I

Un premier cas de ce genre nous est fourni par les crises industrielles ou commerciales, par les faillites qui sont autant de ruptures partielles de la solidarité organique ; elles témoignent en effet que, sur certains points de l’organisme, certaines fonctions sociales ne sont pas ajustées les unes aux autres. Or, à mesure que le travail se divise davantage, ces phénomènes semblent devenir plus fréquents, au moins dans certains cas. De 1845 à 1869, les faillites ont augmenté en France de 70%

L’antagonisme du travail et du capital est un autre exemple, plus frappant, du même phénomène. À mesure que les fonctions industrielles se spécialisent davantage, la lutte devient plus vive, bien loin que la solidarité augmente. Au moyen âge, l’ouvrier vit partout à côté de son maître, partageant ses travaux « dans la même boutique, sur le même établi »

Nous verrons, il est vrai, dans le chapitre suivant que cette tension des rapports sociaux est due en partie à ce que les classes ouvrières ne veulent pas vraiment la condition qui leur est faite, mais ne l’acceptent trop souvent que contraintes et forcées, n’ayant pas les moyens d’en conquérir d’autres. Cependant, cette contrainte ne saurait à elle seule rendre compte du phénomène. En effet, elle ne pèse pas moins lourdement sur tous les déshérités de la fortune d’une manière générale, et pourtant cet état d’hostilité permanente est tout à fait particulier au monde industriel. Ensuite, à l’intérieur de ce monde, elle est la même pour tous les travailleurs indistinctement. Or, la petite industrie, où le travail est moins divisé, donne le spectacle d’une harmonie relative entre le patron et l’ouvrier

On a souvent signalé dans l’histoire des sciences une autre illustration du même phénomène. Jusqu’à des temps assez récents, la science, n’étant pas très divisée, pouvait être cultivée presque tout entière par un seul et même esprit. Aussi avait-on un sentiment très vif de son unité. Les vérités particulières qui la composaient n’étaient ni si nombreuses, ni si hétérogènes qu’on ne vît facilement le lien qui les unissait en un seul et même système. Les méthodes, étant elles-mêmes très générales, différaient peu les unes des autres, et l’on pouvait apercevoir le tronc commun à partir duquel elles divergeaient insensiblement. Mais, à mesure que la spécialisation s’est introduite dans le travail scientifique, chaque savant s’est de plus en plus renfermé, non seulement dans une science particulière, mais dans un ordre spécial de problèmes. Déjà A. Comte se plaignait que, de son, temps, il y eût dans le monde savant « bien peu d’intelligences embrassant dans leurs conceptions l’ensemble même d’une science unique, qui n’est cependant à son tour qu’une partie d’un grand tout. La plupart, disait-il, se bornent déjà entièrement à la considération isolée d’une section plus ou moins étendue d’une science déterminée, sans s’occuper beaucoup de la relation de ces travaux particuliers avec le système général des connaissances positives

V. Block, Statistique de la France. Levasseur, Les Classes ouvrières en France jusqu’à la révolution, II, 315. Ibid., I, 496. Ibid. Ibid., I, 504. Hubert Valleroux, Les Corporations d’arts et de métiers, p. 49 Levasseur, II, 315. Levasseur, II, 319. V. Cauvés, Précis d’économie politique, II, 39. Cours de philosophie positive, I, 27. Bau und Leben des socialen Koerpers, IV, 113.

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