Daphnis, Amarante
Amarante
Je vous l’avais bien dit qu’elle n’y serait pas.
Daphnis
Que vous avez tardé pour ne trouver personne !
Amarante
Ce reproche vraiment ne peut qu’il ne m’étonne,
Pour revenir plus vite, il eût fallu voler.
Daphnis
Florame cependant, qui vient de s’en aller,
À la fin, malgré moi, s’est ennuyé d’attendre.
Amarante
C’est chose toutefois que je ne puis comprendre.
Des hommes de mérite et d’esprit comme lui
N’ont jamais avec vous aucun sujet d’ennui ;
Votre âme généreuse a trop de courtoisie.
Daphnis
Et la vôtre amoureuse un peu de jalousie.
Amarante
De vrai, je goûtais mal de faire tant de tours,
Et perdais à regret ma part de ses discours.
Daphnis
Aussi je me trouvais si promptement servie,
Que je me doutais bien qu’on me portait envie.
En un mot, l’aimez-vous ?
Amarante
Je l’aime aucunement,
Non pas jusqu’à troubler votre contentement ;
Mais si son entretien n’a point de quoi vous plaire,
Vous m’obligerez fort de ne m’en plus distraire.
Daphnis
Mais au cas qu’il me plût ?
Amarante
Il faudrait vous céder.
C’est ainsi qu’avec vous je ne puis rien garder.
Au moindre feu pour moi qu’un amant fait paraître,
Par curiosité vous le voulez connaître,
Et quand il a goûté d’un si doux entretien,
Je puis dire dès lors que je ne tiens plus rien.
C’est ainsi que Théante a négligé ma flamme.
Encor tout de nouveau vous m’enlevez Florame.
Si vous continuez à rompre ainsi mes coups,
Je ne sais tantôt plus comment vivre avec vous.
Daphnis
Sans colère, Amarante ; il semble, à vous entendre,
Qu’en même lieu que vous je voulusse prétendre ?
Allez, assurez-vous que mes contentements
Ne vous déroberont aucun de vos amants ;
Et pour vous en donner la preuve plus expresse,
Voilà votre Théante, avec qui je vous laisse.