Scène V

Lysandre, Célidée, Hippolyte, Florice

Lysandre
Merveille des beautés, seul objet qui m’engage…

Célidée
N’oublierez-vous jamais cet importun langage ?

Vous obstiner encore à me persécuter,

C’est prendre du plaisir à vous voir maltraiter.

Perdez mon souvenir avec votre espérance,

Et ne m’accablez plus de cette déférence.

Il faut, pour m’arrêter, des entretiens meilleurs.

Lysandre
Quoi ! vous prenez pour vous ce que j’adresse ailleurs ?

Adore qui voudra votre rare mérite,

Un change heureux me donne à la belle Hippolyte :

Mon sort en cela seul a voulu me trahir,

Qu’en ce change mon cœur semble vous obéir,

Et que mon feu passé vous va rendre si vaine

Que vous imputerez ma flamme à votre haine,

À votre orgueil nouveau mes nouveaux sentiments,

L’effet de ma raison à vos commandements.

Célidée
Tant s’en faut que je prenne une si triste gloire,

Je chasse mes dédains même de ma mémoire,

Et dans leur souvenir rien ne me semble doux,

Puisqu’en le conservant je penserais à vous.

Lysandre , à Hippolyte.
Beauté de qui les yeux, nouveaux rois de mon âme,

Me font être léger sans en craindre le blâme…

Hippolyte
Ne vous emportez point à ces propos perdus,

Et cessez de m’offrir des vœux qui lui sont dus ;

Je pense mieux valoir que le refus d’une autre.

Si vous voulez venger son mépris par le vôtre,

Ne venez point du moins m’enrichir de son bien.

Elle vous traite mal, mais elle n’aime rien.

Vous, faites-en autant, sans chercher de retraite

Aux importunités dont elle s’est défaite.

Lysandre
Que son exemple encor réglât mes actions !

Cela fut bon du temps de mes affections ;

À présent que mon cœur adore une autre reine,

À présent qu’Hippolyte en est la souveraine…

Hippolyte
C’est elle seulement que vous voulez flatter.

Lysandre
C’est elle seulement que je dois imiter.

Hippolyte
Savez-vous donc à quoi la raison vous oblige ?

C’est à me négliger, comme je vous néglige.

Lysandre
Je ne puis imiter ce mépris de mes feux,

À moins qu’à votre tour vous m’offriez des vœux :

Donnez-m’en les moyens, vous en verrez l’issue.

Hippolyte
J’appréhenderais fort d’être trop bien reçue,

Et qu’au lieu du plaisir de me voir imiter

Je n’eusse que l’honneur de me faire écouter,

Pour n’avoir que la honte après de me dédire.

Lysandre
Souffrez donc que mon cœur sans exemple soupire,

Qu’il aime sans exemple, et que mes passions

S’égalent seulement à vos perfections.

Je vaincrai vos rigueurs par mon humble service,

Et ma fidélité…

Célidée
Viens avec moi, Florice :

J’ai des nippes en haut que je veux te montrer.

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