CHAPITRE III ASCENSION

Laves basaltiques. – Nombreux cratères tronqués du même côté. – Structure singulière de bombes volcaniques. – Explosions de masses gazeuses. – Fragments granitiques éjaculés. – Roches trachytiques. – Veines remarquables. – Jaspe, son mode de formation. – Concrétions dans le tuf ponceux. – Dépôts calcaires et incrustations dendritiques sur la côte. – Couches laminées alternant avec de l’obsidienne et passant à cette roche. – Origine de l’obsidienne. – Lamination des roches volcaniques.

Cette île est située dans l’océan Atlantique, par 8° lat. S. et 14° long. W. Elle a la forme d’un triangle irrégulier (Voir la carte ci-jointe), dont chaque côté mesure environ 6 milles de longueur. Son point culminant se trouve à 2.870 pieds au-dessus du niveau de la mer. Elle est entièrement volcanique, et, vu l’absence de preuves contraires, je la crois d’origine subaérienne. La roche fondamentale est de nature feldspathique, elle offre partout une couleur pâle, et elle est généralement compacte. Dans la région sud-est de l’île, qui est aussi la plus élevée, on trouve du trachyte bien caractérisé et d’autres roches analogues appartenant à cette famille lithologique si variée. La circonférence presque tout entière est couverte de coulées de lave basaltique noire et rugueuse : on y voit poindre de-ci de-là une colline ou une simple pointe de rocher constituées par du trachyte qui n’a pas été recouvert. L’un de ces pointements, près du bord de la mer, au nord du fort, n’a que 2 ou 3 yards de diamètre.

Roches basaltique. – La lave basaltique sous-jacente est extrêmement celluleuse en certains points, beaucoup moins en d’autres ; sa couleur est noire, mais elle contient quelquefois des cristaux de feldspath vitreux, parfois aussi, mais rarement, une grande quantité d’olivine. Ces coulées semblent avoir été singulièrement peu fluides ; leurs parois et leur extrémité sont très escarpées, et n’ont pas moins de 20 à 30 pieds de haut. Leur surface est extraordinairement raboteuse, et à distance elle paraît parsemée d’un grand nombre de petits cratères. Ces intumescences sont des monticules larges, irrégulièrement coniques, traversés de fissures, et formés par un basalte plus ou moins scoriacé, comme les coulées environnantes, mais possédant une structure colonnaire mal définie : leur hauteur au-dessus de la surface générale varie de 8 à 30 pieds, et ils ont été formés, je pense, par l’accumulation de la lave visqueuse aux points où elle rencontrait une plus grande résistance. À la base de plusieurs de ces monticules, et parfois aussi en des parties plus horizontales de la coulée, des côtes épaisses s’élèvent à 2 ou 3 pieds au-dessus de la surface ; elles sont formées de masses de basalte angulo-globulaires, ressemblant par leur forme et par leur dimension à des tuyaux de terre cuite recourbés, ou à des gouttières de la même matière, mais elles ne sont pas creuses : j’ignore quelle peut avoir été leur origine. Un grand nombre de fragments superficiels de ces coulées basaltiques offrent des formes singulièrement contournées, et plusieurs spécimens ressemblent, à s’y méprendre, à des blocs de bois de couleur sombre sans écorce.

Plusieurs des coulées basaltiques peuvent être suivies, soit jusqu’aux points d’éruption à la base de la grande masse centrale de trachyte, soit jusqu’à des collines isolées, coniques, de teinte rougeâtre, qui sont éparpillées sur le littoral du nord et de l’ouest de l’île. Du haut de l’éminence centrale, j’ai compté vingt à trente de ces cônes d’éruption. Le sommet tronqué de la plupart d’entre eux est coupé obliquement, et tous présentent une pente vers le sud-est, point d’où souffle le vent alizé. Cette structure est due, sans aucun doute, à l’action du vent, qui a poussé en plus grande quantité dans un sens que dans l’autre les fragments et les cendres rejetés pendant les éruptions. M. Moreau de Jonnès a fait une observation semblable pour les volcans des Antilles.

Bombes volcaniques. – On les rencontre en grand nombre, répandues sur le sol, et quelques-unes d’entre elles se trouvent à une distance considérable de tout point d’éruption. Leur dimension varie de celle d’une pomme à celle du corps d’un homme ; elles sont sphériques ou pyriformes, et l’extrémité postérieure (qui répondrait à la queue d’une comète) est irrégulière et hérissée de pointes saillantes ; elle peut même être concave. Leur surface est rugueuse et traversée de fentes ramifiées ; leur structure interne est irrégulièrement scoriacée et compacte, ou offre un aspect symétrique fort remarquable. La gravure représente très exactement un segment irrégulier d’une bombe appartenant à cette dernière espèce, et dont j’ai trouvé plusieurs spécimens. Elle avait à peu près la grandeur d’une tête d’homme. La partie interne tout entière est grossièrement celluleuse ; le diamètre moyen des vacuoles est d’un dixième de pouce environ, mais leur dimension décroît graduellement vers la partie externe de la bombe. Cette partie interne est entourée d’une croûte de lave compacte, nettement limitée, offrant une épaisseur presque uniforme d’environ un tiers de pouce. La croûte est recouverte d’une enveloppe un peu plus épaisse de lave finement celluleuse (dont les vacuoles varient en diamètre d’un cinquantième à un centième de pouce), et qui forme la surface extérieure. La limite qui sépare la croûte de lave compacte de l’enduit scoriacé externe est nettement définie. On peut facilement se rendre compte de cette structure en supposant qu’une masse de matière visqueuse et scoriacée soit projetée dans l’air, et animée d’un mouvement rotatoire rapide. En effet, pendant que la croûte extérieure se solidifiait par refroidissement (et prenait l’état où nous la voyons aujourd’hui), la force centrifuge, en réduisant la pression à l’intérieur de la bombe, devait permettre aux vapeurs chaudes de dilater les vacuoles, mais celles-ci, comprimées par la même force contre la croûte déjà solidifiée, devaient diminuer graduellement de volume, et à mesure qu’elles étaient plus rapprochées de cette croûte externe, leur volume devait toujours aller se réduisant jusqu’au moment où la partie interne était emprisonnée dans une croûte massive concentrique. Nous savons que des éclats peuvent être projetés d’une meule lorsqu’elle est animée d’un mouvement de rotation assez rapide, nous ne devons donc pas douter que la force centrifuge soit assez puissante pour modifier, comme nous le supposons ici, la structure d’une bombe encore à l’état plastique. Des géologues ont fait observer que la forme extérieure d’une bombe nous révèle immédiatement l’histoire de sa course aérienne, et nous constatons maintenant que sa structure interne peut nous redire presque aussi clairement le mouvement rotatoire dont elle était animée.

[Illustration : Fig. 3. – Fragment d’une bombe volcanique sphérique, dont la partie interne grossièrement celluleuse est entourée d’une couche de lave compacte recouverte d’une croûte formée par une roche finement celluleuse.]

M. Bory de Saint-Vincent a décrit des masses arrondies de lave trouvées à l’île Bourbon, qui ont une structure tout à fait semblable ; pourtant son interprétation (si je la comprends bien) est fort différente de celle que j’ai donnée, car il suppose que ces corps ont roulé, comme des boules de neige, le long des flancs du cratère.

M. Beudant a décrit de singulières petites sphères d’obsidienne, dont le diamètre ne dépasse jamais 6 à 8 pouces, et qu’il a trouvées répandues à la surface du sol. Elles sont toujours de forme ovale, parfois elles sont fortement renflées par le milieu, et même fusiformes ; leur surface est recouverte de crêtes et de sillons concentriques, disposés avec une certaine régularité, et qui sont tous perpendiculaires à un axe du globule ; la partie interne est compacte et vitreuse. M. Beudant suppose que des masses de lave encore plastique ont été projetées dans l’air et animées d’un mouvement rotatoire autour d’un même axe, ce qui a déterminé la forme de la bombe et des côtes superficielles. Sir Thomas Mitchell m’a donné un échantillon qui semble être, à première vue, la moitié d’un globe d’obsidienne fortement aplati ; il a singulièrement l’aspect d’un objet artificiel, et cet aspect est exactement représenté (en grandeur naturelle) dans la gravure ci-jointe. Cet échantillon a été trouvé, tel que nous le voyons, dans une grande plaine sablonneuse, entre les rivières Darling et Murray en Australie, et à plusieurs centaines de milles de toute région volcanique connue. Il paraît avoir été enfoui dans une matière tufacée rougeâtre, et peut-être a-t-il été transporté par les aborigènes ou par des agents naturels. La coupe ou enveloppe externe est formée d’obsidienne compacte, de couleur vert bouteille, et elle est remplie de lave noire finement celluleuse beaucoup moins transparente et moins vitreuse que l’obsidienne. La surface extérieure porte quatre ou cinq côtes assez peu nettes, que dans la figure on a peut-être représentées en les exagérant. Nous avons donc ici la structure externe décrite par M. Beudant et la nature celluleuse interne des bombes de l’Ascension. La lèvre de la coupe extérieure est légèrement concave, exactement comme le bord d’une assiette creuse, et son bord interne surplombe un peu de lave cellulaire centrale. Cette structure est tellement symétrique sur toute la circonférence, qu’on est obligé d’admettre que la bombe a fait explosion pendant sa course aérienne, alors qu’elle était encore animée d’un mouvement de rotation, avant d’être entièrement solidifiée, et que la lèvre et les bords ont été ainsi légèrement modifiés et infléchis vers l’intérieur. On peut observer que les côtes extérieures sont situées dans des plans perpendiculaires à un axe oblique au grand axe de l’ovoïde aplati : nous devons supposer, pour expliquer ce fait, que, lors de l’explosion de la bombe, l’axe de rotation a subi un déplacement.

[Illustration : FIG. 4. – Bombe volcanique d’obsidienne d’Australie, vue de face dans la figure supérieure et de profil dans la figure inférieure.]

Explosions de masses gazeuses. – Les flancs de Green Mountain et la contrée environnante sont couverts d’une grande quantité de fragments incohérents, formant une masse épaisse de quelques centaines de pieds. Les couches inférieures consistent généralement en tufs à grain fin à peine consolidés, et les lits supérieurs en grands fragments détachés, alternant avec des lits de matières moins grossières. Une couche blanche rubanée de brèche ponceuse décomposée était reployée d’une façon remarquable en fortes courbes ininterrompues, au-dessous de chacun des grands fragments du banc surincombant. Je suppose, d’après la position relative de ces bancs, qu’un cratère à orifice étroit, occupant à peu près l’emplacement de Green Mountain, a lancé comme un énorme fusil à air, avant son extinction finale, cette vaste accumulation de matériaux meubles. Des dislocations très importantes se sont produites postérieurement à cet événement, et un cirque ovale a été formé par affaissement. Cet espace affaissé se trouve au pied nord-est de Green Mountain, et il est nettement indiqué sur la carte qui accompagne cet ouvrage. Son grand axe, répondant à une ligne de fissure dirigée N.-E.-S.-W., a une longueur de trois cinquièmes de mille marin ; les bords de ce cirque sont presque verticaux, sauf en un seul point, et ont à peu près 400 pieds de hauteur ; à la partie inférieure ils sont constitués par un basalte feldspathique de couleur pâle, et à la partie supérieure par du tuf et par des fragments projetés à l’état incohérent ; le fond est uni, et sous tout autre climat il se serait formé en cet endroit un lac profond. À juger par l’épaisseur du banc de fragments incohérents qui recouvre la contrée environnante, la masse de matière gazeuse qui les a projetés doit avoir été énorme. Nous pouvons conclure vraisemblablement de ces faits, qu’après l’explosion, de vastes cavernes auront été formées sous le sol, et que l’écroulement de la voûte de l’une d’entre elles a formé la cavité que nous venons de décrire. Dans l’archipel des Galapagos on rencontre souvent des fosses d’un caractère semblable, mais de dimension beaucoup moindre, à la base de petits cônes d’éruption.

Fragments granitiques projetés. – Il n’est pas rare de trouver dans le voisinage de Green Mountain des fragments de roches hétérogènes empâtés dans des masses de scories. Le lieutenant Evans, à l’amabilité duquel je dois un grand nombre de renseignements, m’en a donné plusieurs spécimens, et j’en ai trouvé d’autres moi-même. Ils ont presque tous une structure granitique, ils sont cassants, rudes au toucher, et leur couleur est évidemment altérée : 1. Une syénite blanche, rayée et tachetée de rouge, elle est formée de feldspath bien cristallisé, de nombreux grains de quartz et de cristaux de hornblende brillants quoique petits. Le feldspath et la hornblende de cet échantillon et de ceux dont on parlera dans la suite ont été déterminés à l’aide du goniomètre à réflexion, et le quartz par sa manière d’être au chalumeau. D’après son clivage, le feldspath de ces fragments projetés ainsi que la variété vitreuse que l’on trouve dans le trachyte, est un feldspath potassique. – 2. Une masse rouge brique de feldspath, de quartz et de petites plages d’un minéral décomposé dont un petit fragment m’a montré le clivage de la hornblende. – 3. Une masse de feldspath blanc à cristallisation confuse, avec de petits nids d’un minéral de couleur sombre, souvent cariés, arrondis sur les bords, à cassure luisante, mais sans clivage distinct ; sa comparaison avec le second spécimen m’a démontré que c’était de la hornblende fondue. – 4. Une roche qui, à première vue, semble être une simple agrégation de grands cristaux distincts de Labrador gris ; mais dans les interstices de ces cristaux il y a un peu de feldspath grenu blanc, de nombreuses paillettes de mica, et un peu de hornblende altérée ; je ne crois pas qu’il y ait du quartz. J’ai décrit ces fragments en détail parce qu’on rencontre rarement des roches granitiques projetées par des volcans et dont les minéraux n’aient pas subi de modifications, comme c’est le cas pour le premier spécimen, et dans une certaine mesure pour le second. Un autre grand bloc trouvé ailleurs mérite d’être signalé ; c’est un conglomérat contenant de petits fragments de roches granitiques, celluleuses et jaspeuses, et de porphyre pétro-siliceux empâtés dans une masse fondamentale de wacke et traversés d’un grand nombre de couches minces de rétinite concrétionnée passant à l’obsidienne. Ces couches sont parallèles, peu étendues, et légèrement incurvées, elles s’amincissent à leurs extrémités et rappellent par leur forme les couches de quartz dans le gneiss. Il est probable que ces petits fragments empâtés n’ont pas été projetés à l’état isolé, mais qu’ils étaient empâtés dans une roche volcanique fluide, voisine de l’obsidienne ; nous allons voir que plusieurs variétés appartenant à la série de cette dernière roche possèdent une structure laminaire.

Roches trachytiques. – Elles occupent la partie la plus élevée et la plus centrale de l’île, ainsi que la région du sud-est. Le trachyte est ordinairement d’une couleur brun pâle, tachetée de points plus foncés ; il contient des cristaux de feldspath vitreux brisés et ployés, des grains de fer spéculaire et des points microscopiques noirs que je considère comme étant de la hornblende parce qu’ils sont aisément fusibles et qu’alors ils deviennent magnétiques. Cependant la plupart des collines sont formées d’une pierre très blanche, friable, et qui semble être un tuf trachytique. L’obsidienne, le hornstone et diverses espèces de roches feldspathiques laminaires sont associés au trachyte. On n’observe pas de stratification distincte, et je n’ai pu découvrir de structure cratériforme dans aucune des collines de cette série. Il s’est produit des dislocations considérables, et plusieurs des crevasses de ces roches sont encore béantes, ou ne sont que partiellement comblées par des fragments détachés. Quelques coulées basaltiques se sont avancées sur l’aire où s’étale le trachyte ; et non loin du sommet de Green Mountain on voit une coulée de basalte vésiculaire absolument noir, contenant de petits cristaux de feldspath vitreux d’aspect arrondi.

La pierre blanche tendre, mentionnée plus haut, est remarquable par la ressemblance frappante qu’elle offre avec un tuf sédimentaire lorsqu’on la voit en masse ; j’ai été longtemps sans pouvoir me convaincre que telle n’était pas son origine, et d’autres géologues ont éprouvé les mêmes hésitations pour des formations presque identiques, dans des régions trachytiques. En deux points, cette pierre blanche terreuse forme des collines isolées, en un troisième elle est associée à du trachyte colonnaire et laminaire, mais je n’ai pu reconnaître la trace d’un contact. Cette roche contient de nombreux cristaux de feldspath vitreux et des points noirs microscopiques, et elle est mouchetée de petites taches plus foncées, exactement comme le trachyte environnant. Pourtant sa pâte vue au microscope, paraît généralement terreuse, mais parfois elle offre une structure nettement cristalline. Sur la colline désignée sous le nom de Crater of an old volcano, elle passe à une variété d’un gris verdâtre pâle, qui n’en diffère que par la couleur, et parce qu’elle n’est pas aussi terreuse ; en un endroit, le passage s’opère insensiblement ; en un autre, il se fait par l’intermédiaire de nombreuses masses anguleuses et arrondies de la variété verdâtre englobées dans la variété blanche ; – dans ce dernier cas, l’aspect ressemble beaucoup à celui d’un dépôt sédimentaire disloqué et érodé pendant la formation d’une couche plus récente. Ces deux variétés de roches sont traversées d’innombrables veines tortueuses (que je décrirai plus loin) ; elles ne ressemblent en rien aux dikes injectés ni aux veines que j’ai pu observer ailleurs. Les deux variétés renferment quelques fragments isolés, et de dimension variable, de roches scoriacées à teinte foncée ; les vacuoles d’un certain nombre de ces fragments sont partiellement remplies par la pierre blanche terreuse. Les deux variétés renferment aussi d’énormes blocs d’un porphyre cellulaire. Ces fragments font saillie au-dessus de la surface de la roche altérée, et ressemblent tout à fait à des fragments empâtés dans un tuf sédimentaire. Mais ce fait n’est pas un argument sérieux en faveur de l’origine sédimentaire de la pierre blanche terreuse car on sait que le trachyte colonnaire, la phonolite et d’autres laves compactes renferment quelquefois des fragments étrangers de roches celluleuses. Le passage insensible de la variété verdâtre à la variété blanche, et de même, le passage plus brusque d’une roche à l’autre déterminé par la présence de fragments de la première, empâtés dans la seconde, peut provenir de légères différences dans la composition d’une même masse de pierre fondue, et de l’action d’arasion exercée par une masse encore fluide sur une autre masse déjà solidifiée. Je crois que les singulières veines dont il a été question plus haut ont été formées par une substance siliceuse qui s’est postérieurement isolée de la masse. Mais la principale raison qui me porte à croire que ces roches terreuses tendres, avec leurs fragments étrangers, ne sont pas d’origine sédimentaire, c’est qu’il est très peu probable que des cristaux de feldspath, des points noirs microscopiques et de petites taches de couleur foncée puissent se présenter en même proportion dans un sédiment aqueux et dans des masses de trachyte compact. En outre, comme je l’ai fait observer plus haut, le microscope décèle parfois une structure cristalline dans la masse fondamentale d’apparence terreuse. D’un autre côté, il est certainement fort difficile d’expliquer la décomposition partielle de masses de trachyte aussi considérables et formant des montagnes entières.

Veines dans les masses trachytiques terreuses. – Ces veines sont extrêmement nombreuses, elles traversent avec une allure très complexe les variétés blanche et verte de trachyte terreux ; c’est sur les flancs du Crater of the old volcano qu’on les observe le mieux. Elles renferment des cristaux de feldspath vitreux, des points noirs microscopiques et de petites tâches foncées, absolument comme la roche qui les environne, mais la base est fort différente, car elle est excessivement dure, compacte, assez cassante, et un peu moins fusible. L’épaisseur des veines varie beaucoup et très brusquement, d’un dixième de pouce à un pouce ; fréquemment elles s’amincissent au point de disparaître tout à fait, non seulement à leur extrémité, mais leur partie centrale s’évide parfois en laissant ainsi des ouvertures rondes, irrégulières ; leur surface est rugueuse. Elles sont orientées dans tous les sens ou sont horizontales, généralement curvilignes, et souvent elles se ramifient entre elles. Par suite de leur dureté, elles résistent à l’altération ; elles s’élèvent de deux ou trois pieds au-dessus du sol, et s’étendent parfois sur une longueur de quelques yards ; quand on frappe ces plaques de pierre, elles produisent un son analogue à celui du tambour, et on les voit distinctement vibrer, leurs fragments répandus sur le sol résonnent comme des morceaux de fer quand on les entre-choque. Elles affectent souvent les formes les plus singulières ; j’ai vu un piédestal de trachyte terreux recouvert par une portion hémisphérique d’une veine, semblable à un grand parapluie, et assez large pour abriter deux personnes. Je n’ai jamais rencontré de veines semblables à celles-ci et n’en ai vu la description nulle part, mais elles ressemblent par leur forme aux veines ferrugineuses produites par ségrégation, et qui ne sont pas rares dans les grès, par exemple dans le nouveau grès rouge d’Angleterre.

Des veines nombreuses de jaspe et d’une matière siliceuse, qu’on rencontre au sommet de la même colline, prouvent qu’une source abondante de silice a existé en cet endroit, et comme ces veines en forme de plaques ne diffèrent du trachyte que parce qu’elles sont plus dures, plus cassantes et moins fusibles, il semble probable que leur origine est due à la ségrégation ou à l’infiltration de matière siliceuse, de la même manière que s’opère le dépôt des oxydes de fer dans plusieurs roches sédimentaires.

Dépôt siliceux et jaspe. – Ce dépôt siliceux est tantôt tout à fait blanc, léger, sa cassure présente un éclat légèrement perlé et il passe au quartz rose perlé, ou bien il est d’un blanc jaunâtre, à cassure rude, et renferme alors, dans de petites cavités, une poudre terreuse. Les deux variétés se présentent, soit en grandes masses irrégulières dans le trachyte décomposé, soit en couches renfermées dans de grandes veines verticales, tortueuses et irrégulières d’une pierre compacte, rude, rouge sombre, et ressemblant à un grès. Cependant cette roche n’est autre chose qu’un trachyte décomposé ; une variété à peu près semblable, mais qui affecte souvent la forme d’un gâteau de miel adhère fréquemment aux veines plates en saillie qui ont été décrites dans le paragraphe précédent. Ce jaspe a une couleur jaune d’ocre ou rouge ; il se présente en grandes masses irrégulières, et quelquefois en veines, dans le trachyte décomposé et dans la masse de basalte scoriacé qui lui est associée. Les vacuoles de cette dernière roche sont tapissées ou remplies de fines couches concentriques de calcédoine, recouvertes et parsemées d’oxyde de fer rouge vif. Cette roche renferme, spécialement en ses parties les plus compactes, de petits fragments irréguliers et anguleux de jaspe rouge dont les bords se confondent insensiblement avec la masse entourante ; on trouve aussi d’autres fragments, d’une nature intermédiaire entre le jaspe proprement dit et la base basaltique ferrugineuse décomposée. Dans ces fragments ainsi que dans les grandes masses de jaspe en forme de veines, on remarque de petites cavités arrondies ; ces cavités sont exactement de la même dimension et de la même forme que celles du basalte scoriacé remplies ou tapissées de couches de calcédoine. De petits fragments de jaspe, vus au microscope, paraissent ressembler à une calcédoine dont le pigment n’aurait pas été déposé en couches, mais serait resté mélangé avec quelques impuretés à la pâte siliceuse. Le passage insensible du jaspe au basalte à moitié décomposé, sa présence en plages anguleuses qui n’occupent évidemment pas des cavités préexistantes de la roche, et l’existence dans ce jaspe de petites vésicules remplies de calcédoine comme celles de la lave scoriacée ne peuvent s’expliquer que dans l’hypothèse qu’un liquide, probablement le même qui a déposé la calcédoine dans les vacuoles, a enlevé aux parties de la roche basaltique ne renfermant pas de cavités les éléments constitutifs de cette roche, a déposé à leur place de la silice et du fer, et a formé ainsi le jaspe. J’ai observé, dans certains échantillons de bois silicifié, que, tout comme dans le basalte, les parties solides étaient transformées en une matière pierreuse homogène de couleur sombre, tandis que les cavités formées par les plus gros vaisseaux conducteurs de la sève (qu’on peut comparer aux vacuoles de la lave basaltique) et d’autres cavités irrégulières, produites apparemment par la décomposition du bois, étaient remplies de couches concentriques de calcédoine ; il n’est pas douteux que, dans ce cas, la substance fondamentale homogène et les couches concentriques de calcédoine aient été déposées par un même liquide.

D’après ces considérations, je ne puis douter que le jaspe de l’île de l’Ascension doive être considéré comme une roche volcanique silicifiée, en donnant à ce mot absolument le même sens qu’on y attache quand on l’applique au bois silicifié : nous ignorons aussi bien la manière dont chaque atome de bois, alors qu’il est encore dans son état normal, puisse être enlevé et remplacé par des atomes de silice, que nous ignorons comment les parties constituantes d’une roche volcanique ont pu subir la même modification. J’ai été amené à faire un examen minutieux de ces roches et à en tirer les conclusions que je viens d’exposer, en entendant exprimer par le Rev. Professeur Henslow une opinion analogue au sujet de l’origine d’un grand nombre de calcédoines et d’agates dans des roches trappéennes. Les dépôts siliceux paraissent être très fréquents, sinon tout à fait constants, dans les tufs trachytiques partiellement décomposés ; et comme ces collines, ainsi que nous l’avons exposé plus haut, sont formées de trachyte ayant perdu sa dureté et décomposé in situ, la présence, en ce cas, de silice libre constitue un exemple de plus de ce phénomène.

Concrétions dans le tuf ponceux. – La colline que la carte indique sous le nom de « Crater of an old volcano » est désignée improprement ; rien dans tout ce que j’ai pu observer ne justifie cette appellation, sauf que la colline se termine en un sommet circulaire ayant la forme d’une soucoupe très évasée, et d’environ un demi-mille de diamètre. Cette dépression a été presque entièrement comblée par un grand nombre de couches successives de cendres et de scories, diversement colorées et faiblement consolidées. Chaque couche cupuliforme successive se montre sur toute la périphérie, de sorte qu’il se produit plusieurs anneaux de couleur différente, donnant à la colline un aspect fantastique. L’anneau extérieur est large et de couleur blanche, ce qui le fait ressembler à une piste où l’on aurait exercé des chevaux, et lui a valu le nom de Manège du Diable, sous lequel il est le plus généralement connu. Ces couches superposées de cendres doivent être tombées sur toute la contrée environnante, mais elles ont été complètement enlevées par le vent, sauf dans cette seule dépression, où l’humidité s’accumulait sans doute, soit au cours d’une année exceptionnelle, lorsqu’il tombait de la pluie, soit pendant les orages qui accompagnent souvent les éruptions volcaniques. Une des couches, colorée en rose et formée principalement de petits fragments de ponce décomposée, est remarquable par le grand nombre de concrétions qu’elle renferme. Celles-ci sont généralement sphériques et mesurent d’un demi-pouce à trois pouces de diamètre, mais elles sont parfois cylindriques comme les concrétions de pyrite de fer que l’on trouve dans la craie d’Europe. Elles sont formées d’une pierre brun pâle, très tenace, compacte, à cassure unie et douce au toucher. Elles sont divisées en couches concentriques par de minces cloisons blanches ressemblant à la surface extérieure de la concrétion ; vers la périphérie, six ou huit de ces couches sont nettement limitées, mais les couches qui se trouvent vers l’intérieur deviennent ordinairement indistinctes et se fusionnent en une masse homogène. Je pense que ces couches concentriques se sont formées par la contraction que la concrétion a subie lorsqu’elle est devenue compacte. La partie interne est généralement divisée par de petites fentes ou septaria, qui sont tapissées de taches les unes noires et métalliques, les autres blanches et cristallines, dont je n’ai pu déterminer la nature. Quelques-unes des concrétions les plus volumineuses ne sont autre chose qu’une croûte sphérique remplie de cendres faiblement consolidées. Les concrétions contiennent une petite quantité de carbonate de chaux ; un fragment exposé au chalumeau décrépite, blanchit ensuite et fond en un émail globuleux, mais il ne devient pas caustique. Les cendres qui renferment les concrétions ne contiennent pas de carbonate de chaux ; les concrétions ont donc été formées probablement par l’agrégation de cette substance, comme c’est souvent le cas. Je n’ai jamais rencontré de concrétions semblables à celles-ci, et, en considérant leur degré de ténacité et de compacité, leur disposition en un lit qui n’a probablement été exposé à aucune autre humidité que celle de l’atmosphère est fort remarquable.

Formation de roches calcaires sur la côte. – Il y a sur plusieurs points de la côte d’immenses accumulations de petits fragments bien arrondis de coquilles et de coraux blancs, jaunâtres et roses, entremêlés de quelques particules volcaniques. À la profondeur de quelques pieds on constate qu’ils sont cimentés et forment une pierre dont on utilise les variétés les plus tendres pour les constructions ; d’autres variétés, les unes grossières et les autres à grain fin, sont trop dures pour cet usage, et j’ai vu une masse, divisée en couches uniformes d’un demi-pouce d’épaisseur et si compactes qu’elles rendaient un son semblable à celui du flint quand on les frappait avec un marteau. Les habitants croient que ces fragments sont cimentés au bout d’un an. Cette cimentation s’opère par une matière calcareuse, et dans les variétés les plus compactes on peut voir distinctement chaque fragment arrondi de coquille ou de roche volcanique entouré d’une enveloppe translucide de carbonate de chaux. Très peu de coquilles entières sont engagées dans ces masses agglutinées, et j’ai même examiné au microscope un grand fragment sans parvenir à découvrir le moindre vestige de stries, ou d’autres traces de forme extérieure ; cela démontre que chaque particule doit avoir été roulée ça et là pendant bien longtemps avant que son tour vînt d’être engagée dans la masse et cimentée. Une des variétés les plus compactes soumise à l’action d’un acide s’y est complètement dissoute, à l’exception d’un peu de matière organique floconneuse ; son poids spécifique était 2, 63. Le poids spécifique du calcaire ordinaire varie de 2, 6 à 2, 75 ; sir H. de la Bèche a trouvé pour le carrare pur 2, 7. C’est un fait remarquable que ces roches de l’île de l’Ascension, formées près de la surface de la mer, soient presque aussi compactes qu’un marbre qui a subi l’action de la chaleur et de la pression dans les régions plutoniques.

La grande accumulation de particules calcaires incohérentes sur le rivage, près du Settlement, commence au mois d’octobre en progressant vers le sud-ouest ; ce fait est dû, d’après le lieutenant Evans, à un changement dans la direction des courants prédominants. À cette époque, les rochers exposés à l’action de la marée à l’extrémité sud-ouest de la côte, où s’accumule le sable calcareux, et qui sont baignés par les courants, se recouvrent peu à peu d’une incrustation calcaire épaisse d’un demi-pouce. Elle est absolument blanche, compacte, légèrement spathique en quelques parties, et elle adhère fortement aux rochers. Elle disparaît graduellement après un temps assez court, soit qu’elle se redissolve quand l’eau est moins chargée de calcaire, soit qu’elle soit enlevée mécaniquement, ce qui est plus vraisemblable. Le lieutenant Evans a observé ces faits pendant les six années de son séjour à l’Ascension. L’épaisseur de l’incrustation varie suivant les années ; elle était exceptionnellement forte en 1831. Lors de ma visite, au mois de juillet, il n’y avait plus de trace d’incrustation, mais elle s’était parfaitement conservée sur un pointement de basalte d’où les ouvriers carriers avaient enlevé, peu auparavant, une masse de pierre de taille. En tenant compte de la position des rochers exposés à l’action de la marée, et de l’époque de l’année pendant laquelle ils se recouvrent d’incrustations, il n’est pas douteux que, par le déplacement et le bouleversement de cette vaste accumulation de particules calcaires dont un grand nombre avaient déjà été partiellement agglutinées, les eaux de la mer se chargent tellement de carbonate de chaux qu’elles le déposent sur les premiers objets avec lesquels elles viennent en contact. Le lieutenant Holland, R.N., m’a dit que ces incrustations se font en un grand nombre de points de la côte, sur la plupart desquels il y a aussi, je crois, de grandes masses de coquilles brisées en menus fragments.

Incrustation calcaire frondescente. – C’est un dépôt très remarquable à divers points de vue ; il recouvre durant toute l’année les roches volcaniques exposées à la marée et qui surplombent des plages de coquilles brisées. Son aspect général est fidèlement reproduit dans la gravure, mais les frondes ou les disques dont il est formé sont ordinairement rapprochés au point de se toucher. Les bords sinueux de ces frondes sont finement découpés, et elles surplombent leurs piédestaux ou supports ; leur surface supérieure est légèrement concave ou légèrement convexe ; elles offrent un beau poli et une couleur gris-foncé ou noir de jais ; leur forme est irrégulière, généralement circulaire, et leur diamètre varie d’un dixième de pouce à un pouce et demi ; leur épaisseur ou la hauteur dont elles s’élèvent au-dessus du rocher qui les porte, varie beaucoup ; elle est, le plus ordinairement peut-être, d’un quart de pouce. Parfois les frondes deviennent de plus en plus convexes, jusqu’à passer à l’état de masses botryoïdes, dont les sommets sont fissurés ; lorsqu’elles affectent cette forme, elles sont luisantes et d’un noir intense, au point de ressembler à une matière métallique fondue. J’ai montré cette incrustation à plusieurs géologues, tant sous cette dernière forme que sous sa forme ordinaire, et aucun d’entre eux n’a pu lui assigner une origine, si ce n’est qu’elle était peut-être de nature volcanique !

[Illustration : FIG. 5. – Incrustation de calcaire et de matière organique tapissant les rochers exposés à l’action de la marée à l’île de l’Ascension.]

La cassure de la substance dont les frondes sont formées est très compacte et souvent presque cristalline, avec des bords translucides et assez durs pour rayer facilement le spath calcaire. Au chalumeau elle devient immédiatement blanche et émet une odeur animale très prononcée, semblable à celle de coquilles fraîches ; elle est surtout composée de carbonate de chaux ; traitée par l’acide chlorhydrique elle fait une vive effervescence et laisse un résidu de sulfate de chaux et d’oxyde de fer, mêlés à une poudre noire insoluble dans les acides à chaud. Cette dernière substance, qui est évidemment la matière colorante, paraît de nature charbonneuse. Le sulfate de chaux se trouve ici à l’état de matière étrangère, et il se présente en lamelles distinctes, excessivement petites, répandues à la surface des frondes et engagées entre les couches minces dont elles sont formées ; quand on chauffe un fragment au chalumeau, ces lamelles deviennent immédiatement visibles. On peut souvent suivre le contour extérieur primitif des frondes, soit jusqu’à un petit fragment de coquille fixé dans une fente du rocher, soit jusqu’à une agglomération de ces fragments cimentés ensemble. On constate que tout d’abord l’action des vagues corrode profondément ces esquilles et les réduit à l’état de crêtes aiguës, et qu’elle les recouvre ensuite de couches successives du calcaire incrustant gris et luisant. Les inégalités du support primitif se trahissent à la surface de chaque couche successive, comme on le voit souvent dans les pierres de bézoard, lorsqu’un objet, tel qu’un clou, forme le centre de l’agrégation. Pourtant les découpures des bords paraissent dues à l’action corrosive que le ressac exerce sur son propre dépôt, alternant avec la formation de dépôts nouveaux. J’ai trouvé sur des roches basaltiques tendres de la côte de San Thiago une couche extrêmement mince de matière calcaire brune qui, vue à la loupe, ressemblait en miniature aux frondes découpées et polies de l’île de l’Ascension ; dans ce dernier cas, il n’y avait pas de base constituée par des particules étrangères faisant saillie. Quoique l’incrustation persiste à l’Ascension durant toute l’année, l’aspect délabré de certaines parties et l’aspect frais de certaines autres parties font croire que tout l’ensemble subit un cycle de destruction et de renouvellement, dû sans doute aux modifications de forme de la plage qui se déplace et, par suite, aux modifications que subit l’action des brisants ; c’est probablement pour cette raison que l’incrustation n’acquiert jamais une grande épaisseur. En considérant à la fois la composition de la matière incrustante et la situation des rochers qui la portent, au milieu d’une plage calcaire, je crois qu’il n’est pas douteux qu’elle est due à la dissolution et au dépôt subséquent de la matière qui forme les fragments arrondis de coquilles et de coraux. C’est à cette source qu’elle puise la matière organique qui constitue évidemment le principe colorant.

On peut souvent discerner nettement la nature du dépôt, au début de sa formation, quand un fragment de coquille blanche se trouve serré entre deux frondes ; le dépôt offre alors l’aspect d’une couche très mince de vernis gris pâle. Sa teinte plus ou moins foncée varie un peu, mais la couleur noir de jais qu’offrent les frondes et les masses botryoïdales paraît due à la translucidité des couches grises superposées. On constate pourtant ce fait singulier que, lorsque le dépôt s’opère sur la face inférieure des rochers en saillie, ou dans des fissures, il paraît être toujours d’une couleur gris-perle pâle, même quand il atteint une épaisseur considérable ; on est amené ainsi à croire que l’action d’une lumière abondante est nécessaire au développement de la couleur foncée, ainsi que cela semble se produire pour les coquilles des mollusques vivants, dont la partie supérieure, tournée vers la lumière, est toujours d’une teinte plus foncée que la surface inférieure et que les parties ordinairement recouvertes par le manteau de l’animal. Cette circonstance, la décoloration immédiate et la production d’une odeur par l’action du chalumeau, le degré de dureté et de translucidité des bords, le beau poli de la surface, qui rivalise, lorsqu’elle est à l’état frais, avec celui des plus fines olives, tous ces faits établissent une analogie frappante entre cette incrustation inorganique et les coquilles de mollusques vivants. Cela me paraît être un fait physiologique intéressant.

Bancs lamellaires remarquables alternant avec l’obsidienne et passant à cette roche. – On rencontre ces bancs dans la région trachytique, à la base occidentale de Green Mountain, sous laquelle ils plongent suivant des inclinaisons très fortes. Ils n’affleurent qu’en partie seulement, car ils sont recouverts par des produits d’éruption modernes ; c’est pourquoi je n’ai pu constater leur contact avec le trachyte, ni déterminer s’ils se sont étalés comme des nappes de lave ou s’ils ont été injectés dans les strates surincombantes. On observe trois bancs principaux d’obsidienne, dont le plus puissant constitue la base de la coupe. Ces bancs pierreux alternants me paraissent fort intéressants ; je les décrirai d’abord et m’occuperai ensuite de leur transition à l’obsidienne. Ils offrent un aspect très varié ; on peut reconnaître cinq variétés principales, mais elles passent insensiblement l’une à l’autre par toutes les transitions.

1. Une roche gris-pâle, irrégulièrement et grossièrement lamellaire, rude au toucher, ressemblant à un phyllade qui aurait subi le contact d’un dike de trapp ; sa cassure est à peu près la même que celle que donnerait une structure cristalline.

Cette roche et les variétés suivantes fondent facilement en un verre de couleur pâle.

La plus grande partie de la roche est disposée en forme de gâteau de miel à cavités irrégulières et anguleuses, de sorte que l’ensemble offre un aspect carié, et que certains fragments ressemblent d’une manière remarquable à des morceaux silicifiés de bois décomposé. Cette variété, surtout lorsqu’elle est compacte, est souvent traversée de fines raies blanchâtres ; celles-ci sont droites ou elles ondulent les unes derrière les autres autour des vides allongés et cariés.

2. Une roche gris bleuâtre ou brun pâle, compacte, lourde, homogène, à cassure angulaire, inégale et terreuse ; cependant, lorsqu’on l’examine avec une forte loupe, la cassure se montre nettement cristalline, et l’on peut même y reconnaître des minéraux individualisés.

3. Une roche de la même nature que la précédente, mais striée d’un grand nombre de lignes blanches, parallèles, légèrement ondulées, de l’épaisseur d’un cheveu. Ces lignes blanches sont d’une nature plus cristalline que les parties intercalées entre elles, et la roche se fend suivant leur direction ; elles se dilatent fréquemment en formant alors de petites cavités qui sont souvent à peine visibles à la loupe. La matière dont les lignes blanches sont formées est mieux cristallisée dans ces cavités, et le professeur Miller est parvenu, après plusieurs essais, à déterminer que les cristaux blancs, les plus grands de tous, se rapportent au quartz, et que les petites aiguilles vertes transparentes sont de l’augite, ou suivant la dénomination qu’on leur donne le plus généralement, de la diopside. À côté de ces cristaux on observe de petits points de couleur foncée, sans trace de cristallisation, et une matière cristalline blanche, fine et grenue qui est probablement du feldspath. Les petits fragments de cette roche sont facilement fusibles.

4. Une roche cristalline compacte zonée de lignes très nombreuses, droites, blanches et grises, dont la largeur varie de 1/30e à 1/200e de pouce ; ces couches semblent composées principalement de feldspath, et elles renferment un grand nombre de cristaux bien développés de feldspath vitreux orientés dans le sens de leur longueur ; elles sont aussi abondamment parsemées de points noirs microscopiques et amorphes disposés en rangées, et isolés les uns des autres, ou plus fréquemment, réunis deux à deux, trois à trois, ou en plus grand nombre, et formant des lignes noires plus fines qu’un cheveu. Quand on chauffe au chalumeau un petit fragment de cette roche, les points noirs se fondent facilement en globules noirs brillants, qui deviennent magnétiques, caractères applicables à bien peu de minéraux, à l’exception de la hornblende et de l’augite. D’autres points, colorés en rouge, sont associés aux points noirs ; ils sont magnétiques et sont certainement formés d’oxyde de fer. Dans un échantillon de cette variété, j’ai observé que les points noirs étaient agrégés sous forme de cristaux minuscules autour de deux petites cavités ; ils ressemblaient à des cristaux d’augite ou de hornblende, mais ils étaient trop ternes et trop petits pour pouvoir être mesurés au goniomètre. J’ai pu distinguer aussi, dans le feldspath cristallin du même échantillon, des grains qui avaient l’aspect du quartz. J’ai constaté à l’aide d’une règle à parallèles que les couches grises minces et les lignes capillaires noires étaient absolument droites et parallèles entre elles. Il est impossible de suivre le passage de la roche grise homogène à ces variétés striées, ou même de comparer le caractère des différentes couches d’un échantillon sans se convaincre que la blancheur plus ou moins parfaite de la matière feldspathique cristalline dépend du degré d’agrégation plus ou moins complet de la matière diffuse, sous forme de taches noires et rouges de hornblende et d’oxyde de fer.

5. Une roche lourde et compacte, non lamellaire, à cassure irrégulière, anguleuse et très cristalline ; elle contient un grand nombre de cristaux isolés de feldspath vitreux ; la base feldspathique cristalline est tachetée par un minéral noir qui, sur la surface altérée, se montre agrégé en petits cristaux, dont quelques-uns sont bien développés, tandis que le plus grand nombre ne l’est pas. J’ai montré cet échantillon à un géologue expérimenté, et je lui ai demandé quelle en était la nature. Il m’a répondu, comme tout autre je pense l’eût fait à sa place, que c’était un greenstone primitif. De même, la surface altérée de la variété zonaire que nous avons étudiée tantôt (no. 4) ressemble d’une manière frappante à un fragment usé de gneiss finement lamellaire.

Ces cinq variétés, ainsi que plusieurs termes intermédiaires, passent et repassent l’une à l’autre. Comme les variétés compactes sont absolument subordonnées aux autres, tout l’ensemble peut être considéré comme lamellaire ou comme zonaire. En résumé, les lamelles sont tantôt tout à fait droites, tantôt légèrement ondulées et tantôt contournées ; elles sont toutes parallèles entre elles et aux couches d’obsidienne intercalées, et sont d’ordinaire extrêmement minces. Ces lamelles consistent soit en une roche compacte d’apparence homogène, rayée de diverses nuances de gris et de brun, soit en couches cristallines de feldspath plus ou moins pur, dont l’épaisseur varie, et qui renferment des cristaux isolés de feldspath vitreux alignés suivant leur longueur ; soit enfin en couches très minces composées en grande partie de petits cristaux de quartz et d’augite, ou de points noirs et rouges d’un minéral augitique et d’un oxyde de fer, amorphes ou imparfaitement cristallisés. Après cette description détaillée de l’obsidienne, je reviens à la lamellation des roches de la série trachytique.

Le passage des lits que nous venons de décrire aux couches d’obsidienne vitreuse s’opère de diverses manières : 1. des masses angulo-noduleuses d’obsidienne de dimensions très variables apparaissent brusquement, disséminées dans une roche feldspathique de couleur pâle, feuilletée ou amorphe, et à cassure plus ou moins perlée ; 2. de petits nodules d’obsidienne, isolés ou réunis en couches dont l’épaisseur dépasse rarement un dixième de pouce, alternent à plusieurs reprises avec des couches très minces d’une roche feldspathique offrant, comme une agate, des zones parallèles de couleurs différentes, extrêmement fines, et passant parfois à la résinite ; les interstices entre les nodules d’obsidienne sont généralement remplis par une matière blanche, tendre, ressemblant à des cendres ponceuses ; 3. la roche encaissante tout entière passe brusquement à une masse concrétionnée et fragmentaire d’obsidienne. Ces masses d’obsidienne sont souvent vert pâle, comme les petits nodules, et généralement bigarrées de diverses nuances, parallèlement aux feuillets de la roche environnante ; ainsi que les nodules, elles renferment généralement de petits sphérulites blancs dont une moitié est souvent empâtée dans une zone d’une nuance, et l’autre moitié dans une zone de nuance différente. L’obsidienne n’acquiert sa couleur noir de jais et sa cassure parfaitement conchoïdale que lorsqu’elle est en grandes masses ; pourtant, par un examen minutieux, et en exposant les échantillons à la lumière sous différentes incidences, j’ai pu généralement discerner des zones parallèles de teinte plus au moins foncée, même quand la roche était en grandes masses.

L’une des roches de transition les plus communes mérite, à divers égards, une description détaillée. Sa nature est fort complexe ; elle est formée d’un grand nombre de couches minces, légèrement ondulées, d’une matière feldspathique à teinte pâle, passant souvent à une rétinite imparfaite, alternant avec des couches constituées par d’innombrables petits globules de deux variétés d’obsidienne, et par deux variétés de sphérulites empâtés dans une pâte perlée dure ou tendre. Les sphérulites sont blancs et transparents ou brun foncé et opaques ; les premiers sont parfaitement sphériques, de petite dimension, à structure nettement rayonnée. Les sphérulites brun foncé ne sont pas aussi exactement sphériques et leur diamètre varie de 1/20e à 1/30e de pouce ; lorsqu’on les brise, ils montrent une structure vaguement rayonnée vers leur centre qui est blanchâtre. Quelquefois deux sphérulites unis n’ont qu’un seul centre d’où part la structure rayonnée ; il existe parfois au centre comme un indice de cavité ou de crevasse. Ces sphérulites sont tantôt séparés et tantôt réunis par deux, par trois ou en plus grand nombre, et forment des groupes irréguliers, ou plus communément des couches parallèles à la stratification de la masse. L’agrégation est souvent si intime que les faces supérieure et inférieure de la couche formée par les sphérulites sont exactement planes. Lorsque ces couches deviennent moins brunes et moins opaques, on ne peut plus les distinguer des zones de la roche feldspathique à teinte pâle qui alternent avec elles. Quand les sphérulites ne sont pas agrégés, ils sont généralement comprimés dans le sens de la structure lamellaire de la masse, et dans ce même plan ils offrent souvent à l’intérieur des zones de différentes nuances de couleur, et à l’extérieur ils sont ornés de petites crêtes et de petits sillons. Les sphérulites avec leurs sillons et leurs crêtes parallèles sont représentés grossis dans la partie supérieure de la gravure ci-jointe, mais ils ne sont pas bien dessinés ; leur mode ordinaire de groupement est indiqué dans la partie inférieure de cette figure. Dans un autre échantillon, une couche mince de sphérulites bruns, intimement unis, traverse une couche de même composition, comme le montre la figure 7, et cette traînée de sphérulites, après avoir suivi sur une faible longueur une direction légèrement courbe, la recoupe ainsi qu’une autre couche située un peu au-dessous de la première.

[Illustration : FIG. 6. – Sphérulites bruns opaques, grossis. Les sphérulites représentés dans la partie supérieure de la figure portent à la surface des sillons parallèles. La structure radiée interne des sphérulites du bas de la figure est accusée beaucoup trop fortement.]

Les petits nodules d’obsidienne portent aussi quelquefois des crêtes et des sillons externes, disposés parallèlement à la lamellation de la masse, mais toujours moins marqués que ceux des sphérulites. Les nodules d’obsidienne sont généralement anguleux, à bords émoussés ; souvent ils portent l’empreinte des sphérulites adjacents qui sont toujours plus petits qu’eux. Les nodules isolés semblent rarement s’être rapprochés les uns des autres par attraction mutuelle. Si je n’avais pas trouvé quelquefois un centre d’attraction distinct dans ces nodules d’obsidienne, j’aurais été porté à les considérer comme un résidu de cristallisation qui s’est isolé durant la formation de la perlite qui les empâte et des globules sphérulitiques.

[Illustration : FIG. 7. – Couche formée par l’agrégation de petits sphérulites bruns, coupant deux autres couches semblables. L’ensemble est représenté à peu près en grandeur naturelle.]

Les sphérulites et les petits nodules d’obsidienne de ces roches ressemblent si bien par leur structure et leur forme générale aux concrétions des dépôts sédimentaires, qu’on est tenté, à première vue, de leur attribuer une origine analogue. Ils ressemblent aux concrétions ordinaires sous les rapports suivants : par leur forme extérieure ; par l’agrégation de deux, de trois ou d’un plus grand nombre d’individus en une masse irrégulière ou en une couche à faces planes ; parce qu’il arrive parfois qu’une de ces couches en coupe une autre comme on l’observe pour les silex de la craie ; par la présence dans une même masse fondamentale de deux ou trois espèces de nodules souvent serrés les uns contre les autres ; par leur structure fibreuse et radiée et l’existence accidentelle de cavités en leur centre ; par la coexistence des structures lamelleuse, concrétionnée et radiée, si bien développées dans les concrétions de calcaire magnésien décrites par le professeur Sedgwick. On sait que les concrétions des dépôts sédimentaires sont dues à la séparation partielle ou totale d’une substance minérale de la masse environnante, et à son agrégation autour de certains centres d’attraction. Guidé par ce fait, j’ai cherché à découvrir si l’obsidienne et les sphérulites (auxquels on peut ajouter la marékanite et la perlite qui se présentent toutes deux en concrétions noduleuses dans les roches trachytiques) diffèrent par leur composition des minéraux qui forment généralement les roches trachytiques. Les résultats de trois analyses ont démontré que l’obsidienne contient en moyenne 76 p. 100 de silice ; d’après une analyse, les sphérulites en contiennent 79, 12 p. 100 ; la marékanite 79, 25 p. 100 (deux analyses) et la perlite 75, 62 p. 100 (deux analyses). Or, pour autant qu’on puisse les déterminer, les éléments du trachyte sont le feldspath contenant 65, 21 p. 100 de silice, ou l’albite, qui en contient 69, 09 p. 100, la hornblende, qui en renferme 55, 27 p. 100, et l’oxyde de fer ; de sorte que les substances vitreuses concrétionnées que nous avons mentionnées plus haut contiennent toutes une proportion de silice supérieure à celle qui existe ordinairement dans les roches feldspathiques ou trachytiques. D’Aubuisson a fait remarquer aussi combien la teneur en silice est forte relativement à celle de l’alumine dans six analyses d’obsidienne et de perlite données dans la Minéralogie de Brongniart. De tous ces faits je conclus que les concrétions susdites ont été formées par un procédé d’agrégation identique à celui dont on constate l’action dans les dépôts sédimentaires. Ce procédé agit principalement sur la silice, mais il exerce aussi son action sur une partie des autres éléments de la masse environnante, et produit ainsi les diverses variétés concrétionnées. En considérant l’influence bien connue du refroidissement rapide sur la production de la texture vitreuse, il paraît nécessaire d’admettre que, dans des cas semblables à celui de l’Ascension, la masse entière a dû se refroidir uniformément, mais en tenant compte des alternances multiples et compliquées de nodules et de couches minces à texture vitreuse avec d’autres couches entièrement pierreuses ou cristallines, sur un espace de quelques pieds ou même de quelques pouces, il est possible, à la rigueur, que les diverses parties se soient refroidies avec des rapidités différentes, et qu’elles aient acquis ainsi leurs textures variées.

Les sphérulites naturelles de ces roches ressemblent beaucoup à celles qui se produisent dans le verre lorsqu’il se refroidit lentement. Dans de beaux échantillons de verre partiellement dévitrifié appartenant à M. Stokes, on voit les sphérulites réunies en couches rectilignes à faces planes, parallèles les unes aux autres et à l’une des surfaces extérieures, absolument comme dans l’obsidienne. Ces couches se ramifient parfois et s’anastomosent ; mais je n’ai constaté aucun cas de véritable intersection. Elles forment le passage des parties parfaitement vitreuses à celles qui sont presque entièrement homogènes et pierreuses, et qui ne présentent qu’une structure concrétionnée peu nette. Dans les mêmes échantillons, on observe aussi des sphérulites engagées dans la masse et très rapprochées les unes des autres, elles sont faiblement différenciées par leur structure et leur couleur. En présence de ces faits, les idées que nous avons exposées plus haut sur l’origine concrétionnaire de l’obsidienne et des sphérulites naturelles trouvent une confirmation dans l’intéressante notice que M. Dartigues a publiée sur ce sujet et où il attribue la production des sphérulites dans le verre à ce que les divers éléments s’agrègent en obéissant chacun à son propre mode d’attraction. Il est amené à cette conclusion en observant la difficulté qu’on éprouve à refondre du verre sphérulitique sans avoir au préalable pilé soigneusement et mélangé toute la masse, et en considérant aussi le fait que la transformation s’opère le plus facilement dans du verre composé d’un grand nombre de substances. En confirmation des idées de M. Dartigues, je ferai remarquer que M. Fleuriau de Bellevue a constaté que les parties sphérulitiques du verre dévitrifié se comportent autrement sous l’action de l’acide nitrique et au chalumeau que la pâte compacte dans laquelle elles étaient engagées.

Comparaison des bancs d’obsidienne et des couches alternantes de l’Ascension avec ceux d’autres contrées. – J’ai été frappé de voir à quel point les observations que j’ai faites à l’Ascension concordaient avec l’excellente description des roches d’obsidienne de Hongrie, qui a été donnée par Beudant, avec celle de la même formation au Mexique et au Pérou par de Humboldt, et avec les descriptions des régions trachytiques des îles italiennes données par divers auteurs. Plusieurs passages auraient pu être copiés sans modifications dans les ouvrages des auteurs que je viens de citer, et auraient pu s’appliquer à notre île. Tous les auteurs s’accordent sur le caractère lamellaire et stratifié de la série entière, et de Humboldt parle de quelques bancs d’obsidienne qui sont rubanés comme du jaspe. Tous constatent le caractère noduleux ou concrétionné de l’obsidienne, et le passage des nodules à des couches. Tous insistent sur les alternances répétées de couches vitreuses, perlées, lithoïdes et cristallines qui se produisent souvent suivant des surfaces ondulées. Pourtant les couches cristallines semblent beaucoup mieux développées à l’Ascension que dans les autres contrées désignées plus haut. D’après de Humboldt, un certain nombre des bancs lithoïdes ressemblent de loin à des couches de grès schisteux. Suivant ces auteurs, les sphérulites sont toujours abondantes, et elles paraissent marquer partout le passage des bancs parfaitement vitreux aux bancs lithoïdes et cristallins. La description que Beudant donne de sa « perlite lithoïde globulaire » pourrait avoir été écrite, jusque dans ses moindres détails, pour les petits globules sphérulitiques bruns des roches de l’Ascension.

La grande ressemblance qui existe, sous tant de rapports, entre les formations d’obsidienne de Hongrie, du Mexique, du Pérou, de certaines îles italiennes et celles de l’Ascension, me fait croire qu’en toutes ces contrées l’obsidienne et les sphérulites doivent leur origine à un concrétionnement de la silice, et de quelques-uns des autres éléments constituants, s’opérant pendant que la masse liquéfiée se refroidissait avec la rapidité voulue. On sait cependant qu’en diverses localités l’obsidienne s’est répandue en coulées comme la lave, par exemple à Ténérife, aux îles Lipari et en Islande. Les parties superficielles sont alors les plus parfaitement vitreuses, l’obsidienne se transformant à la profondeur de quelques pieds en une pierre opaque. Dans une analyse faite par Vauquelin d’un échantillon d’obsidienne de l’Hécla, qui avait probablement coulé comme une lave, la proportion de silice est à peu près la même que dans l’obsidienne noduleuse et concrétionnée du Mexique. Il serait intéressant de déterminer si les parties intérieures opaques et la surface vitreuse externe contiennent la même proportion d’éléments constitutifs. Nous savons, d’après M. Dufrénoy, que la composition des parties internes et externes d’une même coulée de lave est parfois fort différente. Quand même la masse totale de la coulée serait uniformément composée d’obsidienne noduleuse, il suffirait, d’après les faits que nous venons de rapporter, de supposer qu’au moment de l’émission de la lave ses éléments constituants étaient mélangés en même proportion que dans l’obsidienne concrétionnée.

Structure lamellaire de roches volcaniques de la série trachytique. – Nous avons vu que, dans des contrées diverses et fort éloignées les unes des autres, les strates qui alternent avec les lits d’obsidienne sont fortement lamellaires. En outre, les nodules de l’obsidienne, quelles que soient leurs dimensions, sont zonés de différentes nuances, et j’ai vu dans la collection de M. Stokes un échantillon provenant du Mexique dont la surface externe était décomposée et portait des crêtes et des sillons correspondant à des zones plus ou moins vitreuses. En outre, de Humboldt a trouvé au pic de Ténérife une coulée d’obsidienne subdivisée par des couches de ponce alternantes et très minces. Un grand nombre d’autres laves de la série feldspathique sont lamellaires ; ainsi, à l’Ascension, des masses de trachyte ordinaire sont divisées par des lignes terreuses fines, suivant lesquelles la roche se divise et qui séparent de minces couches à couleurs peu tranchées. En outre, la plupart des cristaux empâtés de feldspath vitreux sont alignés suivant cette même direction. M.P. Scrope a décrit un trachyte colonnaire remarquable des îles Ponza, qui paraît avoir été injecté dans une masse surincombante de conglomérat trachytique ; il est rayé de zones souvent extrêmement fines se distinguant par la texture et la couleur ; les zones les plus dures et les plus foncées paraissent contenir une plus grande proportion de silice. Dans une autre partie de l’île, il existe des couches de perlite et de rétinite ressemblant, sous beaucoup de rapports, à celles de l’Ascension. Dans le trachyte colonnaire, les zones sont ordinairement contournées ; elles s’étendent sans interruption sur une grande longueur, suivant une direction verticale paraissant être parallèle aux faces latérales de la masse qui affecte la forme d’un dike. Von Buch a décrit à Ténérife une coulée de lave contenant d’innombrables cristaux de feldspath minces et tabulaires, disposés comme des fils blancs, l’un derrière l’autre, et orientés pour la plupart suivant une même direction. Dolomieu constate aussi que les laves grises du cône moderne de Vulcano, dont la texture est vitreuse, sont rayées de lignes blanches parallèles ; il décrit ensuite une roche ponceuse résistante à structure fissile comme celle de certains schistes micacés. Le phonolite, qui, comme on le sait, est souvent, sinon toujours, une roche d’injection, a fréquemment aussi une structure fissile ; cette structure est due généralement à l’orientation parallèle des cristaux de feldspath empâtés, mais semble parfois à peu près indépendante de leur présence, comme on l’observe à Fernando Noronha. Ces faits nous montrent que des roches feldspathiques de diverses espèces présentent soit une structure lamellaire, soit une structure fissile, et que ces structures s’observent sur des masses injectées dans des strates surincombantes, et sur d’autres masses qui ont coulé comme des laves.

Les feuillets des bancs qui alternent avec l’obsidienne à l’Ascension plongent, suivant un angle très prononcé, sous la montagne au pied de laquelle les bancs se trouvent, et ils ne semblent pas devoir cette inclinaison à un mouvement violent. Au Mexique, au Pérou et dans certaines des îles italiennes, ces bancs offrent habituellement une forte inclinaison ; en Hongrie, au contraire, les couches sont horizontales. En outre, si je comprends bien la description qui en a été donnée, les lamelles d’un certain nombre des coulées de lave citées plus haut semblent être fortement inclinées ou verticales. Je doute qu’en aucun de ces cas les feuillets aient été amenés à leur position actuelle postérieurement à leur formation, et dans certains exemples, comme dans celui du trachyte décrit par M. Scrope, il est presque certain qu’ils ont été formés originairement dans une position fortement inclinée. Dans plusieurs de ces cas, il est évident que la masse de roche liquéfiée s’est déplacée suivant la direction des lamelles. À l’Ascension, plusieurs des vacuoles paraissent étirées et sont traversées par des fibres grossières semi-vitreuses dirigées dans le sens des lamelles, et certaines couches qui séparent les globules sphéruliliques ont un aspect scoriacé qui paraît dû au frottement que les globules leur ont fait subir. J’ai vu dans la collection de M. Stokes un spécimen d’obsidienne zonée du Mexique, dans lequel les surfaces des couches les plus nettement définies étaient striées ou sillonnées de lignes parallèles, et ces lignes ou stries ressemblaient exactement à celles qui se produisent à la surface d’une masse de verre artificiel en fusion quand on le répand du vase qui le renferme. Humboldt aussi a décrit de petites cavités, qu’il compare à la queue des comètes et qui s’étalent derrière des sphérulites dans des obsidiennes lamellaires du Mexique ; et M. Scrope a décrit d’autres cavités à la partie postérieure de fragments empâtés dans un trachyte lamellaire ; il croit qu’elles se sont formées pendant que la masse était en mouvement. D’après ces faits, plusieurs auteurs ont attribué la lamellation de ces roches volcaniques au mouvement qu’elles ont subi quand elles étaient à l’état liquide. Quoiqu’il soit facile de comprendre pourquoi chaque vacuole, ou chaque fibre de pierre ponce, doit être étirée dans le sens du mouvement de la masse, on ne voit nullement pour quelle raison le mouvement aurait disposé ces vacuoles et ces fibres dans les mêmes plans, et en lames absolument droites et parallèles entre elles qui sont souvent d’une finesse extrême ; et l’on voit encore beaucoup moins pour quelle cause ces couches arrivent à présenter une composition presque semblable avec une structure différente.

Pour chercher à établir la cause qui a déterminé la lamellation de ces roches feldspathiques ignées, rappelons les faits décrits d’une manière si détaillée à l’Ascension. Nous voyons qu’un certain nombre des couches les plus minces sont constituées, en très grande partie, par de nombreux cristaux excessivement petits, quoique parfaits, de divers minéraux ; que d’autres couches sont formées par la réunion de globules concrétionnés de différentes espèces, et que souvent on ne saurait distinguer les couches ainsi constituées des couches feldspathiques ordinaires et des couches de rétinite, dont la masse totale est constituée en grande partie. À en juger par plusieurs cas semblables, la structure fibro-radiée des sphérulites paraît allier la tendance à la concrétion avec la tendance à la cristallisation ; en outre, les cristaux isolés de feldspath sont tous disposés dans les mêmes plans parallèles. Ces forces en se combinant ont joué, par conséquent, un rôle important dans la lamellation de la masse, mais elles ne sauraient être considérées comme la force primordiale ; car les nodules des différentes espèces, les petits aussi bien que les plus grands, sont striés intérieurement par des zones nuancées excessivement fines, parallèles à la lamellation de la masse totale ; et un grand nombre d’entre eux portent aussi à la surface des sillons et des crêtes parallèles dirigés dans cette même direction, et qui n’ont pas été produits par décomposition.

On peut voir distinctement que quelques-unes des stries colorées les plus fines des couches lithoïdes alternant avec l’obsidienne sont dues à un commencement de cristallisation des minéraux constitutifs. On peut aussi constater avec certitude que le degré de cristallisation atteint par les minéraux est en rapport avec la dimension plus ou moins grande, et avec le nombre des fissures ou des petites vacuoles aplaties et échancrées. Des faits nombreux prouvent que la cristallisation est considérablement facilitée quand elle peut s’opérer dans un espace libre, comme le montrent les géodes, et les cavités du bois silicifié, des roches primaires et des filons. J’en conclus que si, pendant le refroidissement d’une masse rocheuse volcanique, une cause quelconque vient à provoquer la formation d’un certain nombre de petites fissures, ou de zones de moindre tension (qui pourront souvent se transformer par dilatation en vacuoles à contours irréguliers sous l’action des vapeurs comprimées), la cristallisation des parties constitutives et probablement la formation de concrétions s’opérera dans ces zones ou y sera notablement facilitée. Il se produira ainsi une structure lamellaire du genre de celle que nous étudions en ce moment.

Pour expliquer la formation des zones parallèles de moindre tension dans les roches volcaniques durant leur consolidation, nous devons admettre l’intervention d’une cause encore indéterminée ; tel est le cas pour les couches minces alternantes d’obsidienne et de ponces décrites par de Humboldt, et pour les petites vacuoles aplaties et irrégulières qu’on observe dans les roches lamellaires de l’Ascension ; car nous ne pouvons concevoir autrement pour quelle raison les vapeurs contenues dans la masse formeraient par leur expansion des vacuoles ou des fibres disposées en plans séparés parallèles, au lieu de se répandre irrégulièrement dans la roche tout entière. J’ai vu dans la collection de M. Stokes un bel exemple de cette structure dans un spécimen d’obsidienne du Mexique, nuancé et zoné comme la plus belle agate, de nombreuses couches droites et parallèles, plus ou moins blanches et opaques ou presque parfaitement vitreuses ; le degré d’opacité et de vitrification dépendant de l’abondance plus ou moins grande de vacuoles aplaties microscopiques. Dans cet exemple il semble certain que la masse à laquelle appartenait le fragment a été soumise à quelque action, vraisemblablement prolongée, qui a déterminé une légère différence de tension entre les plans successifs.

Plusieurs causes paraissent pouvoir provoquer la formation de zones d’inégale tension dans des masses à demi liquéfiées par la chaleur. J’ai observé dans un fragment de verre dévitrifié des couches de sphérulites qui, d’après la manière dont elles étaient brusquement recourbées, semblaient formées par une simple contraction de la masse dans le vase où elle s’était refroidie. Pour certains dikes de l’Etna décrits par M. Élie de Beaumont, et qui sont bordés par des bandes alternantes de roches scoriacée et compacte, on est conduit à supposer que l’étirement des couches environnantes qui a provoqué la formation des fissures s’est continué pendant que la roche injectée demeurait fluide. Cependant, si on se laisse guider par la description si lucide donnée par le professeur Forbes de la structure zonaire de la glace des glaciers, on arrive à admettre que l’interprétation la plus vraisemblable de la structure lamellaire de ces roches feldspathiques doit être cherchée dans l’étirement qu’elles ont subi lorsqu’elles s’écoulaient lentement suivant la pente alors qu’elles étaient encore à l’état pâteux, exactement comme la glace des glaciers en mouvement s’étend et se fissure. Dans les deux cas on peut comparer les zones à celles des plus fines agates ; elles s’étendent toujours dans la direction suivant laquelle la masse a coulé, et celles qui sont visibles à la surface sont généralement verticales. Dans la glace les lames poreuses sont rendues distinctes par la congélation subséquente d’eau infiltrée, et dans les laves feldspathiques lithoïdes par l’intervention postérieure des actions cristalline et concrétionnaire. Le fragment d’obsidienne vitreuse de la collection de M. Stokes et qui est zoné de petites vacuoles, doit ressembler d’une manière frappante à un fragment de glace zonaire si on en juge d’après la description du professeur Forbes. Si le mode de refroidissement et la nature de la masse avaient favorisé sa cristallisation, ou le concrétionnement, nous aurions pu constater dans l’échantillon dont il s’agit, de belles zones parallèles différenciées par leur texture et leur composition. Dans les glaciers les zones de glace poreuse et de petites fissures paraissent dues à un commencement d’étirement provoqué par le fait que les parties centrales du glacier progressent plus rapidement que les parties latérales et que le fond, dont la marche est retardée par le frottement. C’est pour cette raison que les zones deviennent horizontales dans certains glaciers d’une forme déterminée, et à l’extrémité inférieure de presque tous les glaciers. On pourrait se demander si les laves feldspathiques à lamelles horizontales ne nous offrent pas un cas analogue. Tous les géologues qui ont étudié des régions trachytiques sont arrivés à conclure que les laves de cette série n’ont été qu’imparfaitement fluides. Il est évident, en outre, que les matières qui ont eu une faible fluidité sont les seules qui puissent se fissurer et où les différences de tension puissent provoquer la disposition zonaire, comme nous l’admettons ici. C’est peut-être pour cette raison que les laves augitiques, qui semblent généralement avoir joui d’un haut degré de fluidité, ne sont pas divisées en lames de composition et de texture différentes, comme les laves feldspathiques. En outre, dans la série augitique, il ne paraît jamais exister de tendance à l’action concrétionnaire qui joue, comme nous l’avons vu, un rôle important dans la structure lamellaire des roches de la série trachytique, ou qui, tout au moins, contribue à rendre cette structure apparente.

Quelle que soit l’opinion qu’on puisse avoir sur l’interprétation que je viens de donner ici de la structure lamellaire des roches trachytiques, je me permets d’attirer l’attention des géologues sur ce seul fait, qu’à l’île de l’Ascension, dans une masse rocheuse d’origine incontestablement volcanique, il s’est produit des couches souvent très minces, absolument droites et parallèles entre elles. Une partie de ces couches sont composées de cristaux isolés de quartz et de diopside, auxquels s’ajoutent des taches amorphes de nature augitique et des grains de feldspath. D’autres couches sont entièrement constituées par ces taches augitiques noires avec des granules d’oxyde de fer. Enfin, un certain nombre de couches sont formées de feldspath cristallin plus ou moins pur, associé à de nombreux cristaux de feldspath orientés dans le sens de leur longueur. Il y a des raisons de croire que, dans cette île, les lamelles ont été formées originairement dans la position fortement inclinée qu’elles occupent aujourd’hui, et ce fait est parfaitement établi pour d’autres roches analogues. Les faits de ce genre sont incontestablement importants quant à l’origine de la structure de cette grande série de roches plutoniques qui, de même que les roches volcaniques, ont été soumises à l’action de la chaleur, et qui sont formées de couches alternantes de quartz, de feldspath, de mica et d’autres minéraux.

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