I.

Un soir que je rêvais dans ma chambre, déserte

Depuis sa mort,

Un oisillon s’en vint de la fenêtre ouverte

Raser le bord.

Il s’en vint, secouant du bec sa robe grise ;

Et sans effroi,

Sans façon, je le vis, à ma grande surprise,

Entrer chez moi.

C’était un rouge-gorge, un charmant rouge-gorge !

Comme à foison,

Le froid, ce vieux brigand des forêts, en égorge

Chaque saison.

« Tu viens mal à propos, lui dis-je, mais n’importe,

Cher étranger,

Je souffre trop pour voir souffrir. Tiens, je t’apporte

De quoi manger.

« Aimes-tu le maïs ?…Non. Préfères-tu l’orge

Ou bien le mil ?

Que peut-on vous servir, monsieur le rouge-gorge,

Que vous faut-il ? »

Mais lui, de tous côtés promenant son bec rose

D’un air coquet,

Souriait sans répondre et cherchait quelque chose

Qui lui manquait :

Puis, comme il me trouvait par trop mélancolique,

Le polisson

Se mit à fredonner un morceau de musique

De sa façon.