Lorsque les navigateurs éthéréens, guidés par Cosmaël, abordèrent à Lessur, leur étonnement fut au comble. Ils sortaient du vide de l’éther, dont le fond est d’un noir transparent, et commençaient à nager dans l’air atmosphérique qui enveloppe Lessur. Ils se hâtent de laisser arriver cet air nouveau et pur dans l’intérieur des abares pour respirer à pleine poitrine. Aussitôt, leur odorat est délicieusement affecté par l’impression d’une molle senteur. Ils prirent terre, délectés et ravis, et ne s’habituèrent peu à peu à ces odeurs que pour en humer plus voluptueusement les nuances, différentes selon la brise qui agite les ondes de cet air embaumé.
À Lessur, l’aquilon et le zéphir ont des parfums divers ; mais rien n’égale les sensations de suave félicité où vous jettent quelquefois les odeurs enchantées et caressantes des brises du soir ou du crépuscule incomplet de ces mondes. Ces brises presque toujours provoquent une placide ivresse et appellent un sommeil plein d’une délectable quiétude.
Cette atmosphère odorante, cet air qui couvre la surface de Lessur, au lieu de colorer le ciel en bleu comme dans Star ou Tassul, teint en jaune doré ses transparentes profondeurs, et sa limpidité même n’est ternie que rarement par des nuages d’un blanc d’argent.
Imaginez sous ce ciel chaleureux une terre perpétuellement parée d’une végétation, d’une verdure souvent bleuâtre, mais aussi cachée le plus souvent sous des fleurs odorantes, sous d’innombrables fleurs, toutes de couleurs éclatantes, toutes exhalant des parfums d’un ton variable. Ces fleurs petites aux herbes sont démesurément puissantes aux arbres. Si Tassul était le pays des oiseaux, Lessur, aux yeux des Stariens, fut celui des fleurs et par-dessus tout la terre enchanteresse des doux parfums.
En traversant ce ciel doré, les soleils avaient un éclat plus chaud et plus ardent. Star, plus éloignée de ce satellite, ne surplombait plus de sa masse circulaire la moitié du ciel comme dans Tassul ; mais son disque encore puissant rappelait mélancoliquement aux Stariens les souvenirs traditionnels de la mère patrie.
Avançons au milieu de cette verdure et de ces fleurs, éclairés par ce ciel doré, et respirant cet air nuancé de parfums selon la direction des brises. Avançons, car nous voulons faire connaissance avec la race humaine du satellite, et nous venons d’apercevoir dans ces campagnes des hommes de Lessur assis sous des ombrages fleuris.