SCÈNE II

Madge reste un moment songeuse. Puis elle reprend le journal et relit le passage qui l'avait intéressée. On entend la porte extérieure de la maison se fermer violemment. Madge lève la tête et se dirige vers la porte du vestibule.

Entre Murray. C'est un homme grand, solidement bâti, au visage résolu. Sa mine est soignée et son extérieur serait séduisant si son regard, à de certains moments, ne prenait un aspect encore plus dur que celui de sa femme.

MADGE, vivement. – Eh bien ? As-tu trouvé notre homme ?

MURRAY. – Non. Il va au meuble dont il ouvre nerveusement la porte;il donne un tour ou deux aux lettres tout en parlant. Il n'était pas chez lui… Ah ! Il va falloir appeler un serrurier !

MADGE, vivement. – Non ! non ! à aucun prix ! ce serait une imprudence !

MURRAY. – Pourtant, il faut croire quelque chose. Revenant au coffre-fort. Je ne connais rien à ces satanés engins. Et nous n'avons plus un instant à perdre ! Il y a du nouveau.

MADGE. – Quelque chose de grave ?

MURRAY. – Et d'inquiétant !… Les hauts personnages que vise notre opération viennent de mettre dans leur jeu Sherlock Holmes…

MADGE, tressautant. – Sherlock Holmes ? Le détective amateur ?

MURRAY. – Parbleu !… Comme s'il y en avait un autre !

MADGE. – Comment sais-tu cela ?

MURRAY. – Je l'ai appris par des gens qui sont intéressés à savoir exactement tout ce qui concerne Sherlock Holmes… Toutes les fois qu’il s'attelle à une nouvelle affaire, ils sont renseignés.

MADGE. – Eh bien ! Tout Sherlock Holmes qu'il est, que fera-t-il ?

MURRAY. – Je n'en sais rien, mais sûrement il fera quelque chose… Il a beau n'être qu'un détective privé, un amateur, il voit autrement clair et loin que la vraie police. La preuve, c'est que dès qu'il y a quelque part, sur toute la surface du monde civilisé, un problème à résoudre, un écheveau difficile à débrouiller, c'est à lui qu'on s'adresse. Et quand une fois il a pris une affaire en main, il n'est pas long à agir.

MADGE. – Alors, il n'y a pas à tergiverser, et puisque tu n'as pu dénicher Bribb, il faut sur-le-champ trouver quelqu'un qui s'acquitte de la besogne à sa place.

MURRAY. – Bribb peut encore venir. J'ai laissé un mot à son bar habituel et j'ai lancé sur sa piste quelques camarades. Avec un grondement de mauvaise humeur. Quelle déveine ! Dire que voici dix-huit mois que nous trimballons avec nous ces deux femmes, que nous les amadouons, que nous les dorlotons, et que juste au moment où nous croyons enfin les avoir amenées au point que nous désirions, cette mâtine de fille nous joue un tour pareil ! Regardant l'escalier. Si je montais la voir et causer un instant avec elle… peut-être arriverais-je à la convaincre.

MADGE. – Vas-y, si tu veux, mais tu n'obtiendras rien par la violence.

MURRAY. – Eh bien ! J'essaierai de la douceur, quoique ce ne soit guère dans mes cordes.

À ce moment Thérèse entre.

MADGE. – Ah ! c'est vous, Thérèse ! … Attendez une seconde, je vais vous parler. Remontant vers l'escalier. Surtout, Jim, garde ton sang-froid.

MURRAY. – Sois tranquille !

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