III
Mais de plus, alors même que l’homme aurait eu réellement des raisons de s’obstiner, en dépit de tous les mécomptes, à exprimer en symboles religieux les phénomènes cosmiques, encore fallait-il que ceux-ci fussent de nature à suggérer cette interprétation. Or d’où leur viendrait cette propriété ? Ici encore, nous nous trouvons en présence d’un de ces postulats qui ne passent pour évidents que parce qu’on n’en a pas fait la critique. On pose comme un axiome qu’il y a dans le jeu naturel des forces physiques tout ce qu’il faut pour éveiller en nous l’idée du sacré ; mais quand on examine d’un peu près les preuves, d’ailleurs sommaires, qui ont été données de cette proposition, on constate qu’elle se réduit à un préjugé.
On parle de l’émerveillement que devaient ressentir les hommes à mesure qu’ils découvraient le monde. Mais d’abord, ce qui caractérise la vie de la nature, c’est une régularité qui va jusqu’à la monotonie. Tous les matins, le Soleil monte à l’horizon, tous les soirs, il se couche ; tous les mois, la Lune accomplit le même cycle ; le fleuve coule d’une manière ininterrompue dans son lit ; les mêmes saisons ramènent périodiquement les mêmes sensations. Sans doute, ici et là, quelque événement inattendu se produit : c’est le Soleil qui s’éclipse, c’est la Lune qui disparaît derrière les nuages, c’est le fleuve qui déborde, etc. Mais ces perturbations passagères ne peuvent jamais donner naissance qu’à des impressions également passagères, dont le souvenir s’efface au bout d’un temps ; elles ne sauraient donc servir de base à ces systèmes stables et permanents d’idées et de pratiques qui constituent les religions. Normalement, le cours de la nature est uniforme et l’uniformité ne saurait produire de fortes émotions. C’est transporter à l’origine de l’histoire des sentiments beaucoup plus récents que de se représenter le sauvage tout rempli d’admiration devant ces merveilles. Il y est trop accoutumé pour en être fortement surpris. Il faut de la culture et de la réflexion pour secouer ce joug de l’accoutumance et découvrir tout ce qu’il y a de merveilleux dans cette régularité même. D’ailleurs, ainsi que nous en avons fait précédemment la remarque
Mais, dit-on, à défaut d’admiration, il y a une impression que l’homme ne peut pas ne pas éprouver en présence de la nature. Il ne peut pas entrer en rapports avec elle sans se rendre compte qu’elle le déborde et le dépasse. Elle l’écrase de son immensité. Cette sensation d’un espace infini qui l’entoure, d’un temps infini qui a précédé et qui suivra l’instant présent, de forces infiniment supérieures à celles dont il dispose ne peut manquer, semble-t-il, d’éveiller en lui l’idée qu’il existe, hors de lui, une puissance infinie dont il dépend. Or cette idée entre, comme élément essentiel, dans notre conception du divin.
Mais rappelons-nous ce qui est en question. Il s’agit de savoir comment l’homme a pu arriver à penser qu’il y avait, dans la réalité, deux catégories de choses radicalement hétérogènes et incomparables entre elles. Comment le spectacle de la nature pourrait-il nous donner l’idée de cette dualité ? La nature est toujours et partout semblable à elle-même. Peu importe qu’elle s’étende à l’infini : au-delà de la limite extrême où peut parvenir mon regard, elle ne diffère pas de ce qu’elle est en deçà. L’espace que je conçois par-delà l’horizon est encore de l’espace, identique à celui que je vois. Ce temps qui s’écoule sans terme est fait de moments identiques à ceux que j’ai vécus. L’étendue, comme la durée, se répète indéfiniment ; si les portions que j’en atteins n’ont pas, par elles-mêmes, de caractère sacré, comment les autres en auraient-elles ? Le fait que je ne les perçois pas directement ne suffit pas à les transformer
De plus, à supposer même que cette sensation « d’écrasement » soit réellement suggestive de l’idée religieuse, elle ne pourrait avoir produit cet effet sur le primitif ; car cette sensation, il ne l’a pas. Il n’a nullement conscience que les forces cosmiques soient à ce point supérieures aux siennes. Parce que la science n’est pas encore venue lui apprendre la modestie, il s’attribue sur les choses un empire qu’il n’a pas, mais dont l’illusion suffit pour l’empêcher de se sentir dominé par elles. Il croit pouvoir, comme nous l’avons dit déjà, faire la loi aux éléments, déchaîner le vent, forcer la pluie à tomber, arrêter le Soleil par un geste, etc.
D’ailleurs, si vraiment les choses de la nature étaient devenues des êtres sacrés en raison de leurs formes imposantes ou de la force qu’elles manifestent, on devrait constater que le Soleil, la Lune, le ciel, les montagnes, la mer, les vents, en un mot les grandes puissances cosmiques, furent les premières à être élevées à cette dignité ; car il n’en est pas qui soient plus aptes à frapper les sens et l’imagination. Or, en fait, elles n’ont été divinisées que tardivement. Les premiers êtres auxquels s’est adressé le culte — on en aura la preuve dans les chapitres qui vont suivre — sont d’humbles végétaux ou des animaux vis-à-vis desquels l’homme se trouvait, pour le moins, sur le pied d’égalité : c’est le canard, le lièvre, le kangourou, l’émou, le lézard, la chenille, la grenouille, etc. Leurs qualités objectives ne sauraient évidemment être l’origine des sentiments religieux qu’ils ont inspirés.
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[↑](#c4_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_I_Chapitre_3.xhtml#cite_ref-1-n409) C’est aussi, sans doute, ce qui explique la sympathie que semblent avoir éprouvée pour les idées animistes, des folkloristes comme Mannhardt. Dans les religions populaires, comme dans les religions inférieures, ce sont des êtres spirituels de second ordre qui sont au premier plan.
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[↑](#c4_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_I_Chapitre_3.xhtml#cite_ref-2-n411) Dans le morceau intitulé Comparative Mythology (p. 47 et suiv.). Une traduction française en a paru sous ce titre Essai de mythologie comparée, Paris-Londres, 1859.
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[↑](#c4_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_I_Chapitre_3.xhtml#cite_ref-3-n412)
Herabkunft des Feuers and Götterlranks, Berlin, 1859 (une nouvelle édition en a été donnée par Ernst Kuhn en 1886). Cf. Der Schuss des Wilden Jägers auf den Sonnenhirsch, Zeitschrift f. d. Phil., I, 1869, p. 89-169 ;
Entwickelungsstufen des Mythus, Abbliandl. d. Berl. Akad., 1873.
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[↑](#c4_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_I_Chapitre_3.xhtml#cite_ref-4-n414)
Der Ursprung der Mythologie, Berlin, 1860.
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[↑](#c4_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_I_Chapitre_3.xhtml#cite_ref-5-n415) Dans son livre Hercule et Cacus. Étude de mythologie comparée. L’Essai de mythologie comparée de Max Müller y est signalé comme une œuvre « qui marque une époque nouvelle dans l’histoire de la Mythologie » (p. 12).
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[↑](#c4_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_I_Chapitre_3.xhtml#cite_ref-6-n416)
Die Griechischen Kulte und Mythen, 1, p. 78.
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[↑](#c4_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_I_Chapitre_3.xhtml#cite_ref-7-n417) Parmi les écrivains qui ont adopté cette conception, il faut compter Renan. V. ses Nouvelles études d’histoire religieuse, 1884, p. 31.
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[↑](#c4_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_I_Chapitre_3.xhtml#cite_ref-8-n418) En dehors de la Comparative Mythology, les travaux de Max Müller où sont exposées ses théories générales sur la religion sont les suivants Hibberl lectures (1878), traduit en français sous ce titre Origine et développement de la religion. — Natural Religion, Londres, 1889. — Physical Religion, Londres, 1898. — Anthropological Religion, 1892. — Theosophy or Psychological Religion, 1893. — Nouvelles études de mythologie, Paris, F. Alcan, 1898. — Par suite des liens qui unissent les théories mythologiques de Max Müller à sa philosophie linguistique, les ouvrages précédents doivent être rapprochés de ceux de ses livres qui sont consacrés au langage ou à la logique, notamment Lectures on the Science of Language, traduit en français sous le titre de Nouvelles leçons sur la science du langage, et The Science of Thought.
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[↑](#c4_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_I_Chapitre_3.xhtml#cite_ref-9-n422)
Natural Rel., p. 114.
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[↑](#c4_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_I_Chapitre_3.xhtml#cite_ref-10-n424)
Physical Religion, p. 119-120.
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[↑](#c4_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_I_Chapitre_3.xhtml#cite_ref-11-n426)
Physic. Rel., p. 121 ; cf. p. 304.
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[↑](#c4_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_I_Chapitre_3.xhtml#cite_ref-12-n427)
Natural Religion, p. 121 et suiv., p. 149-155.
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[↑](#c4_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_I_Chapitre_3.xhtml#cite_ref-13-n429) « The overwhelming pressure of the infinite » (Ibid., p. 138).
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[↑](#c4_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_I_Chapitre_3.xhtml#cite_ref-14-n430)
Ibid., p. 195-196.
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[↑](#c4_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_I_Chapitre_3.xhtml#cite_ref-15-n431) Max Müller va jusqu’à dire que, tant que la pensée n’a pas dépassé cette phase, elle n’a que bien peu des caractères que nous attribuons maintenant à la religion (Physic. Relig., p. 120).
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[↑](#c4_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_I_Chapitre_3.xhtml#cite_ref-16-n432)
Physic. Rel., p. 128.
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[↑](#c4_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_I_Chapitre_3.xhtml#cite_ref-17-n433) V. The Science of Thought, p. 30.
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[↑](#c4_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_I_Chapitre_3.xhtml#cite_ref-18-n435)
Natural Rel., p. 393 et. suiv.
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[↑](#c4_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_I_Chapitre_3.xhtml#cite_ref-19-n437)
Physic. Rel., p. 133 ; The Science of Thought, p. 2l9 ; Nouvelles leçons sur la science du langage, t. II, p. 1 et suiv.
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[↑](#c4_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_I_Chapitre_3.xhtml#cite_ref-20-n438)
The Science of Thought, p. 272.
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[↑](#c4_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_I_Chapitre_3.xhtml#cite_ref-21-n440)
The Science of Thought, I, p. 327 ; Physic. Relig., p. 125 et suiv.
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[↑](#c4_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_I_Chapitre_3.xhtml#cite_ref-22-n441)
Mélanges de mythologie et de linguistique, p. 8.
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[↑](#c4_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_I_Chapitre_3.xhtml#cite_ref-23-n443)
Anthropological Religion, p. 128-130.
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[↑](#c4_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_I_Chapitre_3.xhtml#cite_ref-24-n444) L’explication, d’ailleurs, ne vaut pas celle de Tylor. D’après Max Müller, l’homme n’aurait pu admettre que la vie s’arrêtât avec la mort ; d’où il aurait conclu qu’il existe, en lui, deux êtres dont l’un survit au corps. On voit mal ce qui pouvait faire croire que la vie continue quand le corps est en pleine décomposition.
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[↑](#c4_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_I_Chapitre_3.xhtml#cite_ref-25-n446) V. pour le détail Anthrop. rel., p. 351 et suiv.
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[↑](#c4_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_I_Chapitre_3.xhtml#cite_ref-26-n447)
Anthrop. rel., p. 130. — Ce qui n’empêche pas Max Müller de voir dans le christianisme l’apogée de tout ce développement. La religion des ancêtres, dit-il, suppose qu’il y a quelque chose de divin dans l’homme. Or, n’est-ce pas là l’idée qui est à la base de l’enseignement du Christ ? (ibid., p. 378 et suiv.). Il est inutile d’insister sur ce qu’a d’étrange une conception qui fait du christianisme le couronnement du culte des mânes.
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[↑](#c4_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_I_Chapitre_3.xhtml#cite_ref-27-n450) V. sur ce point la discussion à laquelle Gruppe soumet les hypothèses de Max Müller dans Griechische Kulte und Mythen, p. 79-184.
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[↑](#c4_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_I_Chapitre_3.xhtml#cite_ref-28-n451) V. Meillet, Introduction à l’étude comparative des langues indo-européennes, 2° éd., p. 119.
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[↑](#c4_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_I_Chapitre_3.xhtml#cite_ref-29-n453) Oldenberg, La religion du Veda, p. 59 et suiv., Meillet, Le dieu iranien Mithra, in Journal asiatique, X n° 1, juillet-août 1907, p. 143 et suiv.
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[↑](#c4_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_I_Chapitre_3.xhtml#cite_ref-30-n455) Bien des maximes de la sagesse populaire sont dans ce cas.
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[↑](#c4_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_I_Chapitre_3.xhtml#cite_ref-31-n457) L’argument, il est vrai, n’atteint pas ceux qui voient dans la religion une technique (notamment une hygiène), dont les règles, tout en étant placées sous la sanction d’êtres imaginaires, ne laissent pas d’être bien fondées. Mais nous ne nous arrêterons pas à discuter une conception aussi insoutenable, et qui, en fait, n’a jamais été soutenue d’une manière systématique par des esprits un peu au courant de l’histoire des religions. Il est difficile de faire voir en quoi les pratiques terribles de l’initiation servent à la santé qu’elles compromettent ; en quoi les interdictions alimentaires, qui portent très généralement sur des animaux parfaitement sains, sont hygiéniques ; comment les sacrifices, qui avaient lieu lors de la construction d’une maison, la rendaient plus solide, etc. Sans doute, il y a des préceptes religieux qui se trouvent, en même temps, avoir une utilité technique ; mais ils sont perdus dans la masse des autres et même, très souvent, les services qu’ils rendent ne sont pas sans compensation. S’il y a une prophylaxie religieuse, il y a une saleté religieuse qui dérive des mêmes principes. La règle qui ordonne d’éloigner le mort du camp parce qu’il est le siège d’un esprit redouté est pratiquement utile. Mais la même croyance fait que les parents soignent avec les liquides issus du corps en putréfaction, parce qu’ils passent pour avoir des vertus exceptionnelles. — Sous le rapport technique, la magie a plus servi que la religion.
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[↑](#c4_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_I_Chapitre_3.xhtml#cite_ref-32-n459)
Études de mythologie comparée, p. 51-52.
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[↑](#c4_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_I_Chapitre_3.xhtml#cite_ref-33-n461) V. Nouvelles leçons sur la science du langage, II, p. 147, et Physic. Rel., p. 276 et suiv. Dans le même sens, Bréal., Mélanges, etc., p. 6 : « Pour apporter dans cette question de l’origine de la mythologie la clarté nécessaire, il faut distinguer avec soin les dieux qui sont un produit immédiat de l’intelligence humaine, des fables qui n’en sont qu’un produit indirect et involontaire. »
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[↑](#c4_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_I_Chapitre_3.xhtml#cite_ref-34-n462) C’est ce que reconnaît Max Müller. V. Physic. Rel., p. 132, et Mythologie comparée, p. 58 ; « les dieux, dit-il, sont nomina et non numina, des noms sans être et non des êtres sans nom ».
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[↑](#c4_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_I_Chapitre_3.xhtml#cite_ref-35-n464) Max Müller, il est vrai, soutient que, pour les Grecs, « Zeus était et est resté, malgré tous les obscurcissements mythologiques, le nom de la Divinité suprême » (Science du langage, II, p. 173). Nous ne discuterons pas cette assertion, historiquement bien contestable ; mais en tout cas, cette conception de Zeus ne put jamais être qu’une lueur au milieu de toutes les autres croyances religieuses des Grecs.
D’ailleurs, dans un ouvrage postérieur, Max Müller va jusqu’à faire de la notion même de dieu en général le produit d’un processus tout verbal et, par conséquent, une élaboration mythologique (Physic. Rel., p. 138).
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[↑](#c4_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_I_Chapitre_3.xhtml#cite_ref-36-n465) Sans doute, en dehors des mythes proprement dits, il y a toujours eu des fables qui n’étaient pas crues ou, du moins, qui n’étaient pas crues de la même manière et au même degré, et qui, pour cette raison, n’avaient pas de caractère religieux. La ligne de démarcation entre contes et mythes est certainement flottante et malaisée à déterminer. Mais ce n’est pas une raison pour faire de tous les mythes des contes, pas plus que nous ne songeons à faire de tous les contes des mythes. Il y a tout au moins un caractère qui, dans nombre de cas, suffit à différencier le mythe religieux : c’est son rapport avec le culte.
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[↑](#c4_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_I_Chapitre_3.xhtml#cite_ref-37-n470) V. plus haut, p. 38.
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[↑](#c4_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_I_Chapitre_3.xhtml#cite_ref-38-n472) Il y a, d’ailleurs, dans le langage de Max Müller, de véritables abus de mots. L’expérience sensible, dit-il, implique, au moins dans certains cas, « qu’au-delà du connu il y a quelque chose d’inconnu, quelque chose que je demande la permission d’appeler infini » (Natural Rel., p. 195. Cf. p. 218). L’inconnu n’est pas nécessairement l’infini, pas plus que l’infini n’est nécessairement l’inconnu s’il est, en tous ses points, semblable à lui-même et, par conséquent, à ce que nous en connaissons. Il faudrait faire la preuve que ce que nous en percevons diffère en nature de ce que nous n’en percevons pas.
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[↑](#c4_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_I_Chapitre_3.xhtml#cite_ref-39-n474) C’est ce que reconnaît involontairement Max Müller en certains endroits. Il confesse voir peu de différence entre la notion d’Agni, le dieu du feu, et la notion de l’éther par laquelle le physicien moderne explique la lumière et la chaleur (Physic. Rel., p. 126-127). Ailleurs, il ramène la notion de divinité à celle d’agency (p. 138) ou de causalité qui n’a rien de naturel et de profane. Le fait que la religion représente les causes ainsi imaginées sous la forme d’agents personnels ne suffit pas à expliquer qu’elles aient un caractère sacré. Un agent personnel peut être profane et, d’ailleurs, bien des forces religieuses sont essentiellement impersonnelles.
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[↑](#c4_Les_Formes_elementaires_de_la_vie_religieuse_Livre_I_Chapitre_3.xhtml#cite_ref-40-n476) Nous verrons, en parlant des rites et de la foi en leur efficacité, comment s’expliquent ces illusions (v. liv. II, chap. II).