SCÈNE II

BASSIK, puis FITTON, puis BRIBB, MADGE et ORLEBAR

Après la sortie de Moriarty, Bassik s'assoit au bureau à la place du professeur. Aussitôt assis, il sonne, comme Moriarty l'a fait au lever du rideau. La même sonnerie, qui a déjà répondu résonne deux fois.

BASSIK, parlant dans le tube acoustique. – Envoyez-moi Fitton ! … La sonnerie résonne deux fois. Bassik se lève et fait agir le levier qui ouvre le verrou de la porte. Entre Fitton, qui se tient à la même place que Bassik tout à l'heure. Bruit du verrou reprenant sa place, dans la serrure, quand la porte est refermée. Fitton, il va venir ici trois personnes. Vous vous tiendrez à ce pupitre, comme si vous aviez à y travailler, et vous ne les quitterez pas de l'œil. Au cas où quelque chose dans leur attitude vous paraîtrait louche, laissez tomber votre mouchoir… Si c'est la femme que vous soupçonnez, ramassez-le… Si c'est l'homme, ne bougez plus… On entend frapper trois fois à la porte. Fitton va au pupitre et se met en demeure d'exécuter les ordres de Bassik. Celui-ci prenant un autre tube et parlant. Quel numéro ? Il écoute. Les trois personnes que j'attends sont avec vous ?

Il écoute la réponse, replace le tube à sa place et fait agir le levier, qui met en mouvement le verrou. La porte s'ouvre. Entre Bribb introduit par Fletcher, qui reste en dehors et suivi par Madge et Orlebar. Aussitôt la porte fermée, le verrou glisse dans son alvéole et referme la porte avec un bruit retentissant. Orlebar se retourne surpris et un peu ému de se voir bloqué dans cet endroit singulier. Bassik désigne une chaise à Madge.

Orlebar est debout derrière elle. Bribb à sa droite… Fitton au pupitre, examine les Orlebar en s'essuyant le front de temps en temps avec son mouchoir.

BRIBB. – Salut, monsieur Bassik…

BASSIK. – Bonjour, Bribb.

BRIBB, présentant. – Monsieur et madame Orlebar, deux bons amis à moi…

BASSIK. – Enchanté de faire votre connaissance. Orlebar et Made, un peu interloqués répondent à son salut. J'ai cru comprendre par le téléphone, Bribb, que vous me disiez avoir contre vous dans une affaire, l'antagonisme de M. Sherlock Holmes ?

BRIBB. – Parfaitement, monsieur Bassik, c'est bien cela.

BASSIK. – Ayez la complaisance de me donner quelques détails…

BRIBB. – Voilà !… Il faut vous dire que Jim et Madge Orlebar, que je connais depuis longtemps, ont mis la main à Ostende sur une demoiselle, miss Alice Brent, dont la sœur a eu jadis une liaison avec un gentilhomme d'un rang tout à fait élevé… Pas seulement un duc ou un marquis !… Un numéro un, vous savez ! Naturellement le galant avait promis le mariage… Mais la famille a mis le holà, et tout basculé. Elle a même tant fait que l'amoureux a abandonné sa bonne amie… Seulement, il faut vous dire que pendant qu'il roucoulait avec elle, il lui a donné des bijoux, des photographies… Il lui a surtout écrit des lettres où, comme de juste, il épanchait sa flamme et ne cachait ni ses titres, ni son rang… Pour lors, voilà l'amoureuse qui, dans sa douleur d'être abandonnée, se met à tourner de l'œil… Et les lettres, avec le reste du bagage, tombent dans les mains de sa sœur… qui est justement la personne avec laquelle mes amis se sont liés, et qu'ils ont amenée à Londres, accompagnée de sa maman…

BASSIK, à Orlebar. – Ah ! ces dames sont à Londres ?… Dans quel quartier ?

ORLEBAR. – J'ai loué une maison pour les héberger, au coin de Norrington-Road.

BASSIK, prenant des notes sur un bloc. – Depuis combien de temps habitez-vous là ?

ORLEBAR. – Dix-huit mois.

BASSIK. – Et qu'est-ce qui vous fait croire que ces lettres et ces documents peuvent avoir de la valeur ?

BRIBB. – Parbleu ! C'est simple ! Il y a un mariage, un grand mariage sous roche, pour le monsieur… Alors, on fait des offres pour ravoir la correspondance et les portraits. Et c'est pour cela que nous voudrions tant arriver à mettre la patte dessus !

BASSIK. – Miss Brent ne les a donc pas emportés avec elle ?

BRIBB. – Au contraire ! … Et voilà justement le point noir !…

ORLEBAR. – J'avais acheté un coffre-fort pour que la petite y serrât tous les documents, espérant bien pouvoir les en retirer au moment opportun… Mais voilà que la demoiselle a changé sournoisement les lettres de la combinaison. J'ai demandé alors à Bribb de nous prêter ses talents pour ouvrir l'objet. Ça a marché tout seul. Mais nous sommes restés stupéfaits en trouvant le coffre vide. La petite mâtine avait tout retiré !

BASSIK. – Alors qu'avez-vous fait ?

BRIBB. – Au moment où nous venions seulement de nous rendre compte de la chose, on a sonné à la porte… C'était Sherlock Holmes.

BASSIK. – Lui ?… Qui venait chez vous ?

ORLEBAR. – Chez moi ! … Quel aplomb, hein ? Car enfin, je ne le connais pas.

BASSIK. – Les lettres ne sont pas entre ses mains, au moins ? ORLEBAR. – Mais si ! … C'est-à-dire qu'elles y ont été pendant un moment ! Seulement il les a rendues à la demoiselle !

BASSIK. – Rendues ! Qu'est-ce que cela signifie ?

ORLEBAR. – Ah ! ça dame ! … Je n'y ai rien compris. Mais il y a encore un autre point, qui m'intrigue… Pendant que ce maudit homme était chez nous, il est survenu un accident, en bas, dans la cuisine. Une lampe est tombée d'une table et a tout mis en flammes. Le maître d'hôtel est monté comme un fou, en criant : « Au feu ! » Je suis descendu en toute hâte avec ma femme… Heureusement quelques seaux d'eau ont suffi pour éteindre ce commencement d'incendie…

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