L’esprit d’Arnold était bien loin d’être tranquille quand il se retrouva seul dans le fumoir.
Il perdit d’abord quelque temps à essayer de deviner la source où lady Lundie avait puisé ses renseignements ; puis il mit son chapeau et prit la direction qui conduisait au lieu favori de la promenade de Blanche à l’Hermitage.
Sans se méfier absolument de la discrétion de Sa Seigneurie, l’idée lui vint qu’il ferait bien de rejoindre sa femme et sa belle-mère. En se mettant en tiers dans leur entretien, il pouvait du moins empêcher que la conversation ne prît un tour confidentiel trop périlleux pour lui.
Il avait beau chercher les deux dames, elles n’avaient pas pris la direction qu’il supposait.
Il revint donc au fumoir et s’efforça d’attendre les événements aussi patiemment qu’il le pourrait.
Ses pensées revenant sur lady Lundie, sa mémoire lui rappela un court entretien provoqué, la veille, par l’annonce de la visite de Sa Seigneurie à l’Hermitage.
Sir Patrick avait exprimé la conviction que ce voyage de sa belle-sœur dans le Sud cachait un but inavouable.
– Je ne suis pas du tout sûr, Arnold, dit-il, d’avoir agi sagement en laissant sa lettre sans réponse, et je suis fortement disposé à penser que le plus sûr parti est de la mettre dans le secret quand elle arrivera demain. Nous ne pouvons rien contre la position dans laquelle nous sommes placés. Il était impossible, sans mettre votre femme dans notre confidence, d’empêcher Blanche d’écrire cette malencontreuse lettre à sa belle-mère ; si nous l’avions fait, nous ne pouvions empêcher qu’elle fût prévenue, par une autre voie, de votre retour en Angleterre. Le doute que je conçois maintenant sur les suites de ma discrétion me tourmente et pourtant, il aurait mieux valu la laisser dans l’ignorance et l’exclure de vos affaires, jusqu’à ce que j’eusse remis tout en ordre. Mais elle peut, par quelque malheureux accident, découvrir elle-même la vérité. Dans ce cas, je me méfie de l’influence qu’elle pourrait exercer sur l’esprit de Blanche.
Telles étaient les paroles de sir Patrick. Et qu’était-il arrivé le lendemain du jour où il les avait dites ?
Lady Lundie avait découvert la vérité, et elle était en ce moment seule quelque part avec Blanche.
Arnold reprit son chapeau et se remit à la recherche des deux dames dans une autre direction. Cette seconde expédition n’obtint pas plus de succès que la première. Il ne vit point les dames, et n’apprit rien de lady Lundie et de Blanche.
La montre d’Arnold l’avertit qu’il n’était pas loin de l’heure à laquelle on pouvait attendre le retour de sir Patrick. Selon toutes les probabilités, et pendant qu’il les cherchait, les dames avaient dû revenir à la maison par un autre chemin.
Il parcourut toutes les pièces du rez-de-chaussée l’une après l’autre. Personne.
Il monta à l’étage supérieur et frappa à la porte de Blanche.
Pas de réponse.
Il ouvrit la porte.
La chambre était vide.
Mais sur le seuil, il vit un objet de nature à attirer son attention : c’était un billet, gisant sur le tapis.
Il le ramassa ; ce billet lui était adressé ; il était de l’écriture de sa femme.
Il l’ouvrit.
Le billet commençait dans la forme ordinaire en pareilles circonstances et était ainsi conçu :
« Je connais l’abominable secret que vous et mon oncle m’avez caché. Je connais votre infamie, son infamie à elle, et la position dans laquelle, grâce à elle et à vous, je me trouve placée. Les reproches seraient inutiles, adressés à un homme comme vous. Je vous écris ces lignes pour vous dire que je me suis mise sous la protection de ma belle-mère à Londres. Il est superflu d’essayer de m’y suivre. D’autres seront chargés de découvrir si la cérémonie de mariage célébrée entre nous nous lie l’un à l’autre. Quant à moi, j’en sais assez. Je pars pour ne jamais revenir et résolue à ne jamais vous permettre de me revoir.
» BLANCHE. »
Il descendit l’escalier comme un fou, n’ayant qu’une idée dans l’esprit : suivre sa femme.
Arnold rencontra sir Patrick debout près d’une table dans l’antichambre, sur laquelle étaient déposées les lettres et les cartes par les visiteurs, et tenant une de ces lettres ouvertes à la main.
À l’instant il devina ce qui s’était passé, il saisit Arnold par le bras et l’arrêta sur le seuil.
– Vous êtes un homme, dit-il avec fermeté. Supportez ce coup en homme.
La tête d’Arnold tomba sur l’épaule de son vieil ami et il fondit en larmes.
Sir Patrick laissa cette irrésistible explosion de chagrin suivre son cours. Dans ces moments le silence est un bienfait.
Il ne dit rien. La lettre qu’il venait de lire et qui était de lady Lundie (ce qui est à peu près inutile à dire) lui tomba des mains sans qu’il s’en aperçût.
Arnold releva la tête et essuya ses larmes.
– Je suis honteux de moi-même, dit-il, laissez-moi partir.
– Vous avez tort, mon pauvre garçon, doublement tort ! reprit sir Patrick. Il n’y a pas de honte à verser des larmes comme celles-ci. Mais rien ne peut vous obliger à me quitter.
– Je dois et je veux la voir !
– Lisez ceci, dit sir Patrick en désignant la lettre qui traînait sur le plancher. Voir votre femme ? Votre femme est avec celle qui a écrit ces lignes, lisez-les.
Arnold les lut :
« Cher sir Patrick,
» Si vous m’aviez honorée de votre confiance, j’aurais été heureuse de vous consulter, avant d’intervenir, pour tirer Blanche de la position dans laquelle Mr Brinkworth l’a placée. Dans l’état des choses, l’enfant de votre défunt frère est sous ma protection dans ma maison de Londres. Si vous tentez d’exercer votre autorité, il vous faudra employer la force, car je ne me soumettrai point. Si Mr Brinkworth essaie d’exercer son autorité, à son tour, il devra établir ses droits, si cela lui est possible, devant une cour de justice.
» Très sincèrement à vous.
» JULIA LUNDIE. »
La résolution d’Arnold n’était pas de nature à être ébranlée, même par les difficultés.
– Que m’importe, s’écria-t-il avec chaleur. Je veux voir ma femme ! Je veux me justifier de l’horrible soupçon qu’elle a sur moi ! Vous m’avez montré cette lettre, lisez la sienne !
La raison toujours nette de sir Patrick vit ce qu’avait écrit Blanche sous un jour moins sombre.
– Rendez-vous votre femme responsable des termes de cette lettre ? demanda-t-il. Je vois sa belle-mère dans chaque ligne. Vous descendez à quelque chose d’indigne de vous si vous vous défendez sérieusement contre ces choses-là. Vous ne le sentez donc pas ? Vous persistez dans votre manière de voir ? Écrivez alors. Vous ne pouvez arriver jusqu’à elle. Votre lettre le peut. Quand vous quitterez cette maison, vous ne la quitterez qu’avec moi. Je vous ai cédé quelque chose, en vous permettant d’écrire. J’insiste pour que vous me cédiez à votre tour. Venez dans la bibliothèque ! Je réponds de tout remettre dans l’ordre, entre vous et Blanche, si vous laissez vos intérêts entre mes mains. Avez-vous confiance en moi, oui ou non ?
Arnold céda. Ils se rendirent dans la bibliothèque ensemble. Sir Patrick montra le bureau.
– Soulagez votre esprit et votre cœur, dit-il, et que je trouve en vous un homme raisonnable quand je reviendrai.
Quand il revint à la bibliothèque, la lettre était écrite et l’esprit d’Arnold était soulagé, pour le moment, du moins.
– Je porterai moi-même votre lettre à Blanche, dit sir Patrick, par le train qui part pour Londres dans une demi-heure.
– Me permettrez-vous de partir avec vous ?
– Non, pas aujourd’hui. Je serai de retour ce soir pour dîner. Vous saurez ce qui sera arrivé et vous m’accompagnerez demain à Londres, si je trouve nécessaire d’y faire un séjour prolongé. D’ici là, après le choc que vous avez reçu, vous ferez bien de rester tranquille ici. Soyez satisfait par l’assurance que je vous donne que Blanche aura votre lettre. J’imposerai mon autorité jusque-là sur sa belle-mère, si elle résiste, et cela sans scrupule. Mon respect pour les femmes ne dure qu’aussi longtemps qu’elles le méritent… et il ne s’étend pas à lady Lundie. Tous les avantages qu’un homme peut prendre contre une femme, je suis prêt à les prendre contre ma belle-sœur.
Sur cet adieu caractéristique, il serra la main d’Arnold et partit pour la station.
À 7 h, le dîner était sur la table. À 7 h, sir Patrick descendit habillé avec son soin habituel, aussi calme que si rien n’était arrivé.
– Elle a votre lettre, murmura-t-il en prenant le bras d’Arnold pour le mener dans la salle à manger.
– A-t-elle dit quelque chose ?
– Pas un mot.
– Quel air a-t-elle ?
– L’air qu’elle doit avoir, l’air d’une personne qui est affligée de ce qu’elle a fait.
Le dîner commença. Nécessairement, le sujet de l’expédition de sir Patrick fut abandonné pendant que les domestiques étaient présents, mais il fut régulièrement repris dans les intervalles du service. Il recommença quand le potage eut été emporté.
– J’avoue que j’avais espéré voir Blanche revenir avec vous, dit-il assez tristement.
– Bon ! répliqua sir Patrick, vous oubliez donc l’obstination native des femmes. Blanche commence à sentir qu’elle a eu tort. Quelle conséquence nécessaire à en tirer ? C’est que naturellement elle persistera à rester dans son tort. Laissez-la à elle-même, et attendez que votre lettre produise son effet. Les difficultés sérieuses qui se dressent sur notre chemin ne viendront pas de Blanche. Contentez-vous de savoir cela.
Le poisson fit son entrée et Arnold dut garder le silence, jusqu’au moment favorable.
– Quelles sont ces difficultés ? demanda-t-il.
– Écoutez, dit sir Patrick. La première que je rencontre est que je ne puis faire acte d’autorité, comme tuteur, si je prétends que ma nièce est une femme mariée. La seconde, c’est que vous ne pouvez exercer votre autorité, comme mari, jusqu’à ce que vous ayez prouvé que vous et miss Sylvestre vous n’êtes pas mari et femme. Lady Lundie savait parfaitement qu’elle nous placerait dans cette position quand elle a enlevé Blanche de cette maison. Elle a fait subir un interrogatoire à Mrs Inchbare, elle a écrit à votre intendant pour avoir la date de votre arrivée à votre domaine. Elle a tout fait, tout calculé, tout prévu, excepté mon excellent caractère. La seule erreur qu’elle ait commise, c’est de penser qu’elle en aurait raison. Non, mon cher enfant ! votre atout c’est mon caractère. Je tiens le jeu, Arnold, je tiens le jeu !
Le service suivant arriva et la conversation fut encore une fois coupée court. Sir Patrick dégusta son mouton et entra dans les détails d’un intéressant récit sur l’histoire d’un certain bourgogne, rapporté de France par lui-même.
Arnold rouvrit résolument la discussion dès que le mouton eut été enlevé.
– Pour l’amour du ciel, sir Patrick, prenez en considération mon anxiété, et dites-moi ce que vous vous proposez de faire !
– Je me propose de vous emmener à Londres, demain, à la condition que vous me promettiez, sur votre parole d’honneur, de ne pas essayer de voir votre femme avant samedi prochain.
– Mais alors je la verrai ?
– Si vous me faites la promesse que je vous demande.
– Je vous la fais… je vous la fais !…
Les domestiques reparurent. Sir Patrick entra dans un grand développement sur la question des perdreaux, au point de vue des oiseaux comestibles.
– Par eux-mêmes, quand ils sont rôtis et appréciés selon leurs mérites, ce sont des oiseaux surfaits. Nous sommes fous de leur faire la chasse, nous sommes fous de les manger quand nous les avons tués. À proprement parler, la perdrix est un prétexte à sauce et à truffes, rien de plus.
Les perdreaux furent enlevés. Arnold vit poindre une nouvelle occasion et la saisit.
– Qu’y a-t-il à faire demain à Londres ?
– Demain, répondit sir Patrick, est un jour mémorable dans notre calendrier. Demain est mardi, le jour où je dois voir miss Sylvestre.
Arnold posa sur la table le verre qu’il allait porter à ses lèvres.
– Après ce qui est arrivé, dit-il, j’ai peine à supporter ce nom. Miss Sylvestre m’a séparé de ma femme.
– Miss Sylvestre peut racheter tout cela, Arnold, en vous réunissant de nouveau.
– Elle a été ma perte.
– Elle peut devenir votre salut.
Le fromage apparut. Sir Patrick revint aux dissertations culinaires.
– Savez-vous la recette pour faire cuire une olive, Arnold ?
– Non.
– La nouvelle génération ne sait rien, si ce n’est manier l’aviron, tenir un fusil de chasse, jouer au cricket et faire des paris. Quand elle aura perdu ses muscles et perdu son argent, c’est-à-dire quand elle aura vieilli, que sera la nouvelle génération ?… Peu importe ; je ne vivrai pas assez pour le voir. M’écoutez-vous, Arnold ?
– Oui, monsieur.
– Comment cuire une olive ?… Mettez une olive dans une alouette, mettez l’alouette dans une caille, mettez la caille dans un pluvier, mettez le pluvier dans une perdrix, mettez la perdrix dans un faisan, mettez le faisan dans une dinde. Bien. Faites d’abord rôtir partiellement, puis cuire à l’étuvée jusqu’à ce que la cuisson soit parvenue à l’olive. Bien encore. Alors ouvrez la fenêtre, jetez la dinde, puis le faisan, puis la perdrix, puis le pluvier, puis la caille, puis l’alouette, et mangez l’olive. C’est un plat cher, mais le régal vaut le sacrifice qu’il exige. La quintessence de la saveur des six oiseaux s’est alors concentrée dans l’olive. Grande idée ! Essayez d’un autre verre de bourgogne blanc, Arnold.
Enfin les domestiques les laissèrent seuls, après avoir mis sur la table le dessert et les vins.
– Il était temps que cette contrainte cessât… je n’aurais pas pu la supporter plus longtemps, dit Arnold. Ajoutez à toutes vos bontés celle de me dire ce qui s’est passé chez lady Lundie.
La soirée était froide. Un brillant feu de bois brûlait dans l’âtre. Sir Patrick transporta sa chaise près du feu.
– Voilà exactement ce qui s’est passé, dit-il. J’ai commencé par trouver de la compagnie chez lady Lundie… Deux personnes qui m’étaient complètement étrangères… Le capitaine Newenden et sa nièce. Lady Lundie m’a offert de me recevoir dans une autre pièce. Les deux étrangers ont offert de se retirer… J’ai décliné les deux propositions. Premier échec pour Sa Seigneurie, Arnold. Elle avait fait entrer dans ses calculs que nous aurions peur d’affronter l’opinion publique. Je lui ai prouvé, dès le point de départ, que nous n’avions pas cette crainte. « J’accepte toujours ce que les Français appellent les faits accomplis, dis-je. Vous avez provoqué la crise, lady Lundie… soit. J’ai un mot à dire à ma nièce, en votre présence si vous le trouvez bon, et j’ai un autre mot à vous dire après, sans avoir la prétention de déranger vos hôtes. » Les hôtes se rassirent, tous deux dévorés par une curiosité bien naturelle. Sa Seigneurie pouvait-elle décemment me refuser un entretien avec ma nièce, en présence de deux témoins ? Impossible. J’ai vu Blanche en présence de lady Lundie dans la partie la plus reculée du salon. Je lui ai remis votre lettre, je lui ai dit quelques bonnes paroles de votre part ; j’ai vu qu’elle était triste, quoique ne voulant pas le paraître, et cela me suffit. Nous sommes revenus près des hôtes. Je n’avais pas dit cinq paroles sur notre manière d’envisager la question, quand je m’aperçus, à mon grand étonnement et à ma grande joie, que le capitaine était là pour la même raison qui m’avait mené moi-même chez lady Lundie, c’est-à-dire à cause de nos rapports avec miss Sylvestre. Mon affaire, dans l’intérêt de ma nièce, était de nier votre mariage avec Anne. Son affaire, dans l’intérêt de sa nièce à lui, était de l’affirmer. À l’indicible horreur des deux dames, nous tombâmes d’accord sur-le-champ, de la manière la plus amicale, pour nous en rapporter à la justice. « Charmé d’avoir le plaisir de vous rencontrer, capitaine Newenden… – Charmé d’avoir l’honneur de faire votre connaissance, sir Patrick. Je pense que nous pouvons régler cela en dix minutes. – C’est ma pensée parfaitement exprimée. Établissez votre position, capitaine. – Avec le plus grand plaisir. Ici est ma nièce, Mrs Glenarm, liée par un engagement à épouser Mr Geoffrey Delamayn. Tout allait bien ; mais voilà qu’il survient un obstacle sous forme de cette demoiselle Sylvestre. Voilà qui est exposé clairement. – Admirablement exposé, capitaine. Au grand dommage de la marine royale, vous auriez dû vous faire homme de loi. Continuez, je vous prie. – Vous êtes trop bon, sir Patrick. Je me résume. Mr Delamayn prétend que la personne en question n’a pas de droits sur lui, et il appuie son dire sur l’assertion que vous savez, qu’elle est déjà mariée à Mr Arnold Brinkworth. Lady Lundie et ma nièce assurent, d’après des témoignages qui les satisfont, que cette assertion est conforme à la vérité. Ces témoignages ne me satisfont pas. J’espère, sir Patrick, que je ne vous fais pas l’effet d’un homme excessivement entêté ? – Mon cher monsieur, vous me donnez la plus haute opinion de votre capacité par votre appréciation des témoignages humains. Puis-je vous demander maintenant quel parti vous comptez prendre ? – C’est précisément ce que j’allais vous faire connaître, sir Patrick. Voici mon intention : je refuse de sanctionner l’engagement de ma nièce avec Mr Delamayn… jusqu’à ce que Mr Delamayn ait prouvé son dire par un appel aux déclarations des témoins du mariage de cette dame. Il invoque deux témoignages ; mais il refuse d’agir personnellement dans cette affaire, par la raison qu’il est en voie d’entraînement pour la course à pied. J’admets la valeur de l’obstacle, et je consens à faire revenir moi-même les deux témoins à Londres. Par le courrier de ce jour, j’ai écrit à mes hommes de loi à Perth de les rechercher, de traiter avec eux, aux frais de Mr Delamayn, des conditions à leur offrir comme indemnité de la perte de temps, et de les envoyer ici à la fin de la semaine. La course est pour jeudi prochain. Mr Delamayn sera libre après cela de s’occuper de cette affaire et d’établir son assertion par la production de ces témoins. Que dites-vous, sir Patrick, de samedi prochain, ici, avec la permission de lady Lundie ? » Voilà en substance ce qu’a dit le capitaine Newenden. Il est aussi âgé que moi, et il est habillé de manière à ne paraître que 30 ans. Très agréable homme après tout. J’ai fermé la bouche à ma belle-sœur en acceptant la proposition sans un moment d’hésitation. Mrs Glenarm et lady Lundie se regardaient dans un muet étonnement. Il s’agissait d’un différend à propos duquel deux femmes se seraient querellées à mort, et il se trouvait là deux hommes qui arrangeaient tout de la façon la plus amicale. J’aurais voulu que vous vissiez le visage de lady Lundie quand je me déclarai grandement redevable au capitaine pour avoir rendu complètement inutile tout entretien prolongé avec Sa Seigneurie. « Grâce au capitaine, lui dis-je du ton le plus cordial, nous n’avons absolument rien à discuter. Je vais pouvoir prendre le premier train et tranquilliser tout à fait l’esprit d’Arnold Brinkworth. » Pour revenir aux choses sérieuses, je me suis engagé à vous produire, en face de tous, y compris votre femme, samedi prochain. J’ai fait bonne figure ; mais je suis obligé de vous dire, entre nous, qu’il n’est pas du tout aisé de prévoir, dans la position où nous sommes, quel sera le résultat de l’enquête de samedi. Tout dépend de l’issue de mon entretien de demain avec miss Sylvestre. Je n’exagère pas, Arnold, en disant que votre destinée est entre ses mains.
– Je voudrais que mes yeux ne se fussent jamais arrêtés sur elle, dit Arnold.
– Mettez la selle sur le bon cheval, répliqua sir Patrick, et dites que vous voudriez n’avoir jamais vu Geoffrey Delamayn.
Arnold baissa la tête.
La langue acérée de sir Patrick avait encore l’avantage sur lui.