Doraste, Lycante
Doraste
Ne sollicite plus mon âme refroidie.
Je méprise Angélique après sa perfidie ;
Mon cœur s’est révolté contre ses lâches traits,
Et qui n’a point de foi n’a point pour moi d’attraits.
Veux-tu qu’on me trahisse, et que mon amour dure ?
J’ai souffert sa rigueur, mais je hais son parjure,
Et tiens sa trahison indigne à l’avenir
D’occuper aucun lieu dedans mon souvenir.
Qu’Alidor la possède ; il est traître comme elle :
Jamais pour ce sujet nous n’aurons de querelle.
Pourrais-je avec raison lui vouloir quelque mal
De m’avoir délivré d’un esprit déloyal ?
Ma colère l’épargne, et n’en veut qu’à Cléandre :
Il verra que son pire était de se méprendre ;
Et si je puis jamais trouver ce ravisseur,
Il me rendra soudain et la vie et ma sœur.
Lycante
Faites mieux : puisqu’à peine elle pourrait prétendre
Une fortune égale à celle de Cléandre,
En faveur de ses biens calmez votre courroux,
Et de son ravisseur faites-en son époux.
Bien qu’il eût fait dessein sur une autre personne,
Faites-lui retenir ce qu’un hasard lui donne ;
Je crois que cet hymen pour satisfaction
Plaira mieux à Phylis que sa punition.
Doraste
Nous consultons en vain, ma poursuite étant vaine.
Lycante
Nous le rencontrerons, n’en soyez point en peine :
Où que soit sa retraite, il n’est pas toujours nuit ;
Et ce qu’un jour nous cache, un autre le produit.
Mais, dieux ! voilà Phylis qu’il a déjà rendue.