Scène II

Doraste, Phylis

Doraste
Le voici.

Ma sœur, ne cherche plus une chose trouvée :

Sa fuite n’est l’effet que de mon arrivée ;

Ma présence la chasse, et son muet départ

A presque devancé son dédaigneux regard.

Phylis
Juge par là quels fruits produit mon entremise.

Je m’acquitte des mieux de la charge commise ;

Je te fais plus parfait mille fois que tu n’es :

Ton feu ne peut aller au point où je le mets ;

J’invente des raisons à combattre sa haine ;

Je blâme, flatte, prie, et perds toujours ma peine,

En grand péril d’y perdre encor son amitié,

Et d’être en tes malheurs avec toi de moitié.

Doraste
Ah ! tu ris de mes maux.

Phylis
Que veux-tu que je fasse ?

Ris des miens, si jamais tu me vois en ta place.

Que serviraient mes pleurs ? Veux-tu qu’à tes tourments

J’ajoute la pitié de mes ressentiments ?

Après mille mépris qu’a reçus ta folie,

Tu n’es que trop chargé de ta mélancolie ;

Si j’y joignais la mienne, elle t’accablerait,

Et de mon déplaisir le tien redoublerait ;

Contraindre mon humeur me serait un supplice

Qui me rendrait moins propre à te faire service.

Vois-tu ? par tous moyens je te veux soulager ;

Mais j’ai bien plus d’esprit que de m’en affliger.

Il n’est point de douleur si forte en un courage

Qui ne perde sa force auprès de mon visage ;

C’est toujours de tes maux autant de rabattu :

Confesse, ont-ils encor le pouvoir qu’ils ont eu ?

Ne sens-tu point déjà ton âme un peu plus gaie ?

Doraste
Tu me forces à rire en dépit que j’en aie.

Je souffre tout de toi, mais à condition

D’employer tous tes soins à mon affection.

Dis-moi par quelle ruse il faut…

Phylis
Rentrons, mon frère :

Un de mes amants vient, qui pourrait nous distraire.

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