SCÈNE III

MADGE, THÉRÈSE, puis MISTRESS BRENT

THÉRÈSE. – Benjamin, le maître d'hôtel, m'a dit que madame avait à me parler.

MADGE. – C'est plutôt vous, paraît-il, qui désiriez me voir… Est-ce vrai, ce qu'on me dit : Vous voulez quitter la maison ?

THÉRÈSE. – Oui, madame.

MADGE. – Et pour quel motif, s'il vous plaît ?

THÉRÈSE. – Je désire retourner à Paris. Je ne m'accommode décidément pas de l'Angleterre. J'ai comme qui dirait le mal du pays.

MADGE. – Pourtant, voilà deux ans que vous êtes à mon service, et vous ne vous plaigniez pas ?

THÉRÈSE. – C'est possible, madame, mais aujourd'hui n'est pas hier ! Et puis, s'il faut tout dire, il se passe ici depuis quelque temps des choses qui ne me plaisent pas.

MADGE, vivement. – Vraiment ? À quelles choses faites-vous allusion, s'il vous plaît ?

THÉRÈSE. – Que madame ne me force pas à dire tout ce que je pense ! … Ce qui se trame dans cette maison ! … La façon qu'a monsieur de traiter la jeune dame qui est là-haut ! … Tout ça ne me va pas… Je préfère m'en aller.

MADGE. – Vous ne savez pas ce que vous dites ! La personne dont vous parlez est souffrante ! Sa maladie est, pour nous, un grave sujet e préoccupation… et nous avons, au contraire, pour sa santé, tous les soins, tous les ménagements possibles.

À ce moment, un gémissement prolongé part de l'étage supérieur. Les deux femmes s'arrêtent immobiles. Au même instant, entre en scène, descendant par l'escalier, mistress Brent, une femme âgée, à l'air distingué, aux cheveux blancs, vêtue d'une robe d'intérieur.

MISTRESS BRENT, gémissant. – Mon enfant !

MADGE, allant à elle, entre ses dents. – Qu'est-ce que vous venez faire ici ?

MISTRESS BRENT. – On maltraite encore mon enfant !

MADGE. – Ne vous ai-je pas défendu de quitter votre chambre ?

La vieille dame a un geste de frayeur devant le visage courroucé de Madge. Celle-ci continue d'un ton menaçant. Allons ! venez ! accompagnez-moi. Elle prend mistress Brent par le bras et l'attire, malgré ses efforts, vers la porte. Le même gémissement que précédemment, se fait entendre, mais plus assourdi. Venez, je vous dis !

THÉRÈSE. – Madame…

MADGE, changeant de ton subitement et parlant à mistress Brent d'une voix presque affectueuse. – N'ayez pas peur, ma bonne amie, votre pauvre chère fille n'est pas très bien aujourd'hui… Son cerveau est encore malade, mais elle ne tardera pas à se rétablir. Impérieusement à Thérèse. Thérèse, je causerai avec vous demain matin. À mistress Brent. Accompagnez-moi, je vous en prie ! À voix basse, d'un ton menaçant. M'entendez-vous ?

Elle prend violemment mistress Brent par le bras et l'entraîne vers l'escalier. Thérèse suit des yeux ce jeu de scène.

Juste au moment où Madge et la vieille dame disparaissent, Benjamin entre. Il va à Thérèse et, l'un et l'autre se regardent un instant sans mot dire.

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