Doraste, Phylis
Doraste
Le voici.
Ma sœur, ne cherche plus une chose trouvée :
Sa fuite n’est l’effet que de mon arrivée ;
Ma présence la chasse, et son muet départ
A presque devancé son dédaigneux regard.
Phylis
Juge par là quels fruits produit mon entremise.
Je m’acquitte des mieux de la charge commise ;
Je te fais plus parfait mille fois que tu n’es :
Ton feu ne peut aller au point où je le mets ;
J’invente des raisons à combattre sa haine ;
Je blâme, flatte, prie, et perds toujours ma peine,
En grand péril d’y perdre encor son amitié,
Et d’être en tes malheurs avec toi de moitié.
Doraste
Ah ! tu ris de mes maux.
Phylis
Que veux-tu que je fasse ?
Ris des miens, si jamais tu me vois en ta place.
Que serviraient mes pleurs ? Veux-tu qu’à tes tourments
J’ajoute la pitié de mes ressentiments ?
Après mille mépris qu’a reçus ta folie,
Tu n’es que trop chargé de ta mélancolie ;
Si j’y joignais la mienne, elle t’accablerait,
Et de mon déplaisir le tien redoublerait ;
Contraindre mon humeur me serait un supplice
Qui me rendrait moins propre à te faire service.
Vois-tu ? par tous moyens je te veux soulager ;
Mais j’ai bien plus d’esprit que de m’en affliger.
Il n’est point de douleur si forte en un courage
Qui ne perde sa force auprès de mon visage ;
C’est toujours de tes maux autant de rabattu :
Confesse, ont-ils encor le pouvoir qu’ils ont eu ?
Ne sens-tu point déjà ton âme un peu plus gaie ?
Doraste
Tu me forces à rire en dépit que j’en aie.
Je souffre tout de toi, mais à condition
D’employer tous tes soins à mon affection.
Dis-moi par quelle ruse il faut…
Phylis
Rentrons, mon frère :
Un de mes amants vient, qui pourrait nous distraire.