Scène VIII

Cléandre, Phylis

Phylis arrête Cléandre, qui tâche de s’échapper pour entrer chez Angélique.

Mais je ne consens pas cependant qu’on me fuie ;

Tu perds temps d’y tâcher, si tu n’as mon congé.

Inhumain ! est-ce ainsi que je t’ai négligé ?

Quand tu m’offrais des vœux, prenais-je ainsi la fuite,

Et rends-tu la pareille à ma juste poursuite ?

Avec tant de douceur tu te vis écouter,

Et tu tournes le dos quand je t’en veux conter !

Cléandre
Va te jouer d’un autre avec tes railleries ;

J’ai l’oreille mal faite à ces galanteries :

Ou cesse de m’aimer, ou n’aime plus que moi.

Phylis
Je ne t’impose pas une si dure loi ;

Avec moi, si tu veux, aime toute la terre,

Sans craindre que jamais je t’en fasse la guerre.

Je reconnais assez mes imperfections ;

Et quelque part que j’aie en tes affections,

C’est encor trop pour moi ; seulement ne rejette

La parfaite amitié d’une fille imparfaite.

Cléandre
Qui te rend obstinée à me persécuter ?

Phylis
Qui te rend si cruel que de me rebuter ?

Cléandre
Il faut que de tes mains un adieu me délivre.

Phylis
Si tu sais t’en aller, je saurai bien te suivre ;

Et quelque occasion qui t’amène en ces lieux,

Tu ne lui diras pas grand secret à mes yeux.

Je suis plus incommode encor qu’il ne te semble.

Parlons plutôt d’accord, et composons ensemble.

Hier un peintre excellent m’apporta mon portrait :

Tandis qu’il t’en demeure encore quelque trait,

Qu’encor tu me connais, et que de ta pensée

Mon image n’est pas tout à fait effacée,

Ne m’en refuse point ton petit jugement.

Cléandre
Je le tiens pour bien fait.

Phylis
Plains-tu tant un moment ?

Et m’attachant à toi, si je te désespère,

À ce prix trouves-tu ta liberté trop chère ?

Cléandre
Allons, puisque autrement je ne te puis quitter,

À tel prix que ce soit il me faut racheter.

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