CHAPITRE XXIX.

Le bruit court qu’il a un riche trésor.

SHAKSPEARE. Timon d’Athènes.

Nous avons laissé Marmaduke et son cousin tous deux à cheval pour une excursion que le shérif n’avait pas vu retarder sans regret. Tout occupé de ses grands projets, il avait un air d’importance qui ne permettait guère au juge d’entamer une conversation gaie, et ils firent environ un mille en gardant un profond silence.

– Eh bien ! Dickon, dit enfin M. Temple, puisque j’ai consenti à vous suivre sans savoir où nous allons et pourquoi vous m’y conduisez, il me semble que le moment est arrivé de me faire une confidence entière. Quel est le but de ce voyage que nous faisons d’un air si solennel ?

Le shérif toussa avec tant de force, qu’il fit retentir les échos de la forêt dans laquelle ils venaient d’entrer ; et, tenant ses yeux fixés sur les objets qui se trouvaient devant lui, comme un homme qui veut percer à travers les régions obscures de l’avenir, il répondit ainsi qu’il suit :

– Je puis dire, cousin ’Duke, que depuis notre naissance il y a toujours eu un point de différence entre nous. Ce n’est pas que je veuille vous en rendre responsable ; car il est aussi injuste de condamner les défauts naturels d’un homme, que de faire l’éloge des avantages naturels d’un autre. Mais il est certain que nous avons différé en un point depuis l’instant de notre naissance, et vous savez que vous n’êtes mon aîné que de deux jours.

– Je ne conçois vraiment pas, Richard, quel peut être ce point, car, à mon avis, nous différons si matériellement, et en tant de choses…

– Ce ne sont que des conséquences dérivant d’une même cause, juge Temple ; et cette cause est l’opinion que nous nous sommes formée des attributions universelles du génie.

– Je ne vous comprends pas bien, Dickon.

– Je crois pourtant que je parle bon anglais, cousin ’Duke ; du moins c’est mon père qui me l’a appris, et mon père savait…

– Le grec et le latin, Dickon. Je connais aussi bien que vous toute la science de votre famille. Mais venons au fait. Pourquoi voyageons-nous aujourd’hui sur cette montagne ?

– Pour bien traiter un sujet, juge, il faut que celui qui en parle soit libre de le manier comme bon lui semble. Vous pensez que la nature et l’éducation ne peuvent donner à un homme que les moyens de bien faire une seule chose ; et moi je soutiens que le génie peut suppléer à l’instruction, et qu’il est tel homme qui, naturellement, est capable de faire chaque chose et toutes choses.

– Un homme comme vous, par exemple, cousin Dickon.

– Je méprise les personnalités, juge Temple ; je ne parle nullement de moi ; mais il existe sur votre patente trois hommes que je puis citer comme doués par la nature d’un talent universel, quoiqu’ils agissent sous l’influence de situations différentes.

– Vraiment ! Nous sommes donc mieux que je ne le supposais. Et qui sont ces trois grands hommes ?

– L’un est Hiram Doolittle. Son métier, comme vous le savez, est d’être charpentier, et il ne faut que jeter les yeux sur le village pour rendre justice à son mérite. Ensuite il a été nommé juge de paix ; et où est le magistrat, quelque éducation qu’il ait reçue, qui sache mieux administrer la justice ?

– Soit, dit Marmaduke de l’air d’un homme qui ne veut pas entrer en discussion sur un point contestable ; en voilà un.

– Jotham Riddel en est un autre.

– Qui ? s’écria le juge.

– Jotham Riddel, vous dis-je.

– Quoi ! cet homme mécontent de tout, ce fainéant, ce spéculateur qui change de comté tous les trois ans, d’habitation chaque année, et de profession tous les trois mois ; qui était hier cultivateur, qui est aujourd’hui maître d’école, et qui sera demain cordonnier ! ce composé de toutes les mauvaises qualités des colons, sans qu’il les rachète par une seule de leurs bonnes ! En conscience, Richard, celui-là ne peut passer. Et quel est le troisième ?

– Comme le troisième, juge Temple, n’est pas habitué à entendre de pareils commentaires sur son compte, je me dispenserai de le nommer.

– Tout ce que je conclus de tout cela, Dickon, c’est que ce trio, dont vous êtes le principal personnage, a fait quelque importante découverte.

– Je ne vous ai pas dit que j’en fasse partie. Je vous répète que je ne parle pas de moi. Mais il est très-vrai qu’il a été fait une découverte, et que vous y êtes très-intéressé.

– Voyons, Richard ; je vous écoute avec une grande attention.

– Vous savez, cousin ’Duke, qu’il existe sur votre patente un individu connu sous le nom de Natty Bumppo. Cet homme y a vécu seul pendant environ quarante ans, dit-on ; mais depuis quelque temps il habite avec deux étranges compagnons.

– Une partie de cela est vrai, le tout est assez probable.

– Tout est vrai, juge, tout est vrai. Eh bien ! ces compagnons qui vivent avec lui depuis quelque temps sont un vieux chef indien, le dernier ou l’un des derniers de sa tribu, et un jeune homme qu’on dit fils de quelque agent anglais et d’une Indienne.

– Qui dit cela ? s’écria Marmaduke avec un intérêt qu’il n’avait pas encore montré.

– Qui ? le bon sens, le bruit général. Mais écoutez jusqu’à ce que vous sachiez tout. Ce jeune homme ne manque pas de talents. Oui, il a ce que j’appelle de jolis talents ; il a été passablement élevé ; il sait assez bien se conduire en compagnie, quand il le veut. Maintenant, cousin ’Duke, pourriez-vous me dire quel motif a pu réunir ensemble trois hommes comme John Mohican, Natty Bumppo, et Olivier Edwards ?

– C’est une question que je me suis faite bien souvent, Dickon, et je n’ai jamais pu la résoudre. Avez-vous pénétré ce mystère, ou en êtes-vous encore aux conjectures ?

– Aux conjectures ! non, non, cousin ’Duke, j’ai des faits, des faits certains et incontestables. Vous savez qu’il existe des mines dans ces montagnes ; car je vous ai entendu dire que vous croyez à leur existence.

– En raisonnant par analogie, Richard, mais sans en avoir aucune certitude.

– Mais vous en avez entendu parler ; vous avez vu des échantillons de minerai, vous ne pouvez le nier. D’ailleurs, en raisonnant par analogie, comme vous le dites, puisqu’il y a des mines dans l’Amérique méridionale, pourquoi n’y en aurait-il pas dans l’Amérique septentrionale ?

– Je ne nie pas que j’aie entendu dire qu’on présume qu’il existe des mines en ce pays, et qu’on m’ait apporté des échantillons de terre qui paraissaient contenir du minerai. Je ne serais donc nullement surpris d’apprendre qu’on ait découvert quelque mine d’étain, ou, ce qui serait encore plus important, de charbon de terre.

– Au diable votre charbon, juge ! Qui diable a besoin de charbon au milieu de ces forêts ? Non, cousin ’Duke, non ; l’argent est la seule chose qui nous manque, et c’est de l’argent qu’il s’agit de trouver. Maintenant, écoutez bien. Je n’ai pas besoin de vous dire que les naturels connaissent l’or et l’argent, et par conséquent personne ne doit connaître aussi bien qu’eux les endroits où il peut s’en trouver. Or, j’ai les meilleures raisons du monde pour croire que John Mohican et Bas-de-Cuir connaissent, depuis bien des années, l’existence d’une mine sur cette montagne même, et je vous ferai connaître ces raisons en temps convenable.

– Et quel temps peut être plus convenable que le moment actuel ? s’écria Marmaduke, curieux de voir à quoi ce préambule aboutirait.

– À la bonne heure ; mais écoutez-moi avec attention, répondit Richard en jetant les yeux à droite et à gauche pour voir si la forêt ne cachait personne qui pût l’entendre. J’ai vu Mohican et Bas-de-Cuir, vu de mes propres yeux, et mes yeux sont aussi bons que ceux de qui que ce soit ; je les ai vus, dis-je, monter sur cette montagne et en descendre, avec des pelles et des pioches. D’autres les ont vus faire entrer dans leur hutte divers objets d’une manière mystérieuse, et toujours pendant la nuit. Que pensez-vous que ce pût être ?

Marmaduke ne répondit rien, et resta les yeux fixés sur Richard, attendant la suite de sa révélation.

– Je vous le dirai, continua Richard ; c’était du minerai, ce ne pouvait être autre chose. Maintenant je vous demande si vous pouvez me dire qui est cet Olivier Edwards, qui est devenu votre commensal depuis les dernières fêtes de Noël.

M. Temple garda encore le silence.

– Nous ne pouvons douter que ce ne soit un métis car Mohican l’appelle ouvertement son parent, un Delaware. Nous avons reconnu qu’il a reçu une assez bonne éducation. Mais qu’est-il venu faire dans ce pays ? Vous souvenez-vous qu’un mois, ou à peu près, avant que ce jeune homme arrivât dans nos environs, Natty fut absent de chez lui pendant plusieurs jours ? Vous n’en pouvez douter, car vous le fîtes chercher pour lui acheter de la venaison que vous vouliez porter à vos amis à New-York, en allant chercher votre fille. Eh bien ! on ne le trouva point. John Mohican était seul dans sa hutte. Natty revint pendant votre absence ; il arriva la nuit, et cependant on le vit revenir tirant un de ces traîneaux dont on se sert pendant l’hiver pour porter sur la neige des grains au moulin. Ce traîneau était couvert avec grand soin de plusieurs peaux d’ours ; il s’arrêta à la porte de sa chaumière, et Mohican et lui en tirèrent avec précaution quelque chose qui paraissait assez lourd, et qu’ils transportèrent dans la hutte, mais que l’obscurité empêcha de distinguer.

– Quelque daim qu’il avait tué sans doute.

– Non certainement, car il avait laissé son fusil au village pour le faire réparer. Il est constant qu’il était allé je ne sais où, et qu’il en a rapporté je ne sais quoi, probablement des outils destinés au travail des mines ; car depuis ce temps il ne laisse entrer personne dans sa hutte.

– Il n’a jamais beaucoup aimé les visites.

– J’en conviens ; mais auparavant il ne refusait pas d’ouvrir sa porte au voyageur surpris par un orage. Eh bien ! quelques jours après son retour, ce M. Edwards paraît. Ils passent ensemble des journées entières à chasser sur les montagnes, à ce qu’ils disent ; mais, dans le fait, à chercher de nouvelles mines, attendu que la gelée ne leur permettait pas alors de fouiller la terre. Le jeune homme profita d’un heureux accident pour s’établir dans une bonne maison ; mais il n’en passe pas moins une grande partie de son temps dans cette hutte ; il y va tous les soirs, il y reste quelquefois toute la nuit. À quoi voulez-vous qu’ils s’occupent ? Ils fondent le métal, juge Temple, ils fondent le métal, et ils s’enrichissent à vos dépens.

– Dans tout cela, Richard, qu’est-ce qui vous appartient, et qu’est-ce qui appartient aux autres ? Je voudrais séparer le bon grain de l’ivraie.

– Je vous ai déjà dit que j’ai vu les deux vieillards armés de pelles et de pioches. J’ai vu aussi le traîneau, quoiqu’il ait été mis en pièces et brûlé en une couple de jours. Hiram a rencontré Natty sur la montagne, la nuit qu’il arrivait avec son traîneau, et comme Bas-de-Cuir paraissait fatigué, il lui a même offert de l’aider à le traîner, car Hiram est fort obligeant ; mais Natty ne voulut pas l’écouter, et le refusa avec brutalité. Depuis que la neige est fondue, et surtout depuis que la terre est dégelée, nous les avons surveillés avec un grand soin, et Jotham nous a été fort utile pour cela.

Marmaduke n’avait pas beaucoup de confiance dans les associés de Richard. Cependant il trouvait dans les détails qu’il venait d’entendre, et surtout dans la liaison d’Edwards avec les vieux chasseurs, quelque chose de mystérieux qui lui donnait à réfléchir. D’ailleurs, les soupçons que Richard cherchait à lui faire concevoir favorisaient son penchant naturel. M. Temple aimait à percer dans l’avenir ; il s’occupait sans cesse à calculer les améliorations que la postérité ferait dans le pays qu’il habitait ; où les autres ne voyaient que des forêts solitaires, ses yeux découvraient des villes, des manufactures, des canaux, des ponts, des mines, des usines ; enfin il ne voyait rien d’impossible à la découverte d’une mine dans les montagnes de l’Otsego, et ce pouvait être le lien secret qui avait réuni Edwards à des hommes si différents de lui sous tous les rapports, le motif qui l’attirait encore tous les jours dans la hutte du vieux chasseur. Mais Marmaduke était trop habitué à examiner les deux côtés d’une question, pour ne pas apercevoir les objections qu’on pouvait faire contre cette supposition.

– Cela n’est pas possible, dit-il ; si ce jeune homme connaissait une mine, il ne serait pas si pauvre.

– C’est précisément parce qu’il est pauvre, répliqua Richard, qu’il doit avoir plus d’ardeur à fouiller dans les mines.

– D’ailleurs l’élévation d’âme qu’Edwards a reçue de la nature, les connaissances qu’il doit à l’éducation, ne lui permettraient pas de se livrer à une occupation clandestine.

– Un ignorant serait-il en état de fondre des métaux ?

– Bess m’a dit qu’il venait de dépenser son dernier shilling, quand je l’ai reçu chez moi.

– L’aurait-il employé à tirer sur un dindon, s’il n’avait su où en trouver d’autres ?

– Serait-il possible que j’eusse été si longtemps sa dupe ! Il s’est conduit souvent à mon égard avec une brusquerie que j’attribuais à son ignorance du monde.

– Astuce. C’était pour mieux dissimuler ses desseins.

– S’il avait voulu me tromper, il m’aurait caché ses connaissances ; il se serait fait passer pour un homme d’un ordre inférieur.

– Il ne l’aurait pas pu. Il me serait aussi impossible de me faire passer pour un ignorant, que de voler dans les airs. Les connaissances ne peuvent se cacher comme la lampe sous le boisseau.

– Tous vos raisonnements ne suffisent pas pour me convaincre, Richard ; et pourtant ils éveillent mes soupçons. Mais enfin pourquoi m’avez-vous amené ici ?

– Jotham, qui depuis un certain temps a été fort occupé, par mon ordre et celui d’Hiram, à les guetter sur cette montagne, y a fait une découverte. Il ne veut pas l’expliquer, parce qu’il dit qu’un serment l’en empêche ; mais le fait est qu’il sait où est la mine, et il a commencé la fouille ce matin. Or, comme le terrain vous appartient, cousin ’Duke, je n’ai pas voulu que cette opération se fit à votre insu.

– Et où est cet endroit qui promet tant de richesses ?

– À deux pas d’ici ; et quand nous l’aurons visité, je vous en ferai voir un autre, que nous avons découvert il y a huit jours, et où nos trois chasseurs ont travaillé pendant six mois.

La même conversation dura encore quelques minutes, et ils arrivèrent enfin au but de leur course, où ils trouvèrent effectivement Jotham Riddel, enterré jusqu’au cou dans un trou qu’il venait de creuser.

Marmaduke le questionna sur les motifs qu’il pouvait avoir pour croire qu’il trouverait en cet endroit des métaux précieux ; mais le drôle se tint sur la réserve ; il se borna à dire qu’il était sûr de son fait, et insista tellement pour savoir quelle part lui serait accordée dans le produit de ses travaux, qu’il eût été difficile de lui supposer de la mauvaise foi.

Après avoir passé près d’une heure à examiner la terre et les pierres que Jotham continuait à jeter hors de son trou, et y avoir inutilement cherché les indices qui annoncent ordinairement la présence du minerai, Marmaduke remonta à cheval, et se laissa conduire vers le lieu où Richard prétendait que le trio mystérieux avait fait une excavation.

L’endroit où Jotham travaillait était situé sur le revers de la montagne au pied de laquelle se trouvait la hutte de Natty, et celui dont les trois chasseurs avaient fait choix était sur la rampe opposée, du côté le plus éloigné du village, et qui par conséquent, n’était pas celui où Élisabeth et sa compagne se promenaient en ce même instant.

– Nous pouvons en approcher sans danger, dit Richard en mettant pied à terre, et en attachant les chevaux à deux arbres, car j’ai pris ma lunette d’approche avant de partir, et j’ai vu Mohican et Bas-de-Cuir dans leur canot occupés à pêcher sur le lac ; Edwards avait sa ligne en main quand nous partions, de sorte que nous n’avons pas à craindre qu’ils nous surprennent, ce qui ne serait nullement agréable.

– J’ai droit d’aller partout sur mes terres, répondit Marmaduke, et je ne crains d’être surpris par personne.

– Silence ! dit Richard en mettant un doigt sur ses lèvres, et, le faisant descendre par un sentier très-raide et très-difficile, il le conduisit dans une sorte de caverne taillée dans le flanc du rocher, et dont la forme ressemblait à celle d’une immense cheminée. Un amas de terre fraîchement remuée était amoncelé par-devant. L’inspection de l’extérieur de la caverne permettait de douter si elle était l’ouvrage de la nature, ou si la main de l’homme lui avait donné cette forme dans des temps bien reculés. Mais il n’y avait aucun doute qu’on n’eût travaillé récemment dans l’intérieur, car on y apercevait encore des traces toutes fraîches, imprimées par la pioche. Elle formait une excavation d’environ vingt pieds de largeur sur deux fois autant de longueur. Les côtés étaient d’une pierre friable ; mais le roc vif en formait le fond. En face de la caverne était une petite terrasse formée partie par la nature, partie par la terre jetée en dehors par ceux qui avaient travaillé dans l’intérieur. Au bout de cette montagne, la terrasse était escarpée et presque perpendiculaire, et même, pour s’en approcher de côté, la rampe était difficile et dangereuse. Il était évident que les travaux dont on s’occupait en cet endroit n’étaient pas terminés, car le shérif trouva dans des broussailles les outils qui servaient aux ouvriers.

– Eh bien ! cousin ’Duke, êtes-vous convaincu ? demanda-t-il au juge, quand il crut lui avoir laissé le temps d’examiner le local.

– Convaincu qu’il y a dans ce que je vois ici quelque chose de mystérieux que je ne saurais expliquer, répondit Marmaduke. L’endroit est bien choisi, retiré, difficile à découvrir, mais je ne vois pas la moindre apparence d’aucun minéral.

– Vous attendez-vous à trouver de l’or et de l’argent, comme des cailloux, sur la surface de la terre ? Croyez-vous que les dollars vont vous tomber dans les mains tout monnayés ? Non, non ; pour trouver un trésor, il faut se donner la peine de le chercher. Mais qu’ils minent, soit ! je contreminerai.

Le juge examina bien tous les environs, prit sur son portefeuille les notes nécessaires pour pouvoir retrouver cet endroit en cas d’absence de Richard, et les deux cousins remontèrent à cheval.

Ils se séparèrent en arrivant sur la grande route, le shérif ayant à délivrer des sommations à vingt-quatre habitants pour remplir les fonctions de jurés le lundi suivant à Templeton, jour auquel M. Temple devait venir tenir l’audience de la cour des plaids communs. Le juge, resté seul, se mit à réfléchir sur tout ce qu’il avait vu et entendu dans le cours de cette excursion.

– Il n’y a pas là plus de mine que dans mon jardin, pensa-t-il ; mais quel peut être le but de ce travail mystérieux ? J’ai peut-être eu tort d’admettre ainsi un inconnu dans ma maison ; j’ai moins écouté ma raison que mon cœur. Il faudra que je fasse venir Bas-de-Cuir ; je l’interrogerai, et il ne pourra me déguiser la vérité.

En ce moment, il aperçut Élisabeth et Louise, qui descendaient lentement la montagne, à quelque distance devant lui. Il pressa le pas de son cheval pour les joindre, et mit ensuite pied à terre pour les accompagner. Il est inutile d’appuyer sur les sensations qu’il éprouva en apprenant le danger auquel sa fille venait d’échapper ; on juge bien que les mines et les interrogatoires disparurent de son imagination ; et, quand l’image de Natty s’y représenta, ce ne fut plus sous la forme d’un braconnier et d’un déprédateur, mais sous celle du libérateur de sa fille chérie.

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