Les chroniques latines, si l’on en excepte le Chronicon Lusitanum (Esp. sagr., t. XIV, p. 418, 419), n’entrent dans aucun détail sur la bataille de Zallâca, et parmi les chroniques arabes, qui en parlent fort au long[299], il y en a peu qui méritent une confiance entière. Quelques-unes se trompent même dans la date. La date véritable, vendredi 12 Redjeb 479, se trouve dans le Holal (Abbad., t. II, p. 197) et dans le Cartâs (p. 98), où on lit que ce jour répond au 23 octobre (1086), ce qui est vrai (comparez Annales Complut., p. 314, 315); mais d’autres auteurs se trompent, non-seulement dans le mois (car ils nomment Ramadhân au lieu de Redjeb), mais encore dans l’année. Abd-al-wâhid (p. 93, 94), par exemple, nomme l’année 480, et Ibn-al-Cardebous (Abbad., t. II, p. 23) l’année 481. C’est un phénomène bien singulier, attendu qu’il s’agit d’une bataille très-célèbre et qu’en Andalousie on disait l’année de Zallâca au lieu dire l’année 479[300]; mais le fait est qu’aucune des chroniques qui nous restent n’a été composée par un contemporain; elles sont du XIVe, du XIIIe, ou tout au plus du XIIe siècle; elles méritent donc peu de confiance. Joignez-y qu’à l’époque où elles s’écrivaient, les rhéteurs s’amusaient à fabriquer des lettres qu’ils supposaient écrites par des personnages historiques. Ce fait ne saurait être révoqué en doute; il en existe des preuves frappantes. L’auteur du Holal, par exemple, donne la lettre que Motamid écrivit à son fils Rachîd dans la soirée après la bataille. Elle n’est que de deux lignes (voyez Abbad., t. II, p. 199); mais l’auteur du Raudh al-mitâr (ibid., t. II, p. 248) la donne aussi, et chez lui elle est différente. Une troisième, enfin, se trouve chez Ibn-al-Khatîb (ibid., t. II, p. 176), et celle-là n’a pas moins de quinze lignes. Or, il faut nécessairement que deux de ces épîtres soient de fabrique moderne; peut-être le sont-elles toutes les trois. La prudence commande donc de se tenir en garde contre les pièces soi-disant officielles que présentent ces chroniques; aussi dois-je avouer que je doute de l’authenticité de la plupart des lettres que donne le Holal, et que le bulletin où Yousof raconte la bataille de Zallâca et qui se trouve dans le Cartâs, me paraît fort suspect.