Scène IV

Angélique, Phylis

Angélique

Le croirais-tu, Phylis ? Alidor m’abandonne.

Phylis

Pourquoi non ? Je n’y vois rien du tout qui m’étonne,

Rien qui ne soit possible, et de plus fort commun.

La constance est un bien qu’on ne voit en pas un.

Tout change sous les cieux, mais partout bon remède.

Angélique

Le ciel n’en a point fait au mal qui me possède.

Phylis

Choisis de mes amants, sans t’affliger si fort,

Et n’appréhende pas de me faire grand tort ;

J’en pourrais, au besoin, fournir toute la ville,

Qu’il m’en demeurerait encor plus de deux mille.

Angélique

Tu me ferais mourir avec de tels propos ;

Ah ! laisse-moi plutôt soupirer en repos,

Ma sœur.

Phylis

Plût au bon Dieu que tu voulusses l’être !

Angélique

Eh quoi ! tu ris encor ! C’est bien faire paraître…

Phylis

Que je ne saurais voir d’un visage affligé

Ta cruauté punie, et mon frère vengé.

Après tout, je connais quelle est ta maladie :

Tu vois comme Alidor est plein de perfidie ;

Mais je mets dans deux jours ma tête à l’abandon

Au cas qu’un repentir n’obtienne son pardon.

Angélique

Après que cet ingrat me quitte pour Clarine ?

Phylis

De le garder longtemps elle n’a pas la mine ;

Et j’estime si peu ces nouvelles amours,

Que je te pleige encor son retour dans deux jours ;

Et lors ne pense pas, quoi que tu te proposes,

Que de tes volontés devant lui tu disposes.

Prépare tes dédains, arme-toi de rigueur,

Une larme, un soupir te percera le cœur ;

Et je serai ravie alors de voir vos flammes

Brûler mieux que devant, et rejoindre vos âmes.

Mais j’en crains un succès à ta confusion :

Qui change une fois change à toute occasion ;

Et nous verrons toujours, si Dieu le laisse vivre,

Un change, un repentir, un pardon, s’entre-suivre.

Ce dernier est souvent l’amorce d’un forfait,

Et l’on cesse de craindre un courroux sans effet.

Angélique

Sa faute a trop d’excès pour être rémissible,

Ma sœur ; je ne suis pas de la sorte insensible :

Et si je présumais que mon trop de bonté

Pût jamais se résoudre à cette lâcheté,

Qu’un si honteux pardon pût suivre cette offense,

J’en préviendrais le coup, m’en ôtant la puissance.

Adieu : dans la colère où je suis aujourd’hui,

J’accepterais plutôt un barbare que lui.

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