II
Il nous faut maintenant déterminer la place de l’homme dans le système des choses religieuses.
Nous sommes enclins, par tout un ensemble d’habitudes acquises et par la force même du langage, à concevoir l’homme du commun, le simple fidèle comme un être essentiellement profane. Il pourrait bien se faire que cette conception ne fût vraie à la lettre d’aucune religion
En effet, il en porte le nom ; or l’identité du nom passe alors pour impliquer une identité de nature. La première n’est pas simplement considérée comme l’indice extérieur de la seconde ; elle la suppose logiquement. Car le nom, pour le primitif, n’est pas seulement un mot, une combinaison de sons ; c’est quelque chose de l’être, et même quelque chose d’essentiel. Un membre du clan du Kangourou s’appelle lui-même un kangourou ; il est donc, en un sens, un animal de cette même espèce. « Un homme, disent Spencer et Gillen, regarde l’être qui lui sert de totem comme étant la même chose que lui-même. Un indigène, avec qui nous discutions la question, nous répondit en nous montrant une photographie que nous venions de prendre de lui : « Voilà qui est exactement la même chose que moi. Eh bien ! il en est de même du kangourou. » Le kangourou était son totem
Pour donner un semblant d’intelligibilité à cette dualité, si étrange pour nous, le primitif a conçu des mythes qui, sans doute, n’expliquent rien et ne font que déplacer la difficulté, mais qui, en la déplaçant, paraissent du moins en atténuer le scandale logique. Avec des variantes dans le détail, ils sont tous construits sur le même plan : ils ont pour objet d’établir entre l’homme et l’animal totémique des rapports généalogiques qui fassent du premier le parent du second. Par cette communauté d’origine, que l’on se représente, d’ailleurs, de manières différentes, on croit rendre compte de leur communauté de nature. Les Narrinyeri, par exemple, ont imaginé que, parmi les premiers hommes, certains avaient le pouvoir de se transformer en bêtes
Il existe, il est vrai, des sociétés (Haida, Tlinkit, Tsimshian) où il n’est plus admis que l’homme soit né d’un animal ou d’une plante : l’idée d’une affinité entre les animaux de l’espèce totémique et les membres du clan y a, pourtant, survécu, et elle s’exprime en des mythes qui, pour différer des précédents, ne laissent pas de les rappeler dans ce qu’ils ont d’essentiel. Voici, en effet, l’un des thèmes fondamentaux. L’ancêtre éponyme y est présenté comme un être humain, mais qui, à la suite de péripéties diverses, aurait été amené à vivre pendant un temps plus ou moins long au milieu d’animaux fabuleux de l’espèce même qui a donné son nom au clan. Par suite de ce commerce intime et prolongé, il devint tellement semblable à ses nouveaux compagnons que, quand il revint parmi les hommes, ceux-ci ne le reconnurent plus. On lui donna donc le nom de l’animal auquel il ressemblait. C’est de son séjour dans ce pays mythique qu’il aurait rapporté l’emblème totémique avec les pouvoirs et les vertus qui passent pour y être attachés
Il a donc, lui aussi, quelque chose de sacré. Diffus dans tout l’organisme, ce caractère est plus particulièrement apparent sur certains points privilégiés. Il y a des organes et des tissus qui en sont spécialement marqués : ce sont surtout le sang et les cheveux.
Le sang humain, tout d’abord, est chose si sainte que, dans les tribus de l’Australie centrale, il sert très souvent à consacrer les instruments les plus respectés du culte. Le nurtunja, par exemple, est, dans certains cas, religieusement oint, de haut en bas, avec du sang d’homme
La chevelure a des propriétés analogues. Les indigènes du centre portent des ceintures, faites de cheveux humains, dont nous avons déjà signalé les fonctions religieuses : elles servent de bandelettes pour envelopper certains objets du culte
Pour la même raison, aussitôt qu’un homme est mort, on lui coupe les cheveux, on les dépose dans un endroit écarté, car ni les femmes ni les non-initiés n’ont le droit de les voir ; et c’est là, loin des yeux profanes, que l’on procède à la confection des ceintures
On pourrait signaler d’autres tissus organiques qui, à des degrés divers, manifestent des propriétés analogues : tels sont les favoris, le prépuce, la graisse du foie, etc.
Toutefois, la dignité religieuse qui, à ce titre, est inhérente à chaque membre du clan n’est pas égale chez tous. Les hommes la possèdent à un plus haut degré que les femmes ; par rapport à eux, elles sont comme des profanes
Il faut donc se garder de voir dans le totémisme une sorte de zoolâtrie. L’homme n’a nullement, vis-à-vis des animaux ou des plantes dont il porte le nom, l’attitude du fidèle vis-à-vis de son dieu, puisqu’il appartient lui-même au monde sacré. Leurs rapports sont plutôt ceux de deux êtres qui sont sensiblement au même niveau et d’égale valeur. Tout au plus peut-on dire que, du moins dans certains cas, l’animal paraît occuper une place légèrement plus élevée dans la hiérarchie des choses sacrées. C’est ainsi qu’il est appelé quelquefois le père ou le grand-père des hommes du clan ; ce qui semble indiquer qu’ils se sentent vis-à-vis de lui dans un certain état de dépendance morale
L’homme paraît même parfois avoir sur son totem une sorte de droit mystique de propriété. L’interdiction de le tuer et de le manger ne s’applique naturellement qu’aux membres du clan ; elle ne pourrait s’étendre aux personnes étrangères sans rendre la vie matériellement impossible. Si, dans une tribu comme celle des Arunta, où il y a une multitude de totems différents, il était interdit de manger non seulement de l’animal ou de la plante dont on porte le nom, mais encore de tous les animaux et de toutes les plantes qui servent de totems aux autres clans, les ressources alimentaires seraient réduites à rien. Il y a cependant des tribus où la consommation de la plante ou de l’animal totémique n’est pas permise sans restrictions, même à l’étranger. Chez les Wakelbura, elle ne doit pas avoir lieu en présence des gens du totem
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-1-n982) V. des cas dans Taplin, The Narrinyeri, p. 63 ; Howitt, Nat. Tr., p. 146, 769 ; Fison et Howitt, Kamilaroi a. Kurnai, p. 169 ; Roth, Superstition, Magic a. Medicine, § 150 ; Wyatt, Adelaide a. Encounter Bay Tribe, in Woods, p. 168 ; Meyer, ibid., p. 186.
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-2-n983) C’est le cas chez les Warramunga (North. Tr., p. 168).
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-3-n984) Par exemple, chez les Warramunga, les Urabunna, les Wonghihon, les Yuin, les Wotjobaluk, les Buandik, les Ngeumba, etc.
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-4-n985) Chez les Kaitish, si un homme du clan mange trop de son totem, les membres de l’autre phratrie ont recours à une manœuvre magique qui est censée le tuer (North. Tr., m. 294. Cf. Nat. Tr., p. 204 ; Langloh Parker, The Euahlayi Tribe, p. 20).
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-5-n986)
Nat. Tr., p. 202 et note ; Strehlow, II, p. 58.
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-6-n987)
North Tr., p. 173.
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-7-n989)
Nat. Tr., p. 207 et suiv.
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-8-n991) V. plus haut, p. 182.
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-9-n992) Encore faut-il tenir compte de ce fait que, dans les mythes, jamais les ancêtres ne nous sont représentés comme se nourrissant régulièrement de leur totem. Ce genre de consommation est, au contraire, l’exception. Leur alimentation normale, suivant Strehlow, était la même que celle de l’animal correspondant (V. Strehlow, I, p. 4).
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-10-n993) Toute cette théorie, d’ailleurs, repose sur une hypothèse tout a fait arbitraire : Spencer et Gillen, ainsi que Frazer, admettent que les tribus du centre australien, notamment les Arunta, représentent la forme la plus archaïque et, par conséquent, la plus pure du totémisme. Nous dirons plus loin pourquoi cette conjecture nous paraît contraire à toutes les vraisemblances. Il est même probable que ces auteurs n’auraient pas si facilement accepté la thèse qu’ils soutiennent s’ils ne s’étaient refusés à voir dans le totémisme une religion et si, par suite, ils n’avaient méconnu le caractère sacré du totem.
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-11-n994) Taplin, The Narrinyeri, p. 64 ; Howitt, Nat. Tr., p. 145 et 147 ; Spencer et Gillen, Nat. Tr., p. 202 ; Grey, loc. cit. ; Curr, III, p. 462.
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-12-n996)
North. Tr., p. 160, 167. Il ne suffit pas que l’intermédiaire soit d’un autre totem : c’est que, comme nous le verrons, un totem quelconque d’une phratrie est, dans une certaine mesure, interdit même aux autres membres de cette phratrie qui sont d’un totem différent.
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-13-n997)
North. Tr., p. 167. On peut mieux s’expliquer maintenant comment il se fait que, quand l’interdiction n’est pas observée, c’est l’autre phratrie qui poursuit la répression du sacrilège (v. plus haut., p. 182, n. 4). C’est qu’elle est la plus intéressée à ce que la règle soit respectée. En effet, on croit que, quand cette règle est violée, l’espèce totémique risque de ne pas se reproduire abondamment. Or ce sont les membres de l’autre phratrie qui en sont les consommateurs réguliers ; ce sont donc eux qui sont atteints. Voilà pourquoi ils se vengent.
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-14-n999) C’est le cas chez les Loritja (Strehlow, II, p. 60, 6l), les Worgaia, les Warramunga, les Walpari, les Mara, les Anula, les Binbinga (North. Tr., p. 166, 171, 173). On peut en manger chez les Warramunga, les Walpari, mais seulement si l’offre en est faite par un membre de l’autre phratrie. Spencer et Gillen font remarquer (p. 167, n.) que, sous ce rapport, le totem paternel et le totem maternel sont soumis à une réglementation qui paraît différente. Sans doute, dans l’un et l’autre cas, l’offre doit venir de l’autre phratrie. Mais, quand il s’agit du totem du père ou totem proprement dit, cette phratrie est celle à laquelle le totem ne ressortit pas ; c’est le contraire, quand il s’agit du totem de la mère. C’est, sans doute, que le principe fut d’abord établi pour le premier, puis étendu mécaniquement au second, bien que la situation fût différente. Une fois qu’eût été instituée la règle en vertu de laquelle on ne pouvait passer outre à l’interdiction qui protège le totem que quand la proposition en était faite par quelqu’un de l’autre phratrie, on l’appliqua sans modifications au cas du totem maternel.
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-15-n1000) Par exemple, chez les Warramunga (North. Tr., p. 166), chez les Wotjobaluk, les Buandik, les Kurnai (Howitt, p. 146-147), les Narrinyeri (Taplin, Narrinyeri, p. 63).
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-16-n1001) Et encore n’est-ce pas dans tous les cas. L’Arunta du totem des Moustiques ne doit pas tuer cet insecte, même quand il en est incommodé ; il doit se borner à le chasser (Strehlow, II, p. 58. Cf. Taplin, p. 63).
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-17-n1003) Chez les Kaitish, les Unmatjera (North. Tr., p. 160). Il arrive même que, dans certains cas, un ancien donne à un jeune homme d’un totem différent un de ses churinga pour permettre au jeune chasseur de tuer plus facilement l’animal qui sert de totem au donateur (ibid., p. 272).
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-18-n1004) Howitt, Nat. Tr., p.146 ; Grey, op. cit., II, p. 228 ; Casalis, Basoutos, p. 221. Chez ces derniers, « il faut se purifier après avoir commis un tel sacrilège ».
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-19-n1005) Howitt, II p. 58, 59, 61.
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-20-n1006) Dorsey, Omaha Sociology, IIIrd Rep., p. 225, 231.
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-21-n1007) Casalis, ibid.
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-p196_22-0) Même chez les Omaha, il n’est pas sûr que les interdictions de contact dont nous venons de rapporter quelques exemples soient de nature proprement totémique ; car plusieurs d’entre elles n’ont pas de rapports directs avec l’animal qui sert de totem au clan. Ainsi, dans un sous-clan de l’Aigle, l’interdiction caractéristique consiste à ne pouvoir toucher une tête de buffle (Dorsey, op. cit., p. 239) ; dans un autre sous-clan qui a le même totem, on ne peut toucher le vert-de-gris, le charbon de bois, etc. (ibid., p. 245).
Nous ne parlons pas d’autres interdictions que mentionne Frazer, comme celles de nommer ou de regarder un animal ou une plante, car il est encore moins sûr qu’elles soient d’origine totémique, sauf peut-être pour ce qui concerne certains faits observés chez les Bechuana (Totemism, p. 12-13). Frazer admettait trop facilement alors — et il a eu, sur ce point, des imitateurs — que toute interdiction de manger ou de toucher un animal dépend nécessairement de croyances totémiques. Il y a, cependant, un cas en Australie, où la vue du totem paraît prohibée. D’après Strehlow (II, p. 59), chez les Arunta et les Loritja, un homme qui a pour totem la Lune ne doit pas la regarder longtemps ; autrement, il s’exposerait à mourir de la main d’un ennemi. Mais c’est, croyons-nous, un cas unique. Il ne faut pas perdre de vue, d’ailleurs, que les totems astronomiques ne sont vraisemblablement pas primitifs en Australie ; cette prohibition pourrait donc être le produit d’une élaboration complexe. Ce qui confirme cette hypothèse, c’est que, chez les Euahlayi, l’interdiction de regarder la Lune s’applique à toutes les mères et à tous les enfants, quels que soient leurs totems (L. Parker, The Euahlayi, p. 53).
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-23-n1011) V. liv. II, chap. II, § II.
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-p198_24-0) Il n’y a peut-être pas de religion qui fasse de l’homme un être exclusivement profane. Pour le chrétien, l’âme que chacun de nous porte en soi, et qui constitue l’essence même de notre personnalité, a quelque chose de sacré. Nous verrons que cette conception de l’âme est aussi vieille que la pensée religieuse. Mais la place de l’homme dans la hiérarchie des choses sacrées est plus ou moins élevée.
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-25-n1016)
Nat. Tr., p. 202.
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-26-n1018) Taplin, The Narrinyeri, p. 59-61.
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-27-n1019) Chez certains clans Warramunga par exemple (North. Tr., p. 162).
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-28-n1020) Chez les Urabunna (North. Tr., p. 147). Même quand on nous dit de ces premiers êtres que ce sont des hommes, en réalité, ils ne sont que semi-humains et participent, en même temps, de la nature animale. C’est le cas de certains Unmatjera (Ibid., p. 153-154). Il y a là des manières de penser dont la confusion nous déconcerte, mais qu’il faut accepter telles quelles. Ce serait les dénaturer que de chercher à y introduire une netteté qui leur est étrangère (cf. Nat. Tr., p. 119).
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-29-n1021) Chez certains Arunta (Nat. Tr., p. 388 et suiv.) ; chez certains Unmatjera (North. Tr., p. 153).
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-30-n1022)
Nat. Tr., p. 389. Cf. Strehlow, I, p. 2-7.
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-31-n1023)
Nat. Tr., p. 389 ; Strehlow, I, p. 2 et suiv. Il y a, sans doute, dans ce thème mythique, un écho des rites d’initiation. L’initiation, elle aussi, a pour objet de faire du jeune homme un homme complet et, d’autre part, elle implique également de véritables opérations chirurgicales (circoncision, subincision, extraction de dents, etc.). On devait naturellement concevoir sur le même modèle les procédés qui servirent à former les premiers hommes.
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-32-n1025) C’est le cas des neuf clans des Moqui (Schoolcraft, Indian Tribes, IV, p. 86), du clan de la Grue chez les Ojibway (Morgan, Ancient Society, p. 180), des clans des Nootka (Boas, VIth Rep. on the N. W. Tribes of Canada, p. 43), etc.
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-33-n1026) C’est ainsi que se serait formé le clan de la Tortue chez les Iroquois. Un groupe de tortues aurait été obligé de quitter le lac où elles vivaient et de chercher un autre habitat. Une d’elles, plus grosse que les autres, supportait avec peine cet exercice à cause de la chaleur. Elle fit des efforts si violents qu’elle sortit de sa carapace. Le processus de transformation, une fois commencé, se poursuivit de lui-même et la tortue devint un homme qui fut l’ancêtre du clan (Erminnie A. Smith, The Myths of the Iroquois, II
d
Rep., p. 77). Le clan de l’Écrevisse chez les Choctaw se serait formé d’une manière analogue. Des hommes auraient surpris un certain nombre d’écrevisses qui vivaient dans leur voisinage, les auraient amenées au milieu d’eux, leur auraient appris à parler, à marcher, et finalement les auraient adoptées dans leur société (Catlin, North American Indians, II, p. 128).
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-34-n1028) Voici, par exemple, une légende de Tsimshian. Au cours d’une chasse, un Indien rencontra un ours noir qui l’emmena chez lui, lui apprit à attraper le saumon et à construire les canots. Pendant deux années, l’homme resta avec l’ours ; après quoi il retourna à son village natal. Mais les gens eurent peur de lui parce qu’il ressemblait à un ours. Il ne pouvait ni parler, ni manger autre chose que des aliments crus. Alors on le frotte avec des herbes magiques et il reprit graduellement sa forme première. Dans la suite, quand il était dans le besoin, il appelait à lui ses amis les ours qui venaient l’aider. Il construisit une maison et peignit sur le fronton un ours. Sa sœur fit, pour la danse, une couverture sur laquelle un ours était dessiné. C’est pourquoi les descendants de cette sœur avaient l’ours pour emblème (Boas, Kwakiutl, p. 323. Cf. Vth Report on the N. W. Tribes of Canada, p. 23, 29 et suiv. ; Hill Tout, Report on the Ethnology of the Statlumh of British Columbia, in J.A.I., 1905, XXXV, p. 150).
On voit par là l’inconvénient qu’il y a à faire de cette parenté mystique entre l’homme et l’animal le caractère distinctif du totémisme, comme le propose M. Van Gennep (Totémisme et méthode comparative, in Revue de l’histoire des religions, t. LVIII, 1908, juillet, p. 55). Cette parenté est une expression mythique de faits autrement profonds ; elle peut manquer sans que les traits essentiels du totémisme disparaissent. Sans doute, il y a toujours entre les gens du clan et l’animal totémique des liens étroits, mais qui ne sont pas nécessairement de consanguinité, bien qu’ils soient le plus généralement conçus sous cette dernière forme.
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-35-n1029) Il y a, d’ailleurs, des mythes Tlinkit où le rapport de descendance entre l’homme et l’animal est plus particulièrement affirmé. On dit que le clan est issu d’une union mixte, si l’on peut ainsi parler, c’est-à-dire ou soit l’homme, soit la femme était une bête de l’espèce dont le clan porte le nom (V. Swanton, Social Condition, Beliefs, etc., of tlinglit Indians, XXVIth Rep., p. 415-418).
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-36-n1031)
Nat. Tr., p. 284.
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-37-n1032)
Ibid., p. 179.
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-38-n1033) V. Iiv. III, chap. II. Cf. Spencer et Gillen, Nat. Tr., p. 184, 201.
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-39-n1034)
Nat. Tr., p. 204, 262, 284.
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-40-n1035) Chez les Dieri, les Parnkalla. V. Howitt, Nat. Tr., p. 658, 661, 668, 669-671.
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-41-n1036) Chez les Warramunga, le sang de la circoncision est bu par la mère (North. Tr., p. 352). Chez les Binbinga, le sang dont est souillé le couteau qui a servi à la subincision doit être sucé par l’initié (ibid., p. 368). D’une manière générale, le sang qui provient des parties génitales passe pour exceptionnellement sacré (Nat. Tr., p. 464 ; North. Tr., p. 598).
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-42-n1037)
Nat. Tr., p. 268.
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-43-n1039)
Ibid., p. 144, 568.
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-44-n1040)
Nat. Tr., p. 442, 464. Le mythe est, d’ailleurs, général en Australie.
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-45-n1041)
Ibid., p. 627.
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-46-n1042)
Ibid., p. 466.
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-47-n1043)
Ibid. Si toutes ces formalités ne sont pas rigoureusement observées, on croit qu’il en résultera pour l’individu de graves calamités.
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-48-n1044)
Nat. Tr., p. 358 ; North. Tr., p. 604.
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-49-n1046) Le prépuce, une fois détaché par la circoncision, est parfois dissimulé aux regards tout comme le sang ; il a des vertus spéciales ; par exemple, il assure la fécondité de certaines espèces végétales et animales (North. Tr., p. 353-354). Les favoris sont assimilés aux cheveux et traités comme tels (North. Tr., p. 544, 604). Ils jouent d’ailleurs un rôle dans les mythes (ibid., p. 158). Quant à la graisse, son caractère sacré ressort de l’emploi qui en est fait dans certains rites funéraires.
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-50-n1047) Ce n’est pas à dire que la femme soit absolument profane. Dans les mythes, elle joue, au moins chez les Arunta, un rôle religieux beaucoup plus important que celui qu’elle a dans la réalité (Nat. Tr., p. 195-196). Maintenant encore, elle prend part à certains rites de l’initiation. Enfin, son sang a des vertus religieuses (v. Nat. Tr., p. 464 ; cf. La prohibition de l’inceste et ses origines, Année sociol., I, p. 51 et suiv.).
C’est de cette situation complexe de la femme que dépendent les interdits exogamiques. Nous n’en parlons pas ici, parce qu’ils se rattachent plus directement au problème de l’organisation domestique et matrimoniale.
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-51-n1049)
Nat. Tr., p. 460.
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-52-n1050) Chez les Wakelbura, d’après Howitt, p. 146 ; chez les Bechuana, d’après Casalis, Basoulos, p. 221.
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-53-n1051) Chez les Buandik, les Kurnai (Howitt, ibid.) ; chez les Arunta (Strehlow, II, p. 58).
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-54-n1053) Howitt, ibid.
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-55-n1054) Sur la rivière Tully, dit Roth (Superstition, Magic and Medicine, in North Queensland Ethnography, n° 5, § 74), quand un indigène va dormir ou se lève le matin, il prononce à voix plus ou moins basse le nom de l’animal d’après lequel il est lui-même nommé. Le but de cette pratique est de rendre l’homme habile ou heureux à la chasse ou de prévenir les dangers auxquels il peut être exposé de la part de cet animal. Par exemple, un homme qui a pour totem une espèce de serpent est à l’abri des morsures si cette invocation a été régulièrement faite.
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-56-n1055) Taplin, Narrinyeri, p. 64 ; Howitt, Nat. Tr., p. 147 ; Roth, loc. cit.
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-57-n1056) Strehlow, II, p. 58.
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-58-n1057) Howitt, p. 148.
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-59-n1059)
North. Tr., p. 159-160.
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-60-n1060)
Ibid.
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-61-n1061)
Ibid., p. 255 ; Nat. Tr., p. 202, 203.
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[↑](#c7_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_II_Chapitre_2.xhtml#cite_ref-62-n1062) A. L. P. Cameron, On Two Queensland Tribes, in Science of Man, Australasian Anthropological Journal, 1904, VII, 28, col. 1.