Jusqu’ici, nous n’avons étudié la division du travail que comme un phénomène normal ; mais, comme tous les faits sociaux et, plus généralement, comme tous les faits biologiques, elle présente des formes pathologiques qu’il est nécessaire d’analyser. Si, normalement, la division du travail produit la solidarité sociale, il arrive cependant qu’elle a des résultats tout différents ou même opposés. Or il importe de rechercher ce qui la fait ainsi dévier de sa direction naturelle ; car, tant qu’il n’est pas établi que ces cas sont exceptionnels, la division du travail pourrait être soupçonnée de les impliquer logiquement. D’ailleurs, l’étude des formes déviées nous permettra de mieux déterminer les conditions d’existence de l’état normal. Quand nous connaîtrons les circonstances dans lesquelles la division du travail cesse d’engendrer la solidarité, nous saurons mieux ce qui est nécessaire pour qu’elle ait tout son effet. La pathologie, ici comme ailleurs, est un précieux auxiliaire de la physiologie.
On pourrait être tenté de ranger parmi les formes irrégulières de la division du travail la profession du criminel et les autres professions nuisibles. Elles sont la négation même de la solidarité, et pourtant elles sont constituées par autant d’activités spéciales. Mais, à parler exactement, il n’y a pas ici division du travail, mais différenciation pure et simple, et les deux termes demandent à n’être pas confondus. C’est ainsi que le cancer, les tubercules accroissent la diversité des tissus organiques sans qu’il soit possible d’y voir une spécialisation nouvelle des fonctions biologiques
Nous ramènerons à trois types les formes exceptionnelles du phénomène que nous étudions. Ce n’est pas qu’il ne puisse y en avoir d’autres ; mais celles dont nous allons parler sont les plus générales et les plus graves.