Lysandre
Il faut à mon courroux de plus nobles victimes ;
Il faut qu’un même coup me venge de deux crimes ;
Qu’après les trahisons de ce couple indiscret,
L’un meure de ma main, et l’autre de regret.
Oui, la mort de l’amant punira la maîtresse ;
Et mes plaisirs alors naîtront de sa tristesse.
Mon cœur, à qui mes yeux apprendront ses tourments,
Permettra le retour à mes contentements ;
Ce visage si beau, si bien pourvu de charmes,
N’en aura plus pour moi, s’il n’est couvert de larmes.
Ses douleurs seulement ont droit de me guérir ;
Pour me résoudre à vivre il faut la voir mourir.
Frénétiques transports, avec quelle insolence
Portez-vous mon esprit à tant de violence ?
Allez, vous avez pris trop d’empire sur moi ;
Dois-je être sans raison, parce qu’ils sont sans foi ?
Dorimant, Célidée, ami, chère maîtresse,
Suivrais-je contre vous la fureur qui me presse ?
Quoi ? vous ayant aimés, pourrais-je vous haïr ?
Mais vous pourrais-je aimer, quand vous m’osez trahir ?
Qu’un rigoureux combat déchire mon courage !
Ma jalousie augmente, et redouble ma rage ;
Mais quelques fiers projets qu’elle jette en mon cœur,
L’amour… Ah ! ce mot seul me range à la douceur.
Celle que nous aimons jamais ne nous offense ;
Un mouvement secret prend toujours sa défense :
L’amant souffre tout d’elle ; et dans son changement,
Quelque irrité qu’il soit, il est toujours amant.
Toutefois, si l’amour contre elle m’intimide,
Revenez, mes fureurs, pour punir le perfide ;
Arrachez-lui mon bien ; une telle beauté
N’est pas le juste prix d’une déloyauté.
Souffrirais-je, à mes yeux, que par ses artifices
Il recueillît les fruits dus à mes longs services ?
S’il vous faut épargner le sujet de mes feux,
Que ce traître du moins réponde pour tous deux.
Vous me devez son sang pour expier son crime :
Contre sa lâcheté tout vous est légitime ;
Et quelques châtiments… Mais, dieux ! que vois-je ici ?