Mais, nous l’avons dit : les Stariens ne purent faire connaissance avec les mystères de ce monde transparent que par degrés et après y avoir été initiés par une longue étude et beaucoup d’attention. Les indigènes, accoutumés à sonder de leurs regards les profondeurs de l’espace et la masse solide du globe, distinguaient merveilleusement, soit à l’œil nu, soit avec des lunettes, tous les phénomènes intérieurs ou extérieurs qui s’accomplissent au sein de la terre ou à sa surface, dans le règne minéral ou au milieu de la nature organique.
Dans cet ensemble formé d’êtres et d’objets variés à l’infini et tous d’une transparence parfaite, c’est la différence de densité des corps qui pour l’œil habile des Éliériens dessine les surfaces. Avec une extrême habitude, ils savent saisir d’un coup d’œil les formes de chaque chose, et ces formes, elles-mêmes pénétrables, n’empêchent nullement leurs regards d’embrasser à travers les surfaces, à travers les formes les plus proches, celles des corps que les premiers viendraient masquer si ceux-ci étaient opaques. Ainsi, l’habitant d’Élier, qui du haut d’une montagne porte au-dessous de lui ses yeux explorateurs, aperçoit d’abord à la surface du sol des forêts étalant par touffes épaisses une couche de végétation diaphane, et, tout en disséquant de l’œil chaque arbre et chaque brin de mousse, il ne lui est pas moins facile d’étudier tout aussi distinctement les couches superficielles et profondes de ce point de la terre jusqu’au centre ; et ses regards même, traversant l’épaisseur totale d’Élier, peuvent, au moyen d’un télescope, examiner les édifices d’une ville située aux antipodes, si toutefois ils ne sont pas forcés de se baisser devant les rayons d’un soleil flamboyant au nadir.