Chloris, Tircis, Mélite
Chloris
Il vous fait fort bon voir, mon frère, à cajoler,
Cependant qu’une sœur ne se peut consoler,
Et que le triste ennui d’une attente incertaine
Touchant votre retour la tient encore en peine !
Tircis
L’amour a fait au sang un peu de trahison ;
Mais Philandre pour moi t’en aura fait raison.
Dis-nous, auprès de lui retrouves-tu ton conte,
Et te peut-il revoir sans montrer quelque honte ?
Chloris
L’infidèle m’a fait tant de nouveaux serments,
Tant d’offres, tant de vœux, et tant de compliments,
Mêlés de repentirs…
Mélite
Qu’à la fin exorable,
Vous l’avez regardé d’un œil plus favorable.
Chloris
Vous devinez fort mal.
Tircis
Quoi ! tu l’as dédaigné ?
Chloris
Du moins, tous ses discours n’ont encor rien gagné.
Mélite
Si bien qu’à n’aimer plus votre dépit s’obstine ?
Chloris
Non pas cela du tout, mais je suis assez fine :
Pour la première fois, il me dupe qui veut ;
Mais pour une seconde, il m’attrape qui peut.
Mélite
C’est-à-dire, en un mot…
Chloris
Que son humeur volage
Ne me tient pas deux fois en un même passage.
En vain dessous mes lois il revient se ranger.
Il m’est avantageux de l’avoir vu changer
Avant que de l’hymen le joug impitoyable,
M’attachant avec lui, me rendît misérable.
Qu’il cherche femme ailleurs, tandis que, de ma part,
J’attendrai du destin quelque meilleur hasard.
Mélite
Mais le peu qu’il voulut me rendre de service
Ne lui doit pas porter un si grand préjudice.
Chloris
Après un tel faux-bond, un change si soudain,
À volage, volage, et dédain pour dédain.
Mélite
Ma sœur, ce fut pour moi qu’il osa s’en dédire.
Chloris
Et pour l’amour de vous, je n’en ferai que rire,
Mélite
Et pour l’amour de moi vous lui pardonnerez.
Chloris
Et pour l’amour de moi vous m’en dispenserez.
Mélite
Que vous êtes mauvaise !
Chloris
Un peu plus qu’il ne semble.
Mélite
Je vous veux toutefois remettre bien ensemble.
Chloris
Ne l’entreprenez pas ; peut-être qu’après tout
Votre dextérité n’en viendrait pas à bout.