rien ne pût être vu.
» Je n’eus qu’à appeler au secours.
» Les voisins arrivèrent, puis la police ; ils frappèrent vainement à la porte ; alors ils l’enfoncèrent et le trouvèrent mort dans son lit.
» L’ombre d’un soupçon ne vint à l’esprit de personne.
» Il n’y avait pas à craindre que la justice humaine me découvrît.
» Ma seule crainte était la crainte d’un Dieu vengeur.
» J’eus un court moment de sommeil cette nuit, pendant lequel je refis en rêve ce que j’avais fait en réalité.
» Pendant un temps, mon esprit fut poursuivi par l’idée de tout avouer à la police et de me constituer prisonnière.
» Si je n’avais pas appartenu à une famille respectable, je l’aurais fait.
» Mais depuis une longue succession de générations, il n’y avait pas une tache sur notre nom.
» C’eût été donner la mort à mon père et déshonorer tous les miens, que d’avouer ce que j’avais fait et de porter ma tête sur l’échafaud.
» Je priai Dieu de me guider, et vers le matin j’eus une révélation.
» Je reçus l’ordre, dans une vision, d’ouvrir la Bible et de jurer sur le saint livre de séparer, à partir de ce jour, ma personne criminelle de mes semblables innocents, de vivre au milieu d’eux d’une vie isolée et silencieuse, de ne faire usage de la parole que pour la prière seulement, dans la solitude de ma chambre et quand nul ne pouvait m’entendre.
» Seule, le matin, j’eus cette vision et je fis ce serment.
» Nulle oreille humaine ne m’a entendue parler depuis.
» Nulle oreille humaine ne m’entendra, jusqu’à ma mort.