Scène IV

Chrysante, Doris

Chrysante
Je meure, mon enfant, si tu n’es admirable !

Et ta dextérité me semble incomparable :

Tu mérites de vivre après un si beau tour.

Doris
Croyez-moi qu’Alcidon n’en sait guère en amour ;

Vous n’eussiez pu m’entendre, et vous garder de rire.

Je me tuais moi-même à tous coups de lui dire

Que mon âme pour lui n’a que de la froideur,

Et que je lui ressemble en ce que notre ardeur

Ne s’explique à tous deux point du tout par la bouche,

Enfin que je le quitte.

Chrysante
Il est donc une souche,

S’il ne peut rien comprendre à ces naïvetés.

Peut-être y mêlais-tu quelques obscurités ?

Doris
Pas une ; en mots exprès je lui rendais son change,

Et n’ai couvert mon jeu qu’au regard de Florange.

Chrysante
De Florange ? et comment en osais-tu parler ?

Doris
Je ne me trouvais pas d’humeur à rien celer ;

Mais nous nous sûmes lors jeter sur l’équivoque.

Chrysante
Tu vaux trop. C’est ainsi qu’il faut, quand on se moque,

Que le moqué toujours sorte fort satisfait ;

Ce n’est plus autrement qu’un plaisir imparfait,

Qui souvent malgré nous se termine en querelle.

Doris
Je lui prépare encore une ruse nouvelle

Pour la première fois qu’il m’en viendra conter.

Chrysante
Mais, pour en dire trop, tu pourras tout gâter.

Doris
N’en ayez pas de peur.

Chrysante
Quoi que l’on se propose,

Assez souvent l’issue…

Doris
On vous veut quelque chose,

Madame, je vous laisse.

Chrysante
Oui, va-t’en ; il vaut mieux

Que l’on ne traite point cette affaire à tes yeux.

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