CHAPITRE II FERNANDO NORONHA, TERCEIRA, TAHITI, MAURICE ROCHERS DE SAINT-PAUL

Fernando Noronha, colline escarpée de phonolite. – Terceira, roches trachytiques ; leur décomposition remarquable par l’action de la vapeur à haute température. – Tahiti, passage de la wacke au trapp : roche volcanique intéressante à vacuoles tapissées de mésotype. – Maurice, preuves de son émersion récente ; structure de ses plus anciennes montagnes ; analogie avec San Thiago. – Rochers de Saint-Paul. Ils ne sont pas d’origine volcanique, leur composition minéralogique singulière.

Fernando Noronha. – J’ai observé fort peu de choses dignes d’une description pendant notre courte visite à cette île et aux quatre îles suivantes. Fernando Noronha est située dans l’océan Atlantique, par 3°50’ lat. S., et à 230 milles de la côte de l’Amérique méridionale. Ce groupe est formé de divers îlots, ayant ensemble 9 milles de longueur sur 3 de largeur. Tout l’ensemble paraît être d’origine volcanique ; bien qu’il n’y ait de trace d’aucun cratère ni d’aucune éminence centrale. Le trait le plus remarquable de l’île est une colline haute de 1.000 pieds, dont la partie supérieure, comprenant 400 pieds, constitue un cône escarpé d’une forme étrange, composé de phonolite colonnaire contenant de nombreux cristaux de feldspath vitreux et quelques aiguilles de hornblende. Du point le plus élevé qu’il m’ait été possible d’atteindre sur cette colline, j’ai pu apercevoir, dans différentes parties du groupe, plusieurs autres collines coniques, qui sont probablement de la même nature.

Il y a à Sainte-Hélène de grandes masses protubérantes et coniques de phonolite, hautes d’environ 1.000 pieds, formées par l’injection de lave feldspathique fluide dans des couches qui ont cédé sous la pression. Si, comme tout le fait supposer, cette colline a une origine semblable, la dénudation doit s’être produite ici sur une très grande échelle. Près de la base de la colline, j’ai observé des lits de tuf blanc coupés par de nombreux dikes de basalte amygdaloïde ou de trachyte, et des lits de phonolite schisteux avec plans de feuilletage orientés N.-W. et S.-E. Certaines parties de cette roche, où les cristaux étaient rares, ressemblaient beaucoup à une ardoise ordinaire modifiée au contact d’un dike de trapp. Ce feuilletage de roches qui ont été incontestablement fluides me semble un sujet bien digne d’attention. Sur la plage il y avait de nombreux fragments de basalte compact, et à distance on voyait comme une façade à colonnes formées par cette roche.

Terceira dans les Açores. – La partie centrale de cette île est constituée par des montagnes irrégulièrement arrondies, assez peu élevées, formées de trachyte dont le caractère général se rapproche beaucoup de celui du trachyte de l’Ascension que nous décrirons plus loin. Cette formation est recouverte en bien des points, et suivant l’ordre de superposition ordinaire, par des coulées de lave basaltique, qui, près de la côte, constituent la surface du sol presque tout entière. On peut souvent suivre de l’œil la route que ces coulées ont parcourue à partir de leurs cratères. La ville d’Angra est dominée par une colline cratériforme (Mount Brazil), entièrement constituée par des couches minces d’un tuf à grain fin, rude au toucher et coloré en brun. Les couches supérieures paraissent recouvrir les coulées basaltiques sur lesquelles la ville est bâtie. Cette colline est presque identique, au point de vue de la structure et de la composition, à un grand nombre de collines cratériformes de l’archipel des Galapagos.

Action de la vapeur d’eau sur les roches trachytiques. – Dans la partie centrale de l’île, on observe en un point des vapeurs qui s’échappent constamment, en jets, du fond d’une petite dépression en forme de ravin sans issue, et qui est accolée à une chaîne de montagnes trachytiques. La vapeur est projetée de plusieurs fentes irrégulières ; elle est inodore, noircit rapidement le fer, et possède une température beaucoup trop élevée pour que la main puisse la supporter. Le trachyte compact est altéré d’une manière fort curieuse sur les bords de ces orifices : la base devient d’abord terreuse, avec des taches rouges dues évidemment à l’oxydation de particules de fer ; ensuite elle devient tendre, et enfin les cristaux de feldspath vitreux cèdent eux-mêmes à l’agent de décomposition. Lorsque toute la masse est transformée en argile, l’oxyde de fer semble entièrement éliminé de certaines parties de la roche qui sont parfaitement blanches, tandis qu’il paraît s’être déposé en grande quantité sur des parties voisines colorées d’un rouge éclatant ; d’autres masses sont marbrées de ces deux couleurs. Certains échantillons de cette argile blanche, maintenant desséchés, ne sauraient être distingués à l’œil nu de la craie lavée la plus fine ; et broyés sous la dent, ils présentent l’impression d’une finesse de grain uniforme ; les habitants se servent de cette substance pour badigeonner leurs maisons. La cause pour laquelle le fer a été dissous dans certaines parties de la roche et déposé à peu de distance de là, est obscure, mais le fait a été observé en plusieurs autres points. J’ai trouvé, dans des échantillons à moitié décomposés, de petits agrégats globulaires d’hyalite jaune, ressemblant à de la gomme arabique, et qui a été, sans aucun doute, déposée par la vapeur.

Comme il n’y a pas d’issue pour l’eau de pluie, qui ruisselle le long des parois de la cavité en forme de ravin d’où s’échappe la vapeur, toute la masse doit passer au travers des fissures qui sont au fond de cette cavité et s’infiltrer dans le sol. Quelques habitants m’ont rapporté que, d’après la tradition, des flammes (un phénomène lumineux ?) s’étaient échappées autrefois de ces fissures, et qu’aux flammes avaient succédé des émanations de vapeur ; mais il m’a été impossible d’obtenir des renseignements certains, quant à la date à laquelle ces faits se seraient produits, ni sur les faits eux-mêmes.

L’étude des lieux m’a conduit à supposer que l’injection d’une grande masse rocheuse semi-fluide, comme serait le cône de phonolite à Fernando Noronha, en soulevant en voûte la surface du sol, peut avoir déterminé la formation d’une cavité en forme de coin à fond crevassé, et que l’eau des pluies, pénétrant jusqu’au voisinage des masses à haute température, a été transformée en vapeur et expulsée sous cette forme pendant une longue suite d’années.

Tahiti (Otaheite). – Je n’ai visité qu’une partie de la région nord-ouest de cette île, elle est entièrement formée de roches volcaniques. Près de la côte on observe plusieurs variétés de basalte, dont les unes abondent en grands cristaux d’augite et en olivine altérée, et dont d’autres sont compactes et terreuses ; – quelques-unes sont légèrement vésiculaires, et d’autres parfois amygdaloïdes. Ces roches sont d’habitude fortement décomposées, et, à ma grande surprise, je remarquai que dans plusieurs coupes il était impossible de distinguer, même approximativement, la ligne de séparation entre la lave décomposée et les lits de tuf alternant avec elle. Depuis que les échantillons se sont desséchés, il est cependant plus facile de distinguer les roches ignées décomposées des tufs sédimentaires. Je pense que l’on peut expliquer cette transition de caractères entre des roches dont l’origine est aussi différente, par le fait que les parois des cavités vésiculaires, qui occupent une grande partie de la masse dans plusieurs roches volcaniques, ont cédé sous la pression, lorsqu’elles étaient ramollies par l’action de la chaleur. Comme le nombre et la dimension des vacuoles s’accroissent généralement dans les parties supérieures d’une coulée de lave, les effets de leur compression s’accroîtront en même temps. En outre, chaque vacuole située plus bas doit contribuer, en cédant sous la pression, à déranger toute la masse pâteuse qui la surmonte. Nous pouvons donc nous attendre à trouver une gradation complète depuis une roche cristalline non modifiée jusqu’à une roche dont toutes les particules (quoique faisant partie, à l’origine, d’une même masse solide) ont subi un déplacement mécanique ; et ces particules pourront être difficilement distinguées d’autres dont la composition est la même, mais qui ont été déposées comme matières sédimentaires. Puisque des laves sont quelquefois laminées à leur partie supérieure, on comprend que des lignes horizontales, rappelant celles des dépôts aqueux, ne peuvent pas dans tous les cas être envisagées comme une preuve d’origine sédimentaire. Si l’on tient compte de ces considérations, on ne sera pas surpris qu’autrefois beaucoup de géologues aient cru qu’il existait des transitions réelles réunissant les dépôts aqueux, en passant par la wacke, aux trapps ignés.

Dans la vallée de Tia-auru, les roches les plus fréquentes sont des basaltes riches en olivine, et parfois presque entièrement composés de grands cristaux d’augite. J’ai recueilli quelques spécimens contenant beaucoup de feldspath vitreux et dont le caractère se rapproche de celui du trachyte. On rencontre aussi un grand nombre de gros blocs de basalte scoriacé dont les cavités sont tapissées de chabasie ( ?) et de mésotype fibro-rayonné. Quelques-uns de ces spécimens offraient une apparence singulière, due à ce qu’une partie des vacuoles étaient à moitié remplies d’un minéral mésotypique blanc, tendre et terreux, qui gonflait sous le chalumeau d’une manière remarquable. Comme les surfaces supérieures, dans toutes les vacuoles à moitié remplies, sont exactement parallèles, il est évident que cette substance est descendue au fond de chaque vacuole sous l’action de son propre poids. Parfois cependant les vacuoles sont complètement remplies. D’autres vacuoles sont ou bien remplies, ou bien tapissées de petits cristaux qui paraissent être de la chabasie ; fréquemment aussi ces cristaux tapissent la moitié supérieure des vacuoles qui sont partiellement remplies par le minéral terreux, ainsi que la surface supérieure de cette dernière substance ; dans ce cas les deux minéraux semblent se fondre l’un dans l’autre. Je n’ai jamais vu une roche amygdaloïdale dont les vacuoles fussent à moitié remplies comme celles que nous venons de décrire ; il est difficile de découvrir la cause pour laquelle ce minéral terreux s’est déposé au fond des vacuoles sous l’influence de son propre poids, et pour quelle raison le minéral cristallin s’est déposé en enduit d’épaisseur uniforme sur les parois des vacuoles.

Sur les flancs de la vallée, les bancs basaltiques sont doucement inclinés vers la mer, et je n’ai observé nulle part qu’ils fussent dérangés de leur position normale ; ils sont séparés l’un de l’autre par des lits épais et compacts de conglomérats à fragments volumineux, quelquefois arrondis, mais généralement anguleux. Le caractère de ces bancs, l’état compact et la nature cristalline de la plupart des laves, ainsi que la nature des minéraux qui s’y sont formés par infiltration, me portent à croire que la coulée s’est étalée primitivement sous la mer. Cette conclusion s’accorde avec le fait que le Rév. W. Ellis a rencontré, à une altitude considérable, des restes d’organismes marins dans des couches qu’il croit interstratifiées avec des matières volcaniques. De plus, MM. Tyermann et Bennet ont signalé des faits semblables à Huaheine, autre île de cet archipel ; en outre, M. Stutchbury a découvert une couche de corail semi-fossile au sommet d’une des montagnes les plus élevées de Tahiti, à l’altitude de plusieurs milliers de pieds. Aucun de ces restes fossiles n’a été déterminé spécifiquement. J’ai vainement cherché la trace d’un soulèvement récent sur la côte, où les grandes masses coraliennes qui s’y trouvent en auraient fourni des preuves irréfutables. Je renvoie le lecteur à mon ouvrage sur la Structure et la Distribution des récifs coraliens, pour les citations des auteurs dont j’ai parlé et pour l’exposition détaillée des raisons qui m’empêchent de croire que Tahiti a subi un soulèvement récent.

Maurice. – Lorsqu’on approche de cette île du côté du N. ou du N.-W., on voit une chaîne recourbée de montagnes escarpées, surmontées de pics très abrupts, dont le pied surgit d’une zone unie de terrain cultivé, qui s’incline doucement jusqu’à la côte. La première impression qu’on éprouve est que la mer atteignait, à une époque peu reculée, le pied de ces montagnes, et après un examen attentif cette impression se confirme, au moins pour la partie inférieure de cette zone. Divers auteurs ont décrit des masses de roche corallienne soulevées sur la plus grande partie de la circonférence de l’île. Entre Tamarin Bay et Great Black River j’ai observé avec le capitaine Lloyd deux monticules de roche corallienne, dont la partie inférieure est formée de grès calcareux dur, et la partie supérieure, de grands blocs à peine agrégés, constitués par des Astrées, des Madrépores et des fragments de basalte ; ils étaient disposés en bancs plongeant vers la mer sous un angle qui dans un cas était de 8 et dans un autre de 18° ; ils semblaient avoir été exposés à l’action des vagues, et ils s’élevaient brusquement à la hauteur d’environ 20 pieds, d’une surface unie jonchée de débris organiques roulés. L’Officier du Roi a décrit dans son intéressant voyage autour de l’île, en 1768, des masses de roches coralliennes soulevées, conservant encore cette structure en forme de fossé (V. mon ouvrage sur les récifs coralliens, p. 54) caractéristique pour les récifs vivants. J’ai observé sur la côte, au nord de Port-Louis, que la lave était cachée, sur une distance considérable dans la direction du centre de l’île, par un conglomérat de coraux et de coquilles, semblables à ceux de la plage, mais cimentés par une matière ferrugineuse rouge. M. Bory de Saint-Vincent a décrit des lits calcareux semblables s’étendant sur la plaine de Pamplemousses presque tout entière. En retournant de grandes pierres qui gisaient dans le lit d’une rivière, à l’extrémité d’une crique abritée, près de Port-Louis et à quelques yards au-dessus du niveau des fortes marées, j’ai trouvé plusieurs coquilles de serpules encore adhérentes à la face inférieure de ces pierres.

Les montagnes dentelées voisines de Port-Louis s’élèvent à la hauteur de 2 à 3.000 pieds ; elles sont constituées par des couches de basalte, séparées les unes des autres, d’une manière peu nette, par des bancs de matières fragmentaires fortement agrégés, et elles sont coupées par quelques dikes verticaux. Ce basalte, généralement compact, abonde dans certaines parties en grands cristaux d’augite et d’olivine. L’intérieur de l’île est une plaine, élevée probablement d’environ 1.000 pieds au-dessus du niveau de la mer, et formée par des nappes de lave qui se sont répandues autour des montagnes basaltiques ravinées et ont comblé les vallées qui les séparent. Ces laves plus récentes sont également basaltiques, mais moins compactes, et un certain nombre d’entre elles abondent en feldspath au point qu’elles fondent en un verre de couleur pâle. Sur les bords de Great River on peut voir une coupe d’environ 500 pieds de hauteur, qui met à découvert de nombreuses nappes minces de lave basaltique séparées les unes des autres par des lits de scories. Ces laves paraissent d’origine subaérienne et semblent s’être écoulées de divers points d’éruption situés sur le plateau central, dont le plus important est, dit-on, le Piton du Milieu. Il y a aussi plusieurs cônes volcaniques qui sont probablement de cette même période moderne, répartis sur le pourtour de l’île, spécialement à l’extrémité septentrionale, où ils forment des îlots séparés.

L’ossature principale de l’île est formée par les montagnes de basalte plus compact et plus riche en cristaux. M. Bailly affirme que toutes ces montagnes « se développent autour d’elle comme une ceinture d’immenses remparts, toutes affectant une pente plus ou moins inclinée vers le rivage de la mer, tandis que, au contraire, vers le centre de l’île elles présentent une coupe abrupte et souvent taillée à pic. Toutes ces montagnes sont formées de couches parallèles inclinées du centre de l’île vers la mer ». Ces observations ont été discutées d’une manière générale par M. Quoy, dans le Voyage de Freycinet. J’ai constaté leur parfaite exactitude pour autant que les moyens d’observation insuffisants dont je disposais m’aient permis de le faire. Les montagnes que j’ai visitées dans le nord-ouest de l’île, notamment La Pouce, Peter Botts, Corps de Garde, Les Mamelles, et probablement une autre encore située plus au sud, offrent précisément la forme externe et la disposition des couches décrites par M. Bailly. Elles constituent le quart environ de sa ceinture de remparts. Quoique ces montagnes soient aujourd’hui isolées, et séparées les unes des autres par des brèches, dont la largeur atteint même plusieurs milles, au travers desquelles se sont répandus des déluges de lave partis de l’intérieur de l’île, pourtant en voyant les grandes analogies qu’elles présentent, on reste convaincu qu’elles ont fait partie, à l’origine, d’une seule masse continue. À en juger d’après la belle carte de l’île Maurice publiée par l’Amirauté d’après un manuscrit français, il existe à l’autre extrémité de l’île une chaîne de montagnes (M. Bambou) correspondant comme hauteur, position relative et forme extérieure, à celle que je viens de décrire. Il est douteux que la ceinture ait jamais été complète, mais on peut conclure avec certitude de ce qu’avance M. Bailly et de mes propres observations, qu’à une certaine époque des montagnes, formées de couches inclinées vers l’extérieur et présentant vers l’intérieur des flancs à pic, s’étendaient sur une grande partie de la circonférence de l’île. La ceinture semble avoir été ovale et de très grandes dimensions, car son petit axe, mesuré entre la partie interne des montagnes voisines de Port-Louis et celles des environs de Grand-Port, n’a pas moins de 13 milles géographiques de longueur. M. Bailly ne craint pas d’admettre que ce vaste golfe, comblé ultérieurement en grande partie par des coulées de lave modernes, a été formé par l’affaissement de toute la partie supérieure d’un grand volcan.

Il est singulier de voir sous combien de rapports concorde l’histoire géologique de ces parties des îles San Thiago et Maurice que j’ai visitées. Dans les deux îles la ligne des côtes est suivie par une chaîne courbe de montagnes présentant la même forme extérieure, la même stratification et la même composition (tout au moins en ce qui concerne les couches supérieures). Dans les deux cas ces montagnes semblent avoir fait partie, à l’origine, d’une masse continue. Si on compare la structure compacte et cristalline des couches de basalte qui les constituent avec celle des coulées basaltiques voisines, de formation subaérienne, on est conduit à admettre que les premières se sont étalées en nappes sur le fond de la mer et qu’elles ont été émergées ensuite. Nous pouvons supposer que les larges brèches entre les montagnes ont été, dans les deux cas, ouvertes par l’action des vagues, pendant leur soulèvement graduel, phénomène qui a continué à se produire encore à une période relativement récente, dans chacune de ces îles, ainsi que le montrent des preuves évidentes qu’on peut constater sur leurs rivages. Dans ces deux îles, de grandes coulées de laves basaltiques plus récentes, émises du centre de l’île, se sont étalées autour des anciennes collines basaltiques et ont comblé les vallées qui les séparaient ; en outre, des cônes d’éruptions récentes ont surgi sporadiquement sur le pourtour des deux îles ; enfin, pas plus à San Thiago qu’à Maurice on ne constate d’éruption durant la période historique. Comme on l’a fait remarquer dans le dernier chapitre, il est probable que ces anciennes montagnes basaltiques, qui ressemblent, à bien des égards, à la partie inférieure ruinée de deux énormes volcans, doivent leur forme actuelle, leur structure et leur position à l’action de causes semblables.

Rochers de Saint-Paul. – Cette petite île est située dans l’océan Atlantique, à 1° environ, au nord de l’Équateur, et à 540 milles de l’Amérique du Sud, par 29°15’ de longitude ouest. Son point culminant ne s’élève qu’à 50 pieds à peine au-dessus du niveau de la mer ; ses contours sont irréguliers, et sa circonférence entière ne mesure que trois quarts de mille. Cette petite pointe rocheuse s’élève à pic dans l’Océan ; et, sauf sur sa côte ouest, les sondages qu’on a opérés n’ont pas atteint le fond, même à la faible distance d’un quart de mille du rivage. Elle n’est pas d’origine volcanique, et à cause de ce fait, qui est le plus saillant de son histoire comme nous le verrons plus loin, il n’y aurait pas lieu d’en traiter dans cet ouvrage. Cette île est formée de roches qui diffèrent de toutes celles que j’ai rencontrées, et je ne saurais les caractériser par aucun nom ; je dois donc les décrire.

La variété la plus simple, et qui est aussi l’une des plus abondantes, est une roche très compacte, lourde, d’un noir verdâtre, à cassure anguleuse et irrégulière ; certaines arêtes sont assez dures pour rayer le verre, et la roche est infusible. Cette variété passe à d’autres d’un vert plus pâle, moins dures, mais dont la cassure est plus cristalline, translucides sur les bords et qui sont fusibles en un émail vert. Plusieurs variétés sont caractérisées principalement par le fait qu’elles contiennent d’innombrables filaments de serpentine vert sombre, et que leurs interstices sont remplis par une matière calcaire. Ces roches ont une structure concrétionnée peu visible, et sont remplies de pseudo-fragments anguleux de coloration variée. Ces pseudo-fragments anguleux sont formés par la roche vert sombre décrite en premier lieu, par une variété brune, plus tendre, de serpentine et par une roche jaunâtre, rude au toucher, et qui doit probablement être rapportée à une roche serpentineuse. Il y a encore dans l’île d’autres roches, tendres, vésiculaires et de nature calcaréo-ferrugineuse. On n’observe pas de stratification bien distincte, mais une partie des roches est imparfaitement laminaire, et tout l’ensemble est veiné par des filons de diverses dimensions et des masses ressemblant à des veines, dont quelques-unes, qui sont calcaires et renferment de petits fragments de coquilles, sont incontestablement d’origine postérieure aux autres.

Incrustation luisante. – Une grande partie de ces roches sont revêtues d’une substance polie et luisante, à éclat perlé, blanc-grisâtre ; cet enduit suit toutes les irrégularités de la surface à laquelle il adhère fortement. En examinant cette substance à la loupe, on reconnaît qu’elle est formée d’un grand nombre de couches excessivement minces, dont l’épaisseur totale atteint environ un dixième de pouce. Cette matière est beaucoup plus dure que le spath calcaire, mais elle peut être rayée au couteau. Au chalumeau elle s’exfolie, décrépite, noircit légèrement, émet une odeur fétide et devient fortement alcaline ; elle ne fait pas effervescence aux acides. Je suppose que cette substance a été déposée par l’eau qui filtre au travers des excréments d’oiseaux dont les rochers sont couverts. J’ai observé à l’île de l’Ascension des masses stalactitiques irrégulières paraissant être de la même nature, près d’une cavité de la roche qui était remplie d’une masse lamelleuse formée de fiente d’oiseaux amenée là par l’infiltration. Lorsqu’on les casse, ces masses offrent une texture terreuse, mais, à la partie externe et surtout à leur extrémité, elles sont formées d’une substance perlée, ordinairement disposée en petits globules, ressemblant à l’émail des dents, mais plus fortement translucide, et assez dure pour rayer le verre. Cette substance noircit légèrement au chalumeau, dégage une odeur désagréable, devient ensuite absolument blanche en se boursouflant un peu, et fond en un émail blanc terne ; elle ne devient pas alcaline et ne fait pas effervescence aux acides. Toute la masse offre un aspect ridé, comme si elle s’était fortement contractée lors de la formation de la croûte dure et luisante. Aux îles Abrolhos sur la côte du Brésil, où le guano abonde, j’ai trouvé, en grande quantité, une substance brune, arborescente, adhérant à une roche trappéenne. Cette substance ressemble beaucoup, sous sa forme arborescente, à quelques-unes des variétés ramifiées de Nullipores. Elle présente, au chalumeau, les mêmes caractères que les spécimens provenant de l’Ascension ; mais elle est moins dure et moins brillante, et sa surface n’a pas l’aspect ridé.

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