Cléandre, Phylis
Phylis arrête Cléandre, qui tâche de s’échapper pour entrer chez Angélique.
Mais je ne consens pas cependant qu’on me fuie ;
Tu perds temps d’y tâcher, si tu n’as mon congé.
Inhumain ! est-ce ainsi que je t’ai négligé ?
Quand tu m’offrais des vœux, prenais-je ainsi la fuite,
Et rends-tu la pareille à ma juste poursuite ?
Avec tant de douceur tu te vis écouter,
Et tu tournes le dos quand je t’en veux conter !
Cléandre
Va te jouer d’un autre avec tes railleries ;
J’ai l’oreille mal faite à ces galanteries :
Ou cesse de m’aimer, ou n’aime plus que moi.
Phylis
Je ne t’impose pas une si dure loi ;
Avec moi, si tu veux, aime toute la terre,
Sans craindre que jamais je t’en fasse la guerre.
Je reconnais assez mes imperfections ;
Et quelque part que j’aie en tes affections,
C’est encor trop pour moi ; seulement ne rejette
La parfaite amitié d’une fille imparfaite.
Cléandre
Qui te rend obstinée à me persécuter ?
Phylis
Qui te rend si cruel que de me rebuter ?
Cléandre
Il faut que de tes mains un adieu me délivre.
Phylis
Si tu sais t’en aller, je saurai bien te suivre ;
Et quelque occasion qui t’amène en ces lieux,
Tu ne lui diras pas grand secret à mes yeux.
Je suis plus incommode encor qu’il ne te semble.
Parlons plutôt d’accord, et composons ensemble.
Hier un peintre excellent m’apporta mon portrait :
Tandis qu’il t’en demeure encore quelque trait,
Qu’encor tu me connais, et que de ta pensée
Mon image n’est pas tout à fait effacée,
Ne m’en refuse point ton petit jugement.
Cléandre
Je le tiens pour bien fait.
Phylis
Plains-tu tant un moment ?
Et m’attachant à toi, si je te désespère,
À ce prix trouves-tu ta liberté trop chère ?
Cléandre
Allons, puisque autrement je ne te puis quitter,
À tel prix que ce soit il me faut racheter.