Note F, p. 210-236.

J’ai à justifier la chronologie que j’ai adoptée dans ce récit. A mon sens, Yousof arriva pour la seconde fois en Espagne dans le printemps de l’année 483 de l’Hégire, 1090 de notre ère, trois ans et demi après la bataille de Zallâca, assiégea Alédo pendant l’été, et s’empara de Grenade en novembre. Cependant Abou-’l-Haddjâdj Baiyâsî (cité par Ibn-Khallicân dans son article sur Yousof), l’auteur du Cartâs et celui du Holal donnent une autre chronologie; ils supposent que Yousof arriva pour la seconde fois en Espagne dans l’année 481 (1088) et qu’il assiégea Alédo[301] dans cette année-là; que dans l’automne il retourna en Afrique; qu’il revint en Espagne pour la troisième fois l’année 483 (1090), et qu’alors il s’empara de Grenade[302].

Contre cette manière de voir je dois observer, d’abord que les auteurs qui l’ont adoptée ne sont pas fort anciens (Abou-’l-Haddjâdj Baiyâsî écrivait au XIIIe siècle, et le Cartâs est du siècle suivant, de même que le Holal); ensuite qu’ils sont loin d’être toujours exacts[303], et enfin qu’ils ne sont pas d’accord entre eux quand il s’agit de signaler les mois. Ainsi l’auteur du Cartâs affirme que Yousof arriva pour la seconde fois en Espagne dans le mois de Rebî Ier 481 (juin 1088), tandis que Baiyâsî dit qu’il y arriva dans le mois de Redjeb, c’est-à-dire en septembre ou en octobre.

D’un autre côté, les auteurs les plus anciens et les plus dignes de foi, ceux du XIIe siècle, sont d’accord pour placer le siège d’Alédo et la prise de Grenade dans la même année, c’est-à-dire dans l’année 483 (1090). Ibn-Câsim de Silves, par exemple, qui a écrit une histoire très-estimée de Motamid[304], histoire dont Ibn-al-Abbâr nous a conservé des fragments, dit formellement qu’Alédo fut assiégé par Yousof et les princes andalous dans l’année 483[305]. Mohammed ibn-Ibrâhîm[306] atteste que, lorsque Yousof fut arrivé en Espagne pour la seconde fois, il assiégea Alédo et s’empara de Grenade. Ibn-al-Cardebous, dans son Kitâb al-ictifâ [307], dit la même chose, et il ajoute[308] que, lorsque Yousof vint pour la troisième fois en Espagne, on était dans l’année 490 (1097). A ces témoignages, très-respectables à coup sûr, nous pourrions ajouter celui d’Ibn-al-Athîr[309]; seulement cet historien, qui écrivait à Mosoul, et qui, par conséquent, n’était pas toujours bien informé de l’histoire d’Espagne, se trompe quand il dit que le siége d’Alédo et la prise de Grenade eurent lieu un an après la bataille de Zallâca, c’est-à-dire en 480 (1087).

Quant à la date précise de la prise de Grenade, l’historien Ibn-aç-Çairafî, cité par Ibn-al-Khatîb[310], dit que cet événement eut lieu le dimanche 14 Redjeb de l’année 483. Cette date soulève deux objections: d’abord le 14 Redjeb (26 août) tombait, non un dimanche, mais un jeudi; en second lieu, il est impossible que Yousof se soit emparé de Grenade dès le mois d’août, car, arrivé en Espagne au printemps, il assiégea Alédo pendant quatre mois[311] et jusqu’à l’approche de l’hiver, comme l’assure l’auteur du Cartâs. A la place de: dimanche 14 Redjeb, je crois donc devoir lire: dimanche 14 Ramadhân, c’est-à-dire 10 novembre. Le 14 Ramadhân tombait réellement un dimanche dans l’année 483, et ces deux mois se confondent assez souvent. Plusieurs auteurs, par exemple, disent que la bataille de Zallâca eut lieu dans le mois de Ramadhân 479, tandis qu’elle se livra dans le mois de Redjeb. Il se pourrait que dans ce temps-là on se soit parfois servi d’abbréviations pour indiquer les mois, et dans ce cas, les mois de Redjeb et de Ramadhân, qui ont la même initiale, pouvaient aisément se confondre. Rien, du reste, ne s’oppose au changement que j’ai proposé. Baiyâsî et l’auteur du Cartâs disent que Yousof se rembarqua avant la fin de Ramadhân, c’est-à-dire avant le 26 novembre. Or, dans l’espace de seize jours, il pouvait facilement recevoir la visite des princes andalous et faire le voyage de Grenade à Algéziras.

 

 

FIN DES NOTES DU QUATRIÈME ET DERNIER VOLUME.

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