MADGE MURRAY, BENJAMIN
Mme Murray est une belle personne brune d'une trentaine d'années, au visage et aux yeux durs. Elle est habillée avec recherche.
Benjamin entre, portant un plateau sur lequel est un journal. C'est un maître d'hôtel, tenue irréprochable.
BENJAMIN. – C'est à la troisième page, madame, en haut de la deuxième colonne.
MADGE. – Merci !
BENJAMIN, pendant que Madge prend le journal. – Je demande pardon à Madame, mais la femme de chambre voudrait lui dire quelques mots.
Madge a pris le journal et s'est assise sur un fauteuil, puis a commencé à lire.
MADGE, les yeux fixés sur le journal. – Je n'ai pas le temps pour le moment.
BENJAMIN. – Bien, madame.
MADGE, sans lever les yeux du journal. – Laquelle des deux femmes de chambre est-ce ?
BENJAMIN, s'arrêtant. – Thérèse, madame.
MADGE, paraissant surprise. – Thérèse ?
BENJAMIN. – Oui, madame.
MADGE. – Avez-vous idée de ce qu'elle veut me dire ?
BENJAMIN. – Pas du tout, madame.
MADGE. – Eh bien ! qu'elle vous le communique. Je ne la verrai que quand je saurai ce qu'elle désire.
BENJAMIN. – Je ferai la commission, madame. Il sort, en fermant soigneusement la porte derrière lui.
Madge, une fois seule, examine avec attention le journal. Elle s'approche d'une des lampes pour pouvoir lire plus facilement.
Benjamin rentre doucement. Il reste un moment à la porte et observe Madge occupée à sa lecture. Celle-ci l'a terminée et se lève avec irritation. Jetant violemment son journal sur le piano, elle se dirige vers le meuble qui contient le coffre-fort. Après avoir ouvert la porte de bois, elle fixe ardemment les yeux sur les rouleaux des lettres, puis elle referme brusquement la porte. À ce moment, elle voit Benjamin et se calme immédiatement. Celui-ci prend la mine d'un homme qui vient seulement d'entrer dans la pièce.
BENJAMIN. – Je ne peux pas faire entendre raison à Thérèse. Elle insiste pour parler à madame.
MADGE. – Eh bien ! qu'elle attende à demain.
BENJAMIN. – C'est ce que je lui ai dit, mais elle m'a répondu qu'elle ne sera plus ici demain.
MADGE, étonnée. – Qu'est-ce que cela signifie ?
BENJAMIN. – Je demande pardon à madame; mais il me semble qu'elle a l'air un peu étrange depuis quelque temps.
MADGE. – C'est bon ! Dites-lui de venir.
Benjamin s'incline et va pour sortir.
MADGE, le rappelant. – Ah ! Benjamin ! Le maître d'hôtel s'arrête. Qu'est-ce qui vous a donc fait croire en m'apportant ce journal, que je prenais un intérêt quelconque à cette annonce de mariage qu'il contient ?
BENJAMIN, avec déférence. – J'avais entendu madame causer avec monsieur des personnes que ce mariage concerne. C'est ce qui m'avait fait croire que cela pouvait l'intéresser.
MADGE. – Benjamin, vous êtes intelligent, et j'aime cette qualité chez mes serviteurs… Souvenez-vous cependant que s'il est bon, pour un maître d'hôtel, d'avoir de l'esprit, il peut être mauvais d'en avoir trop.
BENJAMIN. – Je me le tiendrai pour dit, madame.
MADGE. – Maintenant envoyez-moi Thérèse !
BENJAMIN. – Bien, madame.
Il sort.