CHAPITRE XXVI.

Je ne suis point prompte à pleurer comme fait communément mon sexe, mais j’ai là le sentiment de cette noble douleur dont la flamme brûlante est plus cruelle que les larmes ne sont amères.

SHAKSPEARE.

Lorsqu’ils furent à vingt pas des prisonniers, les Tetons s’arrêtèrent, et leur chef fit signe au vieillard d’approcher. Le Trappeur obéit, et quitta le jeune Pawnie, après lui avoir renouvelé l’assurance, par un regard expressif, qu’il n’oublierait jamais sa promesse. Dès qu’il fut près de Mahtoree, celui-ci étendit le bras, et, posant une main sur l’épaule du vieillard attentif, il resta un instant à le regarder avec des yeux qui semblaient vouloir sonder ses plus secrètes pensées.

– Un Visage Pâle a-t-il deux langues ? demanda-t-il, lorsqu’il vit que ses regards menaçants ne faisaient pas plus d’impression qu’à l’ordinaire sur le Trappeur, qui semblait inaccessible à la crainte.

– L’honnêteté n’est pas à la surface, comme la peau ; sa place est au fond du cœur.

– Soit ! Eh bien ! que mon père m’écoute : Mahtoree n’a qu’une langue, la tête grise en a plusieurs. Il se peut qu’elles soient toutes droites, et qu’aucune d’elles ne soit fourchue. Un Sioux n’est rien de plus qu’un Sioux, mais un Visage Pâle est tout à la fois : il peut parler au Pawnie, et au Konza, et à l’Omawhaw, et il peut parler en même temps à sa nation.

– Oui, il y a même des hommes dans les habitations qui peuvent faire encore davantage. Mais que leur en revient-il ? Le maître de la vie a une oreille pour chaque langue.

– La tête grise a mal agi. Il a dit une chose lorsqu’il en pensait une autre. Il a regardé devant lui avec ses yeux, et derrière lui avec son esprit. Il a fait marcher trop vite le cheval d’un Sioux ; il a été l’ami d’un Pawnie et l’ennemi de mon peuple.

– Teton, je suis votre prisonnier. Quoique mes paroles soient blanches, elles n’exhalent pas de plaintes. Mon sort est entre vos mains, disposez de moi comme il vous plaît.

– Non, Mahtoree ne veut pas rendre rouges des cheveux blancs. Mon père est libre. La Prairie est ouverte de tous les côtés autour de lui. Mais avant que la tête grise tourne le dos aux Sioux, qu’il les regarde bien, afin de pouvoir dire à son chef combien un Dahcotah est grand.

– Je ne suis pas pressé de me mettre en route. Vous voyez un homme à tête blanche, Teton, et non pas une femme. Je n’irai donc pas me mettre hors d’haleine pour apprendre aux nations des Prairies ce que font les Sioux.

– Il suffit. Mon père a fumé avec les chefs à bien des conseils, repartit Mahtoree, qui croyait alors s’être concilié la bienveillance du Trappeur, pour en venir plus directement à son but.

Mahtoree va parler par la bouche de son très-cher ami et père. Un jeune Visage Pâle écoutera, lorsqu’un vieillard de sa nation ouvrira la bouche. Mon père arrangera pour une oreille blanche ce que va dire un pauvre Indien.

– Parlez, dit le Trappeur qui comprenait aisément les métaphores employées par le Teton, pour le prier de lui servir d’interprète, et de traduire ses paroles en anglais ; parlez, mes jeunes gens écoutent. Voici le moment, capitaine, et vous aussi, l’ami chasseur d’abeilles, de vous préparer à entendre les diableries de ce sauvage avec la fermeté qui convient à des guerriers blancs. Si vous sentez votre cœur défaillir un peu par suite de ses menaces, tournez un instant les yeux sur ce noble Pawnie, dont le temps est mesuré d’une main aussi avare que celle du marchand qui, dans les villes, distribue les fruits du Seigneur pouce à pouce, pour satisfaire son avarice. Un seul regard jeté sur ce brave jeune homme suffira pour vous donner du courage.

– Mon frère se trompe de chemin, dit Mahtoree d’un ton de douceur qui prouvait avec quel soin il voulait éviter de blesser celui dont il avait besoin pour interprète.

– Le Dahcotah ne veut-il pas parler à mes jeunes amis ?

– Après avoir parlé à l’oreille de la fleur des Visages Pâles.

– Que le Seigneur pardonne à ce damné coquin ! s’écria le vieillard en anglais. Il n’est point de créature si douce, si jeune, si innocente, qui puisse échapper à ses infâmes désirs. Mais de gros mots et de froids regards ne serviraient à rien. Il sera donc sage de lui parler avec mesure. – Que Mahtoree ouvre la bouche.

– Mon père voudrait-il parler tout haut pour que les femmes et les enfants entendent la sagesse d’un chef ? Non ; nous entrerons dans la loge, et nous lui parlerons à l’oreille.

En disant ces mots, le Teton fit un geste expressif pour lui montrer une tente où était peinte en vives couleurs l’histoire d’un de ses exploits les plus hardis et les plus célèbres, et qui était dressée à quelque distance des autres, comme pour montrer que c’était la résidence d’un guerrier hors de ligne. La lance et le carquois, placés à l’entrée, étaient plus richement ornés que ceux des autres Indiens ; et la haute distinction d’un fusil attestait d’une manière non équivoque l’importance de celui qui l’habitait. Sous les autres rapports, on y voyait des traces de pauvreté plutôt que d’opulence. Les ustensiles de ménage étaient en plus petit nombre et d’une forme plus commune que ceux qu’on voyait à l’entrée des plus humbles tentes, et il ne s’y trouvait aucun des articles de la vie civilisée, qui sont d’un si grand prix aux yeux des Indiens, et qu’ils achètent aux marchands en faisant des échanges, dans lesquels leur ignorance est toujours dupe, Le chef généreux s’en procurait pourtant, mais c’était pour les donner aussitôt à ses subordonnés, afin d’acheter une influence qui mettait à sa disposition leurs vies et leurs personnes, espèce de fortune qui était assurément plus noble par elle-même, et qui était bien plus chère à son ambition.

Le vieillard savait parfaitement que c’était la tente de Mahtoree, et, obéissant au geste du chef, il en prit le chemin à pas lents, quoique à regret. Mais il y avait d’autres personnes, également intéressées au résultat de la conférence qui allait avoir lieu, auxquelles il était impossible de surmonter si aisément leurs craintes. Le regard vigilant, l’oreille jalouse de Middleton lui en avaient appris assez pour remplir son âme des plus horribles pressentiments. Faisant un effort incroyable, il parvint à se dresser sur ses pieds, et s’écria en appelant le Trappeur qui s’éloignait :

– Je vous en conjure, vieillard : si L’attachement que vous aviez pour mes parents était plus que de vains mots, ou si l’amour que vous portez à votre Dieu est celui d’un chrétien, ne prononcez pas une syllabe qui puisse offenser les oreilles de l’innocente, victime…

Il n’en put dire davantage ; ses forces étaient épuisées ainsi que son courage, et tombant au sol comme une masse inanimé, il y resta étendu dans l’immobilité de la mort.

Paul ne voulu pas que l’exhortation restât incomplète, et il se chargea de l’achever à sa manière.

– Écoutez, vieux Trappeur, s’écria-t-il en faisant de vains efforts pour joindre le geste aux paroles : si vous vous apprêtez à jouer le rôle d’interprète, ne faites retentit aux oreilles de ces damnés sauvages que les paroles qu’il convient à un blanc de dire et à un païen d’entendre. Dites lui de ma part que s’il tient le moindre propos, s’il fait la moindre chose à la jeune fille qui se nomme Nelly Wade, je le maudirai à mon dernier soupir, je prierai tous les bons chrétiens du Kentucky de le maudire, assis et debout, buvant et mangeant, se battant et priant, ou aux courses de chevaux, en dehors comme en dedans, en été comme en hiver, ou dans le mois de mars ; en un mot, je… oui, c’est un fait moralement vrai… je reviendrai le poursuivre et m’attacher partout à ses pas, si l’ombre d’un Visage-Pâle peut parvenir à se soulever d’un tombeau creusé par les mains d’une Peau-Rouge.

Ayant ainsi vomi les imprécations les plus terribles qu’il pût imaginer, et les seules aussi qu’il se flattait de pouvoir jamais réaliser, le brave chasseur d’abeilles fut obligé d’attendre le résultat de ses menaces avec la résignation qu’on peut supposer à un homme de son caractère, qui, captif, chargé de liens, n’avait devant les yeux qu’une perspective plus horrible encore. Nous n’arrêterons pas notre récit, pour rappeler les belles phrases morales par lesquelles il s’efforça ensuite de ranimer le courage abattu de son compagnon plus sensible, non plus que les bénédictions énergiques et particulières qu’il adressait à toutes les bandes de Dahcotahs, commençant par celles qu’il accusait de voler et d’assassiner sur les rives éloignées du Mississipi, et finissant, avec un redoublement de ferveur, par cette horde de Tetons. Ces derniers reçurent plus d’une fois de ses lèvres des malédictions aussi sentencieuses et aussi compliquées que ce célèbre anathème de l’Église, dont les protestants illettrés doivent connaissance aux pieuses recherches du digne Tristam Shandy.

Lorsque Middleton revint à lui, son premier soin fut de calmer l’emportement extrême de son compagnon, en lui faisant observer que tous ses cris ne pouvaient leur être d’aucun secours, et qu’ils ne produiraient d’autre effet que de hâter peut-être le mal qu’il voulait détourner, en irritant le ressentiment d’une race de sauvages qui, même dans leur manière d’être la plus pacifique, n’étaient déjà que trop portés à une férocité qui ne connaissait aucun frein.

Pendant ce temps le Trappeur et le chef sioux avaient continué à se diriger vers la tente. Le vieillard observait avec une pénible anxiété la physionomie de Mahtoree, cherchant à lire dans ses yeux ses secrètes pensées, tandis que la voix perçante de Middleton et de Paul les suivait et retentissait à leurs oreilles ; mais la figure de l’Indien était impassible, et il exerçait une garde trop vigilante sur tous ses sens pour laisser échapper la plus légère émotion à travers ces issues secrètes qui communiquent jusqu’au siège même du volcan intérieur, et qui en découvrent l’agitation. Son regard était fixé sur la hutte dont ils approchaient, et ses pensées semblaient toutes dirigées dans ce moment sur le sujet de cette visite extraordinaire.

L’intérieur de la tente répondait à l’extérieur. Elle était plus grande que la plupart des autres ; la forme en était plus élégante ; les matières dont elle était faite étaient plus fines et d’un plus beau choix ; mais c’était là tout ce qui la distinguait. Rien ne pouvait être plus simple que le genre de vie et les mœurs du chef entreprenant, et son ambition comprenait bien quel parti elle pouvait tirer de l’exemple qu’il donnait à son peuple.

Une collection d’armes choisies pour la chasse, trois ou quatre médailles données par les marchands et les agents politiques du Canada, comme un hommage rendu à son rang et pour capter sa bienveillance, avec un petit nombre de pièces de ménage les plus indispensables, composaient tout l’ameublement. On n’y voyait jamais d’amas de venaison ni de bœuf sauvage des Prairies. La politique du chef comprenait bien que la libéralité d’un seul serait amplement récompensée par les contributions journalières de tous. Aussi, quoiqu’il fût le premier à la chasse ainsi qu’à la guerre, jamais un daim ni un buffle n’entrait entier dans sa tente. En retour il était rare qu’un animal fût apporté dans le camp, sans que la famille de Mahtoree en eût la première part. Mais celui-ci ne gardait jamais que ce qui suffisait aux besoins de la journée, sachant bien que tous s’imposeraient les plus dures privations avant de souffrir que la faim, ce fléau de la vie sauvage, eût pour victime un chef si important.

Immédiatement au-dessous de l’arc favori du chef, et au milieu d’une espèce de cercle magique de lances, de flèches et de boucliers, armes qui dans leur temps avaient rendu toutes d’importants services, était suspendu le saint et mystérieux sac aux médicaments. De tous côtés il était entouré de wampum, et était orné d’une profusion de grains et de piquants de porc-épic, arrangés avec toute l’adresse indienne, de manière à former des sortes de devises. On a déjà pu remarquer plus d’une fois que Mahtoree se donnait une assez libre carrière sous le rapport de la croyance religieuse, et cependant, par une contradiction bizarre, il semblait s’être plu à orner cet emblème d’une intervention surnaturelle avec un soin qui semblait en raison inverse de sa foi. C’était simplement la manière dont le chef sioux imitait l’expédient bien connu des Pharisiens, jaloux surtout d’être vus des hommes.

Mahtoree n’était pas entré dans sa tente depuis son retour de l’expédition qui avait eu pour lui des résultats si importants. Comme le lecteur l’a déjà deviné, elle était devenue la prison d’Inez et d’Hélène. La jeune épouse de Middleton était assise sur une simple couche d’herbes odoriférantes couvertes de peaux. Déjà elle avait tant souffert, déjà elle avait vu tant d’événements terribles et inattendus se passer sous ses yeux, depuis les courts instants de sa captivité, que le malheur semblait ne pouvoir plus porter de coups à sa triste victime, auxquels elle ne fut préparée. Le sang s’était retiré de ses joues. Ses jeux noirs et si vifs ordinairement portaient l’expression d’une profonde mélancolie ; il y avait quelque chose de si délicat, de si tremblant dans toute sa personne, qu’on eût dit que sa vie ne tenait qu’à un souffle. Mais au milieu de ces indices de faiblesse, elle avait par moments un air si touchant de résignation, une douce mais sainte espérance se peignait avec tant de charmes sur sa figure, qu’il aurait été difficile de dire quel sentiment la jeune captive méritait le plus d’inspirer, celui de la pitié ou de l’admiration. Tous les préceptes du père Ignace étaient fidèlement gravés dans sa mémoire, et son imagination avait jusqu’à de saintes visions. Soutenue par la religion, la jeune et confiante Inez se soumettait à ce nouveau coup de la Providence avec la même douceur quelle se serait soumise à toute autre pénitence qui lui aurait été imposée pour ses péchés, quoique par moments elle eût de terribles combats à soutenir contre la nature.

Hélène s’était montrée beaucoup plus ferme, et toutes les passions l’avaient agitée successivement. Elle avait pleuré au point que ses yeux étaient rouges et enflés. Sa figure était animée ; on y voyait l’expression du dépit et du ressentiment, avec une légère teinte d’inquiétude pour l’avenir. Le malheur avait pu la frapper, mais non l’abattre, et tout indiquait que s’il venait un temps plus heureux où la constance du chasseur d’abeilles pût recevoir sa récompense, Paul trouverait dans sa compagne, un caractère franc et décidé, en parfaite harmonie avec le sien.

Il nous reste encore un troisième portrait à tracer dans ce petit groupe de femmes, celui d’une jeune Indienne, la plus heureusement douée des femmes du Teton, et jusque alors aussi celle qu’il avait préférée à toutes les autres. Les regards avides de son mari contemplaient délicieusement ses charmes jusqu’à l’instant où, ils s’étaient ouverts si inopinément sur la beauté supérieure d’une femme des Visages-Pâles. Depuis ce cruel moment, les grâces, l’attachement, la fidélité de la jeune Indienne avaient perdu le pouvoir de lui plaire. Cependant le teint de Tachechana, sans être aussi éblouissant que celui de sa rivale, avait quelque chose de frais et de transparent qu’on trouve rarement dans une Indienne. Son œil, d’un brun clair, avait la douceur et l’enjouement de celui de la gazelle ; le son de sa voix, l’expression de sa figure annonçaient la gaieté de son caractère.

De toutes les jeunes filles sioux, Tachechana (la jeune Biche) était la plus enjouée et la plus jolie. Son père avait été un guerrier célèbre, et ses frères avaient déjà laissé leurs os sur le sentier épineux de la guerre. Innombrables étaient les guerriers qui avaient envoyé des présents à sa tente, mais aucun n’avait été écouté jusqu’au moment où le messager du grand Mahtoree était venu. Elle était sa troisième femme, il est vrai, mais elle était la plus favorisée de toutes. Leur bonheur n’avait encore duré que deux courts printemps, et le fruit leur union dormait alors à ses pieds, entouré, suivant l’usage, de bandes de peaux et d’écorces, qui forment les langes d’un enfant indien.

Au moment où Mahtoree et le Trappeur arrivèrent à l’entrée de la tente, la jeune femme était assise sur un simple tabouret ; ses yeux se portaient alternativement sur l’enfant endormi et sur ces êtres privilégiés qui avaient rempli sa jeune âme sans expérience d’une si vive admiration ; et leur expression, variant ainsi que les émotions qui l’agitaient, peignait tour à tour la tendresse maternelle et l’étonnement le plus profond. Quoique Inez et Hélène eussent déjà passé un jour entier auprès d’elle, on eût dit que chaque nouveau regard ne faisait qu’ajouter encore à sa curiosité. Elle les regardait comme des êtres d’une nature entièrement différente des femmes de la Prairie. La complication mystérieuse de leur toilette n’était pas sans influence sur la jeune Indienne ; mais c’était surtout cette grâce, ces charmes de leur sexe, auxquels la nature a rendu tous les hommes si sensibles, qui attiraient le plus son admiration.

Tandis que son innocente ingénuité se plaisait à reconnaître la supériorité des étrangères sur les jeunes filles Dahcotahs, elle ne voyait aucune raison de s’en alarmer. La visite qu’elle était au moment de recevoir était la première que son mari fit à la tente depuis son retour de l’expédition qui avait eu pour lui des résultats si importants, et il était toujours présent à ses pensées, comme un guerrier intrépide qui ne rougissait pas, dans ses moments d’inaction, d’ouvrir son cœur aux doux sentiments d’un père et d’un époux.

Nous avons cherché dans toutes les occasions à montrer que, si sous beaucoup de rapports Mahtoree était un franc guerrier des Prairies, il était beaucoup plus avancé que son peuple, en cela que son esprit s’était déjà ouvert à quelques idées qui sont comme l’aurore de la civilisation. Il avait eu de fréquentes relations avec les marchands et les troupes du Canada, et elles avaient suffi pour déraciner quelques unes de ces opinions sauvages qui étaient en quelque sorte son droit de naissance, sans cependant en substituer d’autres à la place qui fussent assez distinctes pour qu’il put en retirer quelque profit. De même qu’une foule d’hommes plus éclairés, qui s’imaginent pouvoir affronter les orages de la vie humaine, sans autre appui que leur propre courage, ses principes de morale étaient fort accommodants, et il ne connaissait d’autre mobile que l’égoïsme. Ces points de ressemblance ne doivent pas étonner entre des hommes qui possèdent essentiellement la même nature, quelque modification qu’elle puisse subir par l’effet des circonstances.

Malgré la présence d’Inez et d’Hélène, l’entrée du guerrier teton dans la tente de son épouse favorite fut celle d’un maître. Le bruit de ses moccassins était presque insensible ; mais celui de ses bracelets et des ornements d’argent qui entouraient ses jambes suffit pour annoncer son arrivée, lorsqu’il tira la peau qui fermait l’entrée de la tente, et qu’il parut en présence des trois femmes. À sa vue Tachechana, dans le premier moment de sa surprise, ne put retenir un faible cri de joie ; mais cette émotion fut réprimée au même instant, et fit place à ces manières réservées qui devaient caractériser une matrone de sa tribu. Au lieu de rendre à sa jeune épouse le regard qu’elle jetait sur lui à la dérobée, Mahtoree se dirigea vers la couche occupée par ses captives, et se plaça devant elles dans l’attitude fière et imposante d’un chef indien. Le vieillard s’était glissé derrière lui, et s’était déjà placé de manière à pouvoir s’acquitter des fonctions qu’il avait reçu l’ordre de remplir.

Les deux femmes restèrent un instant muettes de surprise, et respirant à peine. Quoique accoutumées à voir des guerriers sauvages couverts de leur horrible armure, il y avait quelque chose de si frappant dans la brusque entrée de Mahtoree, quelque chose de si audacieux dans ses regards, qu’un sentiment de terreur et peut-être d’embarras leur fit baisser simultanément la tête. Inez fut la première à recueillir ses idées ; et, s’adressant au Trappeur, elle lui demanda, avec la dignité d’une femme qui se sent offensée, mais en même temps avec sa grâce ordinaire, à quelles circonstances elles devaient attribuer cette visite inattendue. Le vieillard hésita ; mais toussant deux ou trois fois, comme quelqu’un qui se prépare à faire un effort auquel il est peu accoutumé, il se hasarda enfin à répondre :

– Madame, dit-il, un sauvage est un sauvage, et vous ne devez pas vous attendre à trouver les formes et les politesses des habitations sur une Prairie aride et sans cesse balayée par le vent. Les façons et les cérémonies sont des choses si légères, comme diraient les Indiens, que le moindre souffle aurait bientôt tout emporté. Quant à moi, voyez-vous, quoique j’habite la forêt, j’ai vu les manières des grands dans mon temps, et je n’en suis pas à apprendre en quoi elles diffèrent de celles des inférieurs. J’ai servi longtemps dans ma jeunesse, entendez-vous, non pas comme vos esclaves qui courent en tous sens dans la maison sans savoir pourquoi, mais comme un homme qui a fait le service de la forêt avec son officier ; et je sais comment on doit aborder la femme de son capitaine. Aussi, voyez-vous, si j’avais été le maître, j’aurais commencé par tousser fort à la porte, pour vous faire connaître que des étrangers approchaient ; et ensuite…

– La manière n’y fait rien, dit Inez en l’interrompant, car elle était trop impatiente pour attendre les explications prolixes du vieillard. Quel est le but de cette visite ?

– Ah ! c’est ce que le sauvage va vous dire lui-même. – Les filles des Visages-Pâles désirent savoir pourquoi le Grand-Teton est venu dans sa tente ?

Mahtoree regarda le Trappeur d’un air de surprise qui indiquait combien cette question lui semblait extraordinaire. Après un instant de réflexion, il chercha à donner à sa figure une expression de condescendance, et il répondit :

– Chantez aux oreilles de la fille aux yeux noirs. Dites-lui que la tente de Mahtoree est bien grande, et qu’elle n’est pas remplie. Elle y trouvera de la place, et personne ne sera plus grande qu’elle. Dites aux cheveux blonds qu’elle aussi peut rester dans la tente d’un brave et manger de sa venaison ; Mahtoree est un grand chef, sa main n’est jamais fermée.

– Teton, reprit le Trappeur en hochant la tête pour témoigner à quel point il désapprouvait ce langage, la langue d’une Peau Rouge doit prendre une couleur blanche, avant de pouvoir faire de la musique aux oreilles d’une femme des Visages-Pâles. Si je répétais vos paroles, mes filles fermeraient leurs oreilles, et Mahtoree paraîtrait un marchand à leurs yeux. Or, écoutez ce qui sort d’une tête grise, et ensuite parlez en conséquence. Mon peuple est un puissant peuple. Le soleil se lève à l’orient sur les frontières de ses États et il se couche aussi sur leurs frontières à l’occident. La terre est remplie de jeunes filles aux yeux brillants et aux doux sourires, telles que celles que vous voyez. Oui, Teton, je ne dis pas d’imposture, ajoutât-il en voyant que le chef montrait un air d’incrédulité, je vous le répète, aux yeux brillants et aussi agréables à voir que celles qui sont devant vous.

– Mon père a-t-il cent femmes ? dit le sauvage en l’interrompant, et en posant la main sur l’épaule du Trappeur, comme s’il prenait un vif intérêt à sa réponse.

– Non, Dahcotah ; le maître de la vie m’a dit : Vis seul ; la forêt sera ton asile, les nuages seront le toit de ton wigwam Mais quoique je n’aie jamais été soumis personnellement à l’influence de cette foi secrète, qui, dans ma nation, attache un homme à une femme, j’ai vu plus d’une fois les effets de cette affection qui des deux n’en fait qu’un seul. Allez dans le pays de mon peuple, vous verrez les filles du sol voltiger à travers les villes comme autant d’oiseaux au brillant plumage dans la saison des fleurs. Vous les verrez chanter et se réjouir le long des grands sentiers, et vous entendrez les bois retentir de leurs joyeux ébats. Elles sont très-bonnes à voir, et les jeunes garçons trouvent du plaisir à les regarder.

– Wagh ! s’écria Mahtoree attentif.

– Oui, vous pouvez ajouter foi à ce que vous entendez ; car ce n’est pas un mensonge. Mais lorsqu’un jeune homme a rencontré une fille qui lui plaît, il lui parle d’une voix si basse qu’elle seule peut l’entendre ; il ne lui dit pas : ma tente est vide, et il y a encore place pour une autre ; – mais bien : bâtirai-je une tente ? et la jeune vierge veut-elle me montrer près de quelle source elle désire habiter ? Sa voix est plus douce que le miel du carouge, et elle entre délicatement dans l’oreille comme le chant du roitelet. Ainsi donc, si mon frère désire que ses paroles soient entendues, il faut qu’il parle avec une langue blanche.

Mahtoree éprouvait une surprise qu’il ne cherchait pas à cacher, et il semblait plongé dans de profondes réflexions. C’était bouleverser l’ordre naturel de la société ; c’était, d’après ses opinions, compromettre la dignité d’un chef, que de s’humilier ainsi devant une femme. Mais en voyant l’air imposant et réservé d’Inez, qui était loin de soupçonner le véritable motif d’une visite aussi extraordinaire, le sauvage éprouva l’influence d’un sentiment auquel il n’était pas accoutumé. Baissant la tête comme pour avouer son erreur, il recula de quelques pas, et, prenant une attitude de dignité, il commença à parler avec la confiance d’un guerrier qui n’est pas moins célèbre pour son éloquence que pour ses faits d’armes. Ses yeux restèrent constamment attachés sur la jeune épouse de Middleton pendant qu’il prononçait les paroles suivantes :

– Je suis un homme dont la peau est rouge, mais mes yeux sont noirs. Bien des neiges sont tombées depuis qu’ils se sont ouverts pour la première fois. Ils ont vu bien des choses, et ils savent distinguer un brave d’un poltron. Enfant, je ne voyais que le daim et le bison ; j’allai sur les terrains de chasse, et je vis l’ours et le couguar : ce fut ainsi que Mahtoree devint un homme. Il ne parla plus avec sa mère ; ses oreilles s’ouvrirent à la sagesse des vieillards, qui lui racontèrent tout. Ils lui parlèrent des Longs-Couteaux. Il alla sur le sentier de la guerre : il était alors le dernier, il est le premier maintenant. Quel Dahcotah oserait dire qu’il s’élancera avant Mahtoree sur les terrains de chasse des Pawnies ? Les chefs le rencontrèrent à leurs portes, et ils dirent : Mon fils n’a pas encore d’habitation à lui. Ils lui donnèrent leurs loges, ils lui donnèrent leurs richesses, ils lui donnèrent leurs filles. Alors Mahtoree devint un grand chef, comme ses pères l’avaient été ; il terrassa les guerriers de toutes les nations, et il aurait pu se choisir des femmes chez les Pawnies, les Omawhaws et les Konzas ; mais il songeait aux pays de chasse, et non à son village. Un cheval était plus de son goût qu’une fille dahcotah. Cependant il a trouvé une fleur dans la Prairie ; il l’a cueillie et il l’a apportée dans sa tente. Il oublie qu’il ne possède qu’un seul cheval, il les rend tous aux étrangers, car Mahtoree n’est pas un voleur. Il gardera seulement la fleur qu’il a trouvée sur la Prairie : ses pieds sont bien délicats ; elle ne saurait marcher jusqu’à la porte de son père ; elle restera à jamais dans la tente d’un guerrier.

Lorsqu’il eut fini ce discours extraordinaire, le Teton attendit que son interprète le traduisît, de l’air d’un amant qui ne doute guère du succès. Le Trappeur n’en avait pas perdu un seul mot, et il se disposa à le rendre en anglais de manière à ce que l’idée principale fût encore plus embrouillée et plus confuse dans la traduction que dans l’original. Mais au moment où ses lèvres allaient s’entr’ouvrir, quoique avec une répugnance marquée, Hélène leva un doigt, et jetant un regard expressif sur sa compagne attentive, elle ne lui laissa pas le temps de commencer :

– Dispensez-vous de ce soin, s’écria-t-elle ; ce que dit un sauvage ne doit pas être répété devant une chrétienne.

Inez s’inclina d’un air de réserve. ; et la rougeur sur le front, elle remercia le vieillard de ses bonnes intentions, et lui fit entendre qu’elles désiraient être seules.

– Mes filles n’ont pas besoin d’oreilles pour comprendre ce que dit un grand Dahcotah, reprit le Trappeur en s’adressant à Mahtoree ; le regard qu’il a jeté, et les gestes qu’il a faits, suffisent. Elles le comprennent ; elles désirent penser à ses paroles ; car les enfants de braves guerriers, comme le sont leurs pères, ne font jamais rien sans de profondes pensées.

Cette explication si flatteuse pour l’énergie de son éloquence, et d’un si heureux augure pour l’avenir, parut satisfaire entièrement le Teton. Il témoigna son assentiment par l’exclamation d’usage, et après avoir salué les deux amies avec la réserve, mais en même temps avec la dignité d’un chef, il se disposa à sortir de la tente d’un air de triomphe qu’il cherchait en vain à cacher.

Mais il y avait un témoin de la scène qui venait de se passer, un témoin qui, immobile à sa place, n’était observé de personne, mais dont le cœur n’en était pas moins cruellement déchiré. Chaque parole sortie des lèvres de l’époux dont elle attendait si vivement le retour avait été un coup de poignard pour l’infortunée Tachechana. C’étaient là les discours qu’il lui avait adressés lorsqu’il l’avait emmenée de la loge de son père, et c’était pour entendre de pareils récits des faits d’armes du plus grand guerrier, qu’elle avait fermé les oreilles aux tendres propos de tant de jeunes Sioux.

Au moment où le Teton se détournait, comme nous l’avons déjà dit, pour sortir de la tente, il trouva devant lui la femme délaissée à laquelle il ne songeait déjà plus. Elle était debout, dans l’attitude humble et tremblante d’une jeune Indienne, tenant entre ses bras le fruit de leur amour, et placée directement sur son passage. Le chef tressaillit, mais, réprimant aussitôt ce premier mouvement pour reprendre l’air froid et impassible qu’il savait donner à sa figure, quels que fussent les sentiments qui l’agitaient, il lui fit signe, d’un air d’autorité, de lui faire place.

– Tachechana n’est-elle pas la fille d’un chef ? demanda une voix douce dans l’expression de laquelle il semblait y avoir un touchant mélange de fierté et de douleur ; ses frères n’étaient-ils pas des braves ?

– Allez, les hommes appellent leur chef ; il n’a pas d’oreilles pour une femme.

– Non, répondit la suppliante ; ce n’est pas la voix de Tachechana que vous entendez ; c’est celle de cet enfant qui vous parle par la bouche de sa mère. Il est le fils d’un chef, et ses paroles entreront dans les oreilles de son père. Écoutez ce qu’elle dit : – Quand Mahtoree a-t-il eu faim, et que Tachechana ne lui ait point préparé des aliments ? Quand a-t-il trouvé vide le sentier des Pawnies, dans ses expéditions guerrières, sans que ma mère en ait versé des larmes ? Quand est-il revenu avec les marques de leurs coups sans qu’elle ait chanté ? Quelle fille sioux a jamais donné à un chef un fils comme moi ? Regardez-moi bien, afin de me connaître. Mes yeux sont ceux de l’aigle ; je regarde le soleil, et je ris ; dans un peu de temps les Dahcotahs me suivront à la chasse et sur le sentier de la guerre. Pourquoi mon père détourne-t-il les yeux de dessus la femme qui m’a nourri de son lait ? Pourquoi a-t-il oublié si vite la fille d’un puissant Sioux !

Le froid regard de Mahtoree se dirigea sur la figure de l’enfant qui lui souriait en lui tendant les bras ; et il y eut un instant où le cœur farouche du Teton parut s’attendrir ; mais, secouant aussitôt ces doux sentiments de la nature, devenus pénibles pour lui depuis qu’ils semblaient lui reprocher sa conduite, il prit doucement sa jeune épouse par le bras, et la conduisit en face d’Inez. Après lui avoir montré du doigt la figure séduisante de l’aimable captive qui la regardait d’un air de tendresse et de compassion, il s’arrêta un moment pour laisser à Tachechana le temps de contempler ces charmes qui lui avaient ravi le cœur de son infidèle époux, mais que, dans sa naïveté touchante, elle ne pouvait pourtant pas s’empêcher d’admirer. Lorsqu’il crut lui avoir donné tout le temps nécessaire pour juger du contraste, il prit tout à coup un petit miroir qui pendait à la ceinture de l’infortunée, présent que dans un moment de tendresse il lui avait fait lui-même comme un hommage rendu à sa beauté, et il le lui mit brusquement devant les yeux pour qu’elle y pût voir sa figure basanée. Alors, faisant signe au vieillard de le suivre, il s’éloigna avec fierté en disant :

– Mahtoree est un grand chef ! quelle nation a jamais eu un aussi grand chef que les Dahcotahs ?

Il était déjà loin que Tachechana était encore à la même place, le corps immobile comme une statue ; mais ses traits, dont l’expression était naturellement douce et enjouée, indiquaient une agitation extraordinaire, comme si la lutte qui se livrait dans son cœur allait briser les liens qui unissaient son âme à cette partie plus matérielle dont la difformité lui était devenue si pénible, depuis que le contraste la lui avait fait sentir. Inez et Hélène ne connaissaient nullement le motif de l’entretien qu’elle venait d’avoir avec son époux, quoique l’esprit vif et perçant d’Hélène lui fît concevoir des soupçons qui n’entraient point dans l’âme simple et naïve de sa jeune compagne. Toutes deux néanmoins allaient s’approcher d’elle pour lui prodiguer ces soins affectueux qui semblent naturels aux femmes et qu’elles prodiguent avec tant de grâce, lorsque la cause qui les rendait nécessaires parut cesser tout à coup. Les convulsions qui agitaient les traits de la jeune Indienne disparurent, et sa physionomie redevint calme et tranquille. Seulement, ce front que jusque alors la peine n’avait presque jamais effleuré, conservait encore les traces d’une douleur comprimée. Ces traces ne s’effacèrent jamais. Les saisons, les années se passèrent ; elle les porta durant toutes les vicissitudes de fortune que, dans les variations d’une vie sauvage, la jeune infortunée était condamnée à souffrir ; semblable à une plante délicate qui, frappée par un soleil trop ardent, ne peut jamais relever entièrement sa tige flétrie, mais conserve toujours un air de langueur.

Tachechana commença par se dépouiller de tous ces ornements grossiers, mais bien chers à ses yeux, que son mari s’était plu à lui prodiguer ; et d’un air doux, sans laisser échapper un murmure, elle les offrit à Inez comme un hommage rendu à sa beauté. Elle ôta les rangées de grains qui se jouaient en tresses compliquées autour de ses jambes. Les bracelets furent détachés de ses mains, le large bandeau d’argent de son front… Alors elle s’arrêta longtemps et sembla de nouveau oppressée. Mais il paraîtrait que la résolution qu’elle avait une fois prise était trop forte pour céder à l’influence des sentiments même les plus naturels. Rassemblant tout son courage, elle prit son enfant et le déposa aux pieds de son innocente rivale. Ce fut pour le coup qu’elle put regarder son sacrifice comme consommé ; l’infortunée venait de donner plus que sa vie.

Pendant qu’Inez et Hélène suivaient des yeux tous les mouvements de la jeune Indienne avec un muet étonnement, une voix douce et mélodieuse retentit à leurs oreilles, disant dans une langue qui pour elles était inintelligible :

– Une voix étrangère apprendra à mon enfant la manière de devenir homme. Il entendra des sons qui seront nouveaux pour lui ; mais il les retiendra, et il oubliera la voix de sa mère. C’est la volonté du Wahcondah, et une jeune fille sioux ne doit pas se plaindre. Parlez-lui doucement, car ses oreilles sont bien petites ; quand il sera grand, vous pourrez élever la voix. Qu’il ne soit pas une fille, car bien triste est le sort d’une femme ! Apprenez-lui à fixer ses yeux sur les hommes. Montrez-lui comment il doit frapper ceux qui lui font du mal, et qu’il n’oublie jamais de rendre coup pour coup. Lorsqu’il ira à la chasse, la fleur des Visages-Pâles, ajouta-t-elle en employant la métaphore qui s’était présentée à l’imagination de son époux inconstant, et qu’elle se rappelait avec amertume, – la fleur des Visages-Pâles lui dira tout bas à l’oreille que la peau de sa mère était rouge, et qu’elle était autrefois la Biche des Dahcotahs.

Tachechana appuya ses lèvres pour la dernière fois sur celles de son fils ; puis, se retirant à l’extrémité de la tente, elle se couvrit la tête de sa robe légère, et s’assit, en signe d’humilité, sur la terre nue. Tous les efforts de ses compagnes pour attirer son attention furent inutiles. Elle n’entendait pas leurs remontrances, et ne sentait pas le doux toucher de leurs mains. Seulement une ou deux fois sa voix s’éleva de dessous sa robe flottante, en formant une sorte de cadence mélancolique, mais sans jamais monter jusqu’aux accents sauvages de la musique indienne. Elle resta dans cette position pendant des heures entières, tandis qu’il se passait en dehors de la tente des événements qui devaient, non seulement changer matériellement son sort, mais même influer d’une manière toute particulière sur les mouvements de la peuplade de Sioux errants.

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