Jason, Créuse, Cléone
Jason
Que votre zèle est long, et que d’impatience
Il donne à votre amant, qui meurt en votre absence !
Créuse
Je n’ai pas fait pourtant au ciel beaucoup de vœux ;
Ayant Jason à moi, j’ai tout ce que je veux.
Jason
Et moi, puis-je espérer l’effet d’une prière
Que ma flamme tiendrait à faveur singulière ?
Au nom de notre amour, sauvez deux jeunes fruits
Que d’un premier hymen la couche m’a produits ;
Employez-vous pour eux, faites auprès d’un père
Qu’ils ne soient point compris en l’exil de leur mère ;
C’est lui seul qui bannit ces petits malheureux,
Puisque dans les traités il n’est point parlé d’eux.
Créuse
J’avais déjà pitié de leur tendre innocence,
Et vous y servirai de toute ma puissance,
Pourvu qu’à votre tour vous m’accordiez un point
Que jusques à tantôt je ne vous dirai point.
Jason
Dites, et quel qu’il soit, que ma reine en dispose.
Créuse
Si je puis sur mon père obtenir quelque chose,
Vous le saurez après ; je ne veux rien pour rien.
Cléone
Vous pourrez au palais suivre cet entretien.
On ouvre chez Médée, ôtez-vous de sa vue ;
Vos présences rendraient sa douleur plus émue,
Et vous seriez marris que cet esprit jaloux
Mêlât son amertume à des plaisirs si doux.