III

Déjà ces décorations totémiques permettent de pressentir que le totem n’est pas seulement un nom et un emblème. C’est au cours de cérémonies religieuses qu’elles sont le totem, en même temps qu’il est une étiquette collective, a un caractère religieux. Et, en effet, c’est par rapport à lui que les choses sont classées en sacrées et en profanes. Il est le type même des choses sacrées.

Les tribus de l’Australie centrale, principalement les Arunta, les Loritja, les Kaitish, les Unmatjera, les Ilpirra

Tout churinga, en effet, à quelque fin qu’il soit employé, compte parmi les choses les plus éminemment sacrées, il n’en est même aucune qui le dépasse en dignité religieuse. C’est déjà ce qu’indique le mot qui sert à le désigner. En même temps qu’un substantif, c’est aussi un adjectif qui signifie sacré. Ainsi, parmi les noms que porte chaque Arunta, il en est un si sacré qu’il est interdit de le révéler à un étranger ; on ne le prononce que rarement, à voix basse, dans une sorte de murmure mystérieux. Or, ce nom s’appelle aritna churinga (aritna veut dire nom)

Les churinga sont conservés pieusement dans un lieu spécial qui est appelé chez les Arunta l’ertnatulunga

Mais les vertus du churinga ne se manifestent pas seulement par la manière dont il tient le profane à distance. S’il est ainsi isolé, c’est qu’il est une chose de haute valeur religieuse et dont la perte lèserait gravement la collectivité et les individus. Il a toute sorte de propriétés merveilleuses : par attouchement, il guérit les blessures, notamment celles qui résultent de la circoncision

Mais ils ne sont pas seulement utiles aux individus ; le sort du clan tout entier est collectivement lié au leur. Leur perte est un désastre ; c’est le plus grand malheur qui puisse arriver au groupe

Or, en eux-mêmes, les churinga sont des objets de bois et de pierre comme tant d’autres ; ils ne se distinguent des choses profanes du même genre que par une particularité : c’est que, sur eux, est gravée ou dessinée la marque totémique. C’est donc cette marque et elle seule qui leur confère le caractère sacré. Il est vrai que, suivant Spencer et Gillen, le churinga servirait de résidence à une âme d’ancêtre et ce serait la présidence de cette âme qui lui conférerait ses propriétés

Mais il existe, chez les Arunta et dans les tribus voisines, deux autres instruments liturgiques nettement rattachés au totem et au churinga lui-même qui entre ordinairement dans leur composition : c’est le nurtunja et le waninga.

Le nurtunja

Le waninga, qui se trouve uniquement chez les Arunta du sud, chez les Urabunna, le Loritja, n’est pas davantage d’un seul et unique modèle. Réduit à ses éléments les plus essentiels, il consiste, lui aussi, en un support vertical, qui est formé par un bâton long de plus d’un pied ou par une lance de plusieurs mètres de haut, et qui est coupé tantôt par une, tantôt par deux pièces transversales

Or le nurtunja et le waninga, qui figurent dans une multitude de rites importants, sont l’objet d’un respect religieux, tout à fait semblable à celui qu’inspirent les churinga. On procède à leur confection et à leur érection avec la plus grande solennité. Fixés en terre ou portés par un officiant, ils marquent le point central de la cérémonie : c’est autour d’eux qu’ont lieu les danses et que les rites se développent. Au cours de l’initiation, on mène le novice au pied d’un nurtunja qui a été érigé pour la circonstance. « Voilà, lui dit-on, le nurtunja de ton père ; il a déjà servi à faire bien des jeunes hommes. » Après quoi, l’initié doit embrasser le nurtunja

Or, ce caractère sacré ne lui peut venir que d’une cause : c’est qu’il représente matériellement le totem. En effet, les lignes verticales ou les anneaux de duvet qui le recouvrent, ou bien encore les cordons, de couleurs également différentes, qui réunissent les bras du waninga à l’axe central, ne sont pas disposés arbitrairement, au gré des opérateurs ; mais ils doivent obligatoirement affecter une forme étroitement déterminée par la tradition et qui, dans la pensée des indigènes, figure le totem

Ainsi, le churinga, le nurtunja, le waninga doivent uniquement leur nature religieuse à ce qu’ils portent sur eux l’emblème totémique. C’est cet emblème qui est sacré. Aussi garde-t-il ce caractère sur quelque objet qu’il soit représenté. On le peint parfois sur les rochers ; or, ces peintures sont appelées des churinga ilkinia, des dessins sacrés

Mais pour comprendre d’où vient que les représentations totémiques sont aussi sacrées, il n’est pas sans intérêt de savoir en quoi elles consistent.

Chez les Indiens de l’Amérique du Nord, ce sont des images, peintes, gravées ou sculptées, qui s’efforcent de reproduire, aussi fidèlement que possible, l’aspect extérieur de l’animal totémique. Les procédés employés sont ceux dont nous nous servons encore aujourd’hui dans des cas similaires, sauf qu’ils sont, en général, plus grossiers. Mais il n’en est pas de même en Australie et c’est naturellement dans les sociétés australiennes qu’il faut aller chercher l’origine de ces figurations. Bien que l’Australien puisse se montrer assez capable d’imiter, au moins d’une manière rudimentaire, les formes des choses

Ces faits prouvent que, si l’Australien est si fortement enclin à figurer son totem, ce n’est pas pour en avoir sous les yeux un portrait qui en renouvelle perpétuellement la sensation ; mais c’est simplement parce qu’il sent le besoin de se représenter l’idée qu’il s’en fait au moyen d’un signe matériel, extérieur, quel que puisse, d’ailleurs, être ce signe. Nous ne pouvons encore chercher à comprendre ce qui a ainsi nécessité le primitif à écrire sur sa personne et sur différents objets la notion qu’il avait de son totem ; mais il importait de constater tout de suite la nature du besoin qui a donné naissance à ces multiples figurations

C’est la définition que Cicéron donne de la gentilité : Gentiles sunt qui inter se cadem nomine sunt (Top. 6). On peut dire, d’une manière générale, que le clan est un groupe familial où la parenté résulte uniquement de la communauté du nom ; c’est en ce sens que la gens est un clan. Mais, dans le genre ainsi constitué, le clan totémique est une espèce particulière. Dans une certaine mesure, ces liens de solidarité s’étendent même par-delà les frontières de la tribu. Quand des individus de tribus différentes ont un même totem, ils ont les uns envers les autres des devoirs particuliers. Le fait nous est expressément affirmé de certaines tribus de l’Amérique du Nord (v. Frazer, Totemism and Exogamy, III, p. 57, 81, 299, 356~357). Les textes relatifs à l’Australie sont moins explicites. Il est cependant probable que la prohibition du mariage entre membres d’un même totem est internationale. Morgan, Ancient Society, p. 165. En Australie, les mots employés varient suivant les tribus. Dans les régions observées par Grey, on disait Kobong ; les Dieri disent Murdu (Howitt, Nat. Tr. of S. E. Aust., p. 91), les Narrinyeri, Mgaitye (Taplin in Curr}}, II, p. 244), les Warramunga, Mungai ou Mungaii (North. Tr., p. 754), etc. Indian Tribes of the United States, IV, p. 86. Et cependant cette fortune du mot est d’autant plus regrettable que nous ne savons même pas avec exactitude comment il s’orthographie. Les uns écrivent totam, les autres toodaim, ou dodaim ou ododam (v. Frazer, Totemism, p. 1). Le sens même du terme n’est pas exactement déterminé. Si l’on s’en rapporte au langage tenu par le premier observateur des Ojibway, J. Long, le mot de totam désignerait le génie protecteur, le totem individuel dont il sera question plus loin (liv. I, chap. IV) et non le totem de clan. Mais les témoignages des autres explorateurs sont formellement en sens contraire (v. sur ce point Frazer, Totemism and Exogamy, III, p. 49-52). Les Wotjobaluk (p. 121) et les Buandik (p. 123). Les mêmes. Les Wolgal (p. 102), les Wotjobaluk et les Buandik. Les Muruburra (p. 177), les Wotjobaluk et les Buandik. Les Buandik et les Kaiabara (p. 116). On remarquera que tous ces exemples sont empruntés à cinq tribus seulement. De même, sur 204 sortes de totems, relevées par Spencer et Gillen dans un grand nombre de tribus, 188 sont des animaux ou des plantes. Les objets inanimés sont le boomerang, l’eau froide, l’obscurité, le feu, l’éclair, la Lune, l’ocre rouge, la résine, l’eau salée, l’étoile du soir, la pierre, le Soleil, l’eau, le tourbillon, le vent, les grêlons (North. Tr., p. 773. Cf. Frazer, Totemism and Exogamy, I, p. 253-254). Frazer (Totemism, p. 10 et 13) en cite des cas assez nombreux et en fait même un genre à part qu’il appelle split-totems. Mais ces exemples sont empruntés à des tribus où le totémisme est profondément altéré, comme à Samoa ou dans les tribus du Bengale. Howitt, Nat. Tr., p. 107. V. les tableaux relevés par Strehlow, Die Aranda- and Loritja-Stämme, II, p. 61-72 (cf. III, p. xiii-xvii). Il est remarquable que ces totems fragmentaires soient exclusivement des totems animaux. Strehlow, II, p. 52 et 72. Par exemple, un de ces totems est une cavité où un ancêtre du totem du Chat sauvage s’est reposé ; un autre est une galerie souterraine ou un ancêtre du clan de la Souris a creusé, etc. (Ibid., p. 72). Nat. Tr., p. 561 et suiv. Strehlow, II, p. 71, n. 2. Howitt, Nat. Tr., p. 246 et suiv. ; On Australian Medicine Men, J.A.I. XVI, p. 53 ; Further notes on the Australian Class Systems, J.A.I. XVIII, p. 63 et suiv. Thaballa signifie le garçon qui rit, d’après la traduction de Spencer et Gillen. Les membres du clan qui porte son nom croient l’entendre rire dans les rochers qui lui servent de résidence (North. Tr., p. 207, 215, 227, note). D’après le mythe rapporte p. 422, il y aurait eu un groupe initial de Thaballa mythiques (cf. p. 208). Le clan des Kati, des hommes pleinement développés, full-grown men comme disent Spencer et Gillen, paraît bien être du même genre (North. Tr., p. 207). North. Tr., p. 226 et suiv. Strehlow, II, p. 71-72. Strehlow cite chez les Loritja et les Arunta un totem qui rappelle de très près celui du serpent Wollunqua : c’est le totem du serpent mythique d’eau. C’est le cas de Klaatsch, dans son article déjà cité. (v. plus haut p. 130, n. 3). Ainsi que nous l’avons indiqué dans le chapitre précédent, le totémisme intéresse à la fois la question de la religion et la question de la famille, puisque le clan est une famille. Les deux problèmes, dans les sociétés inférieures, sont étroitement solidaires. Mais ils sont tous deux trop complexes pour qu’il ne soit pas indispensable de les traiter séparément. On ne peut, d’ailleurs, comprendre l’organisation familiale primitive avant de connaître les idées religieuses primitives ; car celles-ci servent de principes à celle-là. C’est pourquoi il était nécessaire d’étudier le totémisme comme religion, avant d’étudier le clan totémique comme groupement familial. V. Taplin, The Narrinyeri Tribe, Gurr, II, p. 244-245 ; Howitt, Nat. Tr., p. 131. North. Tr., p. 163, 169, 170, 172. Il y a toutefois lieu de noter que dans toutes ces tribus, sauf les Mara et les Anula, la transmission du totem en ligne paternelle ne serait que le fait le plus général, mais comporterait des exceptions. Suivant Spencer et Gillen (Nat. Tr., p. 123 et suiv.), l’âme de l’ancêtre se réincarnerait dans le corps de la mère et deviendrait l’âme de l’enfant ; suivant Strehlow (II, p. 51 et suiv.) la conception, tout en étant l’œuvre de l’ancêtre, n’impliquerait pas une réincarnation ; mais, dans l’une et l’autre interprétation, le totem propre de l’enfant ne dépend pas nécessairement de celui de ses parents. Nat. Tr., p. 133 ; Strehlow, II, p. 53. C’est, en grande partie, la localité où la mère croit avoir conçu qui détermine le totem de l’enfant. Chaque totem, comme nous le verrons, a son centre, et les ancêtres fréquentent de préférence les endroits qui servent de centres à leurs totems respectifs. Le totem de l’enfant est donc celui auquel ressortit la localité où la mère croit avoir conçu. D’ailleurs, comme celle-ci doit se trouver plus souvent dans le voisinage de l’endroit qui sert de centre totémique à son mari, l’enfant doit être le plus généralement du même totem que le père. C’est ce qui explique, sans doute, comment, dans chaque localité, la majeure partie des habitants appartiennent au même totem (Nat. Tr., p. 9). The secret of the Totem, p. 159 et suiv. Cf. FISON et Howitt, Kamilaroi and Kurnai, p. 40 et 41 ; John Mathew, Eaglehawk and Crow ; Thomas, Kinship and Marriage in Australia, p. 52 et suiv. Howitt, Nat. Tr., p. 124. Howitt, op. cit., p. 121, 123, 124. Curr, III, p. 461. Howitt, p. 126. Howitt, p. 98 et suiv. Curr, II, p. 165 ; Brough Smith, I, p. 423 ; Howitt, op. cit., p. 429. Howitt, p. 101, 102. J. Mathew, The Representative Tribes of Queensland, p. 139. On pourrait, à l’appui de cette hypothèse, donner d’autres raisons ; mais il faudrait faire intervenir des considérations relatives à l’organisation familiale, et nous tenons à séparer les deux études. La question, d’ailleurs, n’intéresse que secondairement notre sujet. Par exemple, Mukwara, qui désigne une phratrie chez les Barkinji, les Paruinji, les Milpulke, signifie, d’après Brough Smyth, aigle-faucon ; or, parmi les clans compris dans cette phratrie, il en est un qui a pour totem l’aigle-faucon. Mais ici, cet animal est désigné par le mot de Bilyara. On trouvera plusieurs cas du même genre, cités par Lang, op. cit., p. 162. Spencer et Gillen, Nat. Tr., p. 115. D’après Howitt (op. cit., p. 121 et 454), chez les Wotjobaluk, le clan du Pélican serait également représenté dans les deux phratries. Le fait nous paraît douteux. Il serait très possible que ces deux dclans aient pour totems deux espèces différentes de pélicans. C’est ce qui semble ressortir des indications données par Mathew sur la même tribu (Aboriginal Tribes of N. S. Wales a. Victoria in Journal and Proceedings of the Royal Society of N. S. Wales, 1904, p. 287-288). V. sur cette question notre mémoire sur : Le totémisme, in Année sociologique, t. V, p. 82 et suiv. V, sur cette question des classes australiennes en général notre mémoire sur La prohibition de l’inceste, in Année sociol., I, p. 9 et suiv., et plus spécialement sur les tribus à huit classes. L’organisation matrimoniale des sociétés australiennes, in Année sociol., VIII, p. 118~147. V. Roth, Ethnological Studies among the North- West-Central Queensland Aborigines, p. 56 et suiv. ; Palmer, Notes on some Australian Tribes, J.A.I., XIII (1884), p. 302 et suiv. Ce principe ne s’est pas maintenu partout avec une égale rigueur. Dans les tribus du centre à huit classes, notamment, outre la classe avec laquelle le mariage est régulièrement permis, il en est une autre avec laquelle on a une sorte de connubium secondaire (Spencer et Gillen, North. Tr., p. 106). Il en est de même dans certaines tribus à quatre classes. Chaque classe a le choix entre les deux classes de l’autre phratrie. C’est le cas des Kahi (v. Mathew, in Curr, III, p. 1762). On cite cependant quelques tribus où des classes matrimoniales porteraient des noms d’animaux ou de plantes : c’est le cas des Kabi (Mathew, Two Representative Tribes, p. 150), des tribus observées par Mrs Bates (The Marriage Laws a. Cusioms. of the W. Austral. Aborigines, in Victorian Geographical Journal, XXIII-XXIV, p. 47) et peut-être de deux tribus observées par Palmer. Mais ces faits sont très rares, leur signification mal établie. D’ailleurs, il n’est pas surprenant que les classes, aussi bien que les groupes sexuels, aient parfois adopté des noms d’animaux. Cette extension exceptionnelle des dénominations totémiques ne modifie en rien notre conception du totémisme. La même explication s’applique peut-être à quelques autres tribus du Sud-Est et de l’Est, où, si l’on en croit les informateurs de Howitt, on trouverait également des totems spécialement affectés à chaque classe matrimoniale. Ce serait le cas chez les Wiradjuri, les Wakelbura, les Bunta-Murra de la rivière Bulloo (Howitt, Nat. Tr., p. 210, 221, 226). Toutefois, les témoignages qu’il a recueillis sont, de son propre aveu, suspects. En fait, des listes mêmes qu’il a dressées, il résulte que plusieurs totems se retrouvent également dans les deux classes de la même phratrie.
L’explication que nous proposons d’après Frazer (Totemism and Exogamy, p. 531 et suiv.) soulève, d’ailleurs, une difficulté. En principe, chaque clan, et, par conséquent, chaque totem sont indifféremment représentés dans les deux classes d’une même phratrie, puisque l’une de ces classes est celle des enfants et l’autre celle des parents de qui les premiers tiennent leurs totems. Quand donc les clans disparurent, les interdictions totémiques qui survivaient auraient dû rester communes aux deux classes matrimoniales, tandis que, dans les cas cités, chaque classe a les siennes propres. D’où provient cette différenciation ? L’exemple des Kaiabara (tribu du sud du Queensland) permet peut-être d’entrevoir comment cette différenciation s’est produite. Dans cette tribu, les enfants ont le totem de leur mère, mais particularisé au moyen d’un signe distinctif. Si la mère a pour totem l’aigle-faucon noir, celui de l’enfant est l’aigle-faucon blanc (Howitt, Nat. Tr., p. 299). Il y a là comme une première tendance des totems à se différencier suivant les classes matrimoniales.
Une tribu de quelques centaines de têtes compte parfois jusqu’à 50 ou 60 clans et même beaucoup plus. Voir sur ce point Durkheim et Mauss, De quelques formes primitives de classification, in Année sociologique, t. VI, p. 28 n. 1. Sauf chez les Indiens Pueblo du Sud-Ouest où ils sont plus nombreux. V. Hodge, Pueblo Indian Clans, in American Anlhropologist, lre série, t. IX, p. 345 et suiv. On peut se demander toutefois si les groupes qui portent ces totems sont des clans ou des sous-clans. V. les tableaux dressés par Morgan dans Ancient Society, p. 153-185. Krauss, Die Tlinkit-Indianer, p. 112 ; Swanton, Social Condition, Beliefs a. Linguistic Relationship of the Tlingit Indians in XXVIth Rep., p. 398. Swanton, Contributions to the Ethnology of the Haida, p. 62. « The distinction between the two clans is absolute in every respect », dit Swanton, p. 68 ; il appelle clans ce que nous nommons phratries. Les deux phratries, dit-il ailleurs, sont, l’une par rapport à l’autre, comme deux peuples étrangers. Le totem des clans proprement dits est même, au moins chez les Haida, plus altéré que le totem des phratries. L’usage, en effet, permettant à un clan de donner ou de vendre le droit de porter son totem, il en résulte que chaque clan a une pluralité de totems dont quelques-uns lui sont communs avec d’autres clans (v. Swanton, p. 107 et 268). Parce que Swanton appelle clans les phratries, il est obligé de donner le nom de famille aux clans proprement dits, et de houssehold aux familles véritables. Mais le sens réel de la terminologie qu’il adopte n’est pas douteux. Journals of two Expeditions in N. W. and W. Australia, II, p. 228. Kamilaroi and Kurnai, p. 165. Indian Tribes, I, p. 420. Cf. I, p. 52. Cette étymologie est d’ailleurs très contestable. Cf. Handbook of American Indians North of Mexico (Smithsonian Instit., Bur. of. Ethnol., 2e Partie, s. v. Totem, p. 787). Schoolcraft, Indian Tribes, III, p. 184. Garrick Mallery, Picture-Writing of the American Indians, in Tenth Rep., 1893, p. 377. Hearne, Journey to the Northern Ocean, p. 148 (cité d’après Frazer, Totemism, p. 30). Charlevoix, Histoire et description de la Nouvelle France, V, p. 329. Krauss, Tlinkit-Indianer, p. 248. Erminnie A. Smith, Myths of the Iroquois, in Second Rep. of the Bureau of Ethnol., p. 78. Dodge, Our Wild Indiana, p. 225. Powell, Wyandot Government, in I. Annual Report of the Bureau of Ethnology (1881), p. 64. Dorsey, Omaha Sociology, Third Rep., p. 229, 240, 248. Krause, op. cit., p. 130-131. Krause, p. 308. V. une photographie d’un village Haida dans Swanton, op. cit., Pl. IX. Cf. Tylor, Totem Post of the Haida Village of Masset, J.A.I., nouvelle série, I, p. 133. Hill Tout, Report of the Ethnology of the Statlumh of British Columbia, J. A. I., t. XXXV, 1905, p. 155. Krause, op. cit., p. 230 ; Swanton, Haida, p. 129, 135 et suiv. ; Schoolcraft, Indian Tribes, I, p. 52-53, 337, 356. Dans ce dernier cas, le totem est représenté renversé, en signe de deuil. On troue des usages similaires chez les Creek (C. Swan, in Schoolcraft, Indian Tribes of the United States, V, p. 265), chez les Delaware (Heckewelder, An Account of the History, Manners a. Customs of the Indian Nations who once inhabiled Pennsylvania, p. 246-247). Spencer et Gillen, North. Tr., p. 168, 537, 540. Spencer et Gillen, ibid., p. 174. Brough Smyth, The Aborigines of Victoria, I, p. 99, n. Brough Smyth, I, p. 284. Strehlow cite un fait du même genre chez les Arunta (III, p. 68). An Account of the English Colony in N. S. Wales, II, p. 381. Krause, p. 327. Swanton, Social Condition, Beliefs a. linguistic Relationship of the Tlingit Indians, in XXIVth Rep., p. 435 et suiv. ; Boas, The Social organization and the Secret Societies of the Kwakiutl Indians, p. 358. Frazer, Totemism, p. 26. Bourk, The Snake Dance of the Moquis of Arizona, p. 229 ; J. W. Fewkes, The Group of Tusayan Ceremonials called Katcinas, in XVth Rep., 1897, p. 251-263. Müller, Geschichte der Amerikanischen Urreligionen, p. 327. Schoolcraft, Indian Tribes, III, p. 269. Dorsey, Omaha Sociol, Third Rep., p. 229, 238, 240, 245. Spencer et Gillen, Nat. Tr., p. 451. Spencer et Gillen, ibid., p. 257. On verra plus loin (I. I, chap. IV), ce que signifient ces rapports de parenté. Spencer et Gillen, North. Tr., p. 296. Howitt, Nat. Tr., p. 744-746 ; cf. p. 129. Kamiloaroi and Kurnai, p. 66, note. Le fait est, il est vrai, contesté par d’autres informateurs. Howitt, Nat. Tr., p. 744. Swanton, Contributions to the Ethnology of the Haida, p. 41 et suiv. Pl. XX et XXI ; Boas, The Social Organization of the Kwakiutl, p. 318 ; Swanton, Tlingit, pl. XVI et sq. — Dans un cas, étranger d’ailleurs aux deux régions ethnographiques que nous étudions plus spécialement, ces tatouages sont pratiqués sur les animaux qui appartiennent au clan. Les Bechuana du sud de l’Afrique sont divisés en un certain nombre de clans : il y a les gens du crocodile, du buffle, du singe, etc. Or, les gens du crocodile, par exemple, font aux oreilles de leurs bestiaux, une incision, qui rappelle par sa forme la gueule de l’animal (Casalis, Les Basoutos, p. 221). Suivant Robertson Smith, le même usage aurait existé chez les anciens Arabes (Kinship and Marriage in early Arabia, p. 212-214). Il en est qui, suivant Spencer et Gillen, n’auraient aucun sens religieux (v. Nat. Tr., p. 41-42 ; North. Tr., p. 45, 54-56). Chez les Arunta, la règle comporte des exceptions qui seront expliquées plus loin. Spencer et Gillen, Nat. Tr., p. 162 ; North. Tr., p. 179, 259, 292, 295-296 ; Schulze, loc. cit., p, 221. Ce qui est ainsi représenté, ce n’est pas toujours le totem lui-même, mais un des objets qui, associés à ce totem, sont considérés comme choses de la même famille. C’est le cas, par exemple, chez les Warramunga, les Walpari, les Wulmala, les Tjingilli, les Umbaia, les Unmatjera (North. Tr., p. 348, 339). Chez les Warramunga, au moment où le dessin est exécuté, les opérateurs adressent à l’initié les paroles suivantes : «  Cette marque appartient à votre localité (your place) : ne portez pas les yeux sur une autre localité. » « Ce langage signifie, disent Spencer et Gillen, que le jeune homme ne doit pas s’ingérer dans d’autres cérémonies que celles qui concernent son totem ; elles témoignent également de l’étroite association qui est supposée exister entre un homme, son totem et l’endroit spécialement consacré à ce totem » (North. Tr., p. 584). Chez les Warramunga, le totem se transmet du père aux enfants ; par suite, chaque localité a le sien. Spencer et Gillen, Nat. Tr., p. 215, 241, 376. On se rappelle (v. plus haut, p. 150) que, dans cette tribu, l’enfant peut avoir un autre totem que celui de son père ou de sa mère et, plus généralement, de ses proches. Or les proches, d’un côté ou de l’autre, sont les opérateurs désignés pour les cérémonies de l’initiation. Par conséquent, comme un homme, en principe, n’a qualité d’opérateur ou d’officiant que pour les cérémonies de son totem, il s’ensuit que, dans certains cas, les rites auxquels l’enfant est initié concernent forcément un totem autre que le sien. Voilà comment les peintures exécutées sur le corps du novice ne représentent pas nécessairement le totem de ce dernier : on trouvera des cas de ce genre dans Spencer et Gillen, Nat. Tr., p. 229. Ce qui montre bien, d’ailleurs, qu’il y a là une anomalie, c’est que, néanmoins, les cérémonies de la circoncision ressortissent essentiellement au totem qui prédomine dans le groupe local de l’initié, c’est-à-dire au totem qui serait celui de l’initié lui-même, si l’organisation totémique n’était pas perturbée, si elle était chez les Arunta ce qu’elle est chez les Wairamunga (v. Spencer et Gillen, ibid., p. 219).
La même perturbation a eu une autre conséquence. D’une manière générale, elle a pour effet de détendre quelque peu les liens qui unissent chaque totem a un groupe déterminé, puisqu’un même totem peut compter des membres dans tous les groupes locaux possibles, et même dans les deux phratries indistinctement. L’idée que les cérémonies d’un totem pouvaient être célébrées par un individu d’un totem différent — idée qui est contraire aux principes mêmes du totémisme, comme nous le verrons mieux encore dans la suite — a pu s’établir ainsi sans soulever trop de résistances. On a admis qu’un homme à qui un esprit révélait la formule d’une cérémonie avait qualité pour la présider, alors même qu’il n’était pas du totem intéressé (Nat. Tr., p. 519). Mais ce qui prouve que c’est là une exception à la règle et le produit d’une sorte de tolérance, c’est que le bénéficiaire de la formule ainsi révélée n’en a pas la libre disposition ; s’il la transmet — et ces transmissions sont fréquentes — ce ne peut être qu’à un membre du totem auquel se rapporte le rite (Nat. Tr., ibid.).
Nat. Tr., p. 140. Dans ce cas, le novice conserve la décoration dont il a été ainsi paré jusqu’à ce que, par l’effet du temps, elle s’efface d’elle-même. Boas, General Report on the Indians of British Columbia, in British Association for the Advancement of Science, Firth Rep. of the Committee on the N. W. Tribes of the Dominion of Canada, p, 41. Il y en a aussi chez les Warramunga, mais en plus petit nombre que chez les Arunta, et ils ne figurent pas dans les cérémonies totémiques bien qu’ils tiennent une certaine place dans les mythes (North. Tr., p. 163). D’autres noms sont employés dans les autres tribus. Nous donnons un sens générique au terme Arunta parce que c’est dans cette tribu que les churinga tiennent le plus de place et ont été le mieux étudiés. Strehlow, II, p. 81. Il y en a quelques-uns, mais en petit nombre, qui ne portent aucun dessin apparent (v. Spencer et Gillen, Nat. Tr., p. 144). Nat. Tr., p. 139 et 648 ; Strehlow, II, p. 75. Strehlow, qui écrit Tjurunga, donne du mot une traduction un peu différente. « Ce mot, dit-il, signifie ce qui est secret et personnel (der eigene geheime). Tju est un vieux mot qui signifie caché, secret, et runga veut dire ce qui m’est propre. » Mais Kempe qui a, en la matière, plus d’autorité que Strehlow, traduit tju par grand, puissant, sacré (Kempe, Vocabulary of the Tribes inhabiting Macdonnell Ranges, s. v. Tju, in Transactions of the R. Society of Victoria, t. XIII). D’ailleurs, au fond, la traduction de Strehlow ne s’éloigne pas de la précédente autant qu’on pourrait le croire au premier abord ; car ce qui est secret, c’est ce qui est soustrait à la connaissance des profanes, c’est-à-dire ce qui est sacré. Quant à la signification attribuée au mot runga, elle nous paraît très douteuse. Les cérémonies de l’émou appartiennent à tous les membres du clan de l’émou ; tous peuvent y participer ; elles ne sont donc la chose personnelle d’aucun d’eux. Nat. Tr., p. 130-132 ; Strehlow, II, p. 78. Une femme qui a vu churinga et l’homme qui le lui a montré sont également mis à mort. Strehlow appelle cet endroit, défini exactement dans les termes mêmes qu’emploient Spencer et Gillen, arknanaua au lieu d’ertnatuluriga (Strehlow, II, p. 78). North. Tr., p. 270 ; Nat. Tr., p. 140. Nat. Tr., p. 135. Strehlow, I I, p. 78. Strehlow dit pourtant qu’un meurtrier qui se réfugie près d’un ertnatulunga y est impitoyablement poursuivi et mis à mort. Nous avons quelque mal à concilier ce fait avec le privilège dont jouissent les animaux, et nous nous demandons si la rigueur plus grande avec laquelle le criminel est traité n’est pas récente et si elle ne doit pas être attribuée à un affaiblissement du tabou qui protégeait primitivement l’ertnatulunga. Nat. Tr., p. 248. Ibid., p. 545-546. Strehlow, II, p. 79. Par exemple, la poussière détachée par grattage d’un churinga de pierre et dissoute dans de l’eau constitue une potion qui rend la santé aux malades. Nat. Tr., p. 545-546. Strehlow (II, p. 79) conteste le fait. Par exemple, un churinga du totem de l’igname, déposé dans le sol, y fait pousser les ignames (North. Tr., p. 275). il a le même pouvoir sur les animaux (Strehlow, II, p. 76, 78 ; III, p. 3, 7). Nat. Tr., p. 135 ; Strehlow, II, p. 79. North. Tr., p. 278. Ibid., p. 180. Ibid., p. 272-273. Nat. Tr., p. 135. Un groupe emprunte à un autre ses churinga, dans cette pensée que ces derniers lui communiqueront quelque chose des vertus qui sont en eux, que leur présence rehaussera la vitalité des individus et de la collectivité (Nat, Tr., p. 158 et suiv.). Ibid., p. 136. Chaque individu est uni par un lien particulier d’abord à un churinga spécial qui lui sert de gage à vie, puis à ceux qu’il a reçus de ses parents par voie d’héritage. Nat. Tr., p. 154 ; North Tr., p. 193. Les churinga ont si bien une marque collective qu’ils remplacent les bâtons des messagers dont sont munis, dans d’autres tribus, les individus envoyés à des groupes étrangers pour les convoquer à quelque cérémonie. (Nat. Tr., p. 141-142). Ibid., p. 326. Il y a lieu de remarquer que les bull-roarers sont employés de la même manière (Mathews, Aboriginal Tribes of N. S. Wales and Victoria, in Journal of Roy. Soc. of N. S. Wales, XXXVIII, p. 307-308. Nat. Tr., p. 161, 250 et suiv. Ibid., p. 138. Strehlow, I, Vorworet, in fine ; II, p. 76, 77 et 82. Pour les Arunta, c’est le corps même de l’ancêtre ; pour les Loritja, c’en est seulement une image. Quand un enfant vient de naître, la mère indique au père où elle croit que l’âme de l’ancêtre a pénétré en elle. Le père, accompagné de quelques parents, se rend à cet endroit et l’on y cherche le churinga que l’ancêtre, croit-on, a laissé tomber au moment où il s’est réincarné. Si l’on y trouve, c’est, sans doute, que quelque ancien du groupe totémique l’y a placé (l’hypothèse est de Spencer et Gillen). Si on ne le découvre pas, on fait un churinga nouveau suivant une technique déterminée (Nat. Tr., p. 132. Cf. Strehlow, II, p. 80). C’est le cas des Warramunga, des Urabunna, des Worgaia, des Umbaia, des Tjingilli, des Gnanji (North. Tr., p. 258, 275-276). Alors, disent Spencer et Gillen, they were regarded as of especial value because of their association with a totem (ibid., p. 276). Il y a des exemples du même fait chez les Arunta (Nat. Tr., p. 156). Strehlow écrit Inatanja (op. cit., I, p. 4-5). Les Kaitish, les Ilpirra, les Unmatjera ; mais il est rare chez ces derniers. La perche est quelquefois remplacée par des churinga très longs, mis bout à bout. Parfois, au sommet du nurtunja, un autre plus petit est suspendu. Dans d’autres cas, le nurtunja a la forme d’une croix ou d’un T. Plus rarement, le support central fait défaut (Nat. Tr., p. 298-300, 360-364, 627). Quelquefois, ces barres transversales sont au nombre de trois. Nat. Tr., p. 231-234, 306-310, 627. Outre le nurtunja et le waninga, Spencer et Gillen distinguent une troisième sorte de poteau ou drapeau sacré, c’est le kauaua (Nat. Tr., p. 364, 370, 629) dont ils avouent franchement, d’ailleurs, n’avoir pu déterminer exactement les fonctions. Ils notent seulement que le kauaua « est regardé comme quelque chose de commun aux membres de tous les totems ». Mais suivant Strehlow (III, p. 23, n. 2, le kauaua dont parlent Spencer et Gillen, serait simplement le nurtunja du totem du Chat sauvage. Comme cet animal est l’objet d’un culte tribal, on s’explique que la vénération dont est l’objet son nurtunja soit commune à tous les clans. North. Tr., p. 342 ; Nat. Tr., p. 309. Nat. Tr., p. 255. Ibid., chap. X et XI. Ibid., p. 138, 144.}} V. Dorsey, Siouan Cults, XIth Rep., p. 413 ; Omaha Sociology, IIIrd Rep., p. 234. Il est vrai qu’il y a un poteau sacré dans la tribu tandis qu’il y a un nurtunja par clan. Mais le principe est le même. Nat. Tr., p. 232, 308, 313, 334, et. ; North Tr., p. 182, 186, etc. Nat. Tr., p. 346. On dit, il est vrai, que le nurtunja représente la lance de l’ancêtre qui, au temps de l’Alcheringa, était à la tête de chaque clan. Mais il n’en est qu’une représentation symbolique ; ce n’est pas une sorte de relique, comme le churinza qui est censé émaner de l’ancêtre lui-même. Ici, le caractère secondaire de l’interprétation est particulièrement apparent. Nat. Tr., p. 614 et suiv., notamment, p. 6l7 ; North. Tr., p. 749. Nat. Tr., p. 624. Ibid'., p. 179. Nat. Tr., p. 181. V. des exemples dans Spencer et Gillen, Nat. Tr., fig. 131. On y verra des dessins dont plusieurs ont évidemment pour objet de représenter des animaux, des plantes, des têtes d’homme, etc., très schématiquement bien entendu. Nat. Tr., p. 617 ; North Tr., p. 716 et suiv. Nat. Tr., p. 145 ; Strehlow, 99, p. 80. Ibid. p. 151. Ibid. p. 346. Il n’est pas douteux, d’ailleurs, que ces dessins et ces peintures n’aient en même temps un caractère esthétique : c’est une première forme d’art. Puisque c’est aussi et même surtout un langage écrit, il s’ensuit que les origines du dessin et celles de l’écriture se confondent. Il paraît bien que l’homme a dû commencer à dessiner moins pour fixer sur le bois ou la pierre de belles formes qui charmaient ses sens, que pour traduire matériellement sa pensée (cf. Schoolcraft, Indian Tribes, I, p. 405 ; Dorsey, Siouan Cults, p. 394 et suiv.).

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