Tircis, Éraste, Mélite
Tircis
Éraste, arrête un peu.
Éraste
Que me veux-tu ?
Tircis
Te rendre
Ce sonnet que pour toi j’ai promis d’entreprendre.
Mélite, au travers d’une jalousie, cependant qu’Éraste lit le sonnet.
Que font-ils là tous deux ? qu’ont-ils à démêler ?
Ce jaloux à la fin le pourra quereller ;
Du moins les compliments, dont peut-être ils se jouent,
Sont des civilités qu’en l’âme ils désavouent.
Tircis
J’y donne une raison de ton sort inhumain.
Allons, je le veux voir présenter de ta main
À ce charmant objet dont ton âme est blessée.
Éraste , lui rendant son sonnet.
Une autre fois, Tircis ; quelque affaire pressée
Fait que je ne saurais pour l’heure m’en charger.
Tu trouveras ailleurs un meilleur messager.
Tircis , seul.
La belle humeur de l’homme ! Ô dieux, quel personnage !
Quel ami j’avais fait de ce plaisant visage !
Une mine froncée, un regard de travers,
C’est le remerciement, que j’aurai de mes vers.
Je manque, à son avis, d’assurance ou d’adresse,
Pour les donner moi-même à sa jeune maîtresse,
Et prendre ainsi le temps de dire à sa beauté
L’empire que ses yeux ont sur ma liberté.
Je pense l’entrevoir par cette jalousie :
Oui, mon âme de joie en est toute saisie.
Hélas ! et le moyen de pouvoir lui parler,
Si mon premier aspect l’oblige à s’en aller ?
Que cette joie est courte, et qu’elle est cher vendue !
Toutefois tout va bien, la voilà descendue.
Ses regards pleins de feu s’entendent avec moi ;
Que dis-je ? en s’avançant elle m’appelle à soi.