Le surlendemain, le château d’Ercole prit un aspect inaccoutumé. Dès le point du jour, le préau s’emplit de monde, et les fanfares des sonneurs de trompe réveillèrent les vieux échos du fort.
Les veneurs avaient revêtu leurs plus beaux habits ; les chevaux, richement caparaçonnés, piaffaient d’impatience au milieu de la cour. Les chiens, peu accoutumés à pareille fête, aboyaient, le cou tendu sur leur laisse.
Le valtratto, ou équipage pour courre la bête noire, était composé d’une meute de chiens courants et d’une vingtaine de lévriers d’attache, grands, forts, bien traversés, remarquables par la largeur de la tête et des reins, par la grosseur et le feu des yeux.
C’était un gai spectacle que cette cohue d’hommes, de chevaux et de chiens rassemblés sur la pelouse du préau, à l’ombre de grands arbres dont le soleil levant dorait les cimes.
Tout à coup les trompes sonnèrent le boute-selle : le comte Hercule venait de paraître à côté du marquis de Santa-Fiore, arrivé depuis la veille au soir.
Le marquis était un gentilhomme de grande mine. Quoiqu’il eût au moins quarante ans, son visage noble, calme, aux lignes pures et correctes, présentait ce type de distinction et d’élégance qu’on trouve encore aujourd’hui chez les fils dégénérés des anciennes races italiennes. Il était bien fait de sa personne, et montait son cheval en cavalier accompli.
Une litière richement ornée suivait les deux cavaliers. Sur les coussins de la litière était assise une jeune fille qui paraissait ne prendre aucune part au plaisir de la chasse : c’était Alma. Elle abandonnait sa jolie tête aux ondulations de la litière ; son front, pensif et triste, était penché sur son épaule. Elle regardait d’un œil indifférent le beau marquis de Santa-Fiore ; elle songeait à Mario.
Mercedès, assise à côté d’Alma, égrenait son chapelet selon la coutume des duègnes espagnoles, qui se servent de leur chapelet comme les Françaises de leur éventail.
Quant au marquis de Santa-Fiore, il s’occupait surtout des équipages. Chasser noir était pour lui un plaisir sans égal : il y déployait une habileté que nul n’eût jamais songé à lui contester.
Les gentilshommes curieux l’entouraient à l’envi ; ils s’extasiaient sur ses observations pleines de justesse et d’une expérience longuement éprouvée. On faisait cercle autour de lui, et le marquis paraissait fier de cette admiration qu’il était d’ailleurs habitué à exciter.
Chacun prend sa gloire où il la trouve.
Enfin on sonna le départ à pleine trompe.
Le pont-levis s’abaissa, et la troupe entière se mit en marche.
— Monsieur mon hôte, dit Santa-Fiore au comte Hercule, vous avez un vautrait largement entretenu ; seulement vos chiens sont trop gras.
— Je suis bien vieux, M. le marquis, répondit Ercole, et bien accablé de soucis, mais il ne tiendra qu’à vous que ces meutes aient meilleure mine ; vous me ferez honneur et plaisir en venant souvent chasser chez moi.
— J’accepte de grand cœur, M. le comte, reprit Santa-Fiore, car je vous avoue que j’aime beaucoup à chasser noir, et nous n’avons pas une vraie compagnie sur mes terres. C’est un hasard quand mes limiers dépistent quelque ragot ou quelque marcassin, mais il y a des années que je n’ai vu le moindre sanglier.
Pendant cette conversation, la troupe descendait dans la belle vallée semée de bois et de marécages dont nous avons déjà plusieurs fois ébauché le dessin.
Il y avait bien longtemps qu’une aussi joyeuse compagnie n’était sortie du château d’Ercole. Tout le monde était de belle humeur, et notamment les gentilshommes de la suite, parmi lesquels on distinguait nos trois vieilles connaissances, Pasquale Contarini, Capitan, et Tiberio Fanferluizzi, qui à eux seuls faisaient plus de bruit que le reste de la troupe.
Pasquale, le nez rouge et resplendissant comme le soleil levant, donnait à sa gourde de longues et fréquentes accolades, en jurant corps de Bacchus qu’il est prudent en chasse de se prémunir contre l’air du matin.
Tiberio Fanferluizzi, paré d’un ravissant costume de chasse, déclamait un sonnet à Diane, qui est, comme chacun sait, la déesse des chasseurs.
Capitan racontait, quoique personne ne l’écoutât, comment il avait terrassé, tué, massacré à lui seul et sans chiens un sanglier de la plus large encolure.
Ces conversations, émaillées de vives réparties, jetaient un peu de gaieté parmi la troupe.
Cependant, à mesure qu’elle pénétrait dans les profondeurs de la vallée, le chemin devenait plus difficile. Les limiers, le cou tendu sur leur laisse, flairaient le sol avec avidité. Les chevaux hennissaient et rongeaient le mors.
La troupe chevauchait au milieu d’un paysage agreste, par un beau soleil du matin.
L’air était frais et parfumé ; on ne pouvait choisir un meilleur temps de chasse.
— Je crois, monsieur mon hôte, dit le marquis de Santa-Fiore, que voici un endroit propice. Il serait temps de mettre le limier en quête.
— Je m’en rapporte à votre sagesse, répondit le comte, qui voyait avec une secrète satisfaction l’animation du marquis. Ordonnez en maître.
Le marquis ne demandait pas mieux. Il mit pied à terre et trouva bientôt dans l’herbe et sur la terre humide certaines traces qui attirèrent toute son attention. Il mit un genou en terre et prit connaissance du pied.
— Voyez, messieurs, dit-il aux veneurs qui l’entouraient, c’est bien le pied d’un mâle. Les pinces sont grosses et les traces serrées. Si c’était une laie, les quatre pieds seraient ouverts, la sole et le talon plus larges.
Plus loin le marquis montra, dans une rangée de buissons qui fermaient la clairière, des marques nommées boutis, à l’aide desquelles un chasseur exercé peut donner la mesure exacte en longueur et en largeur de la hure du sanglier.
On découpla aussitôt les chiens, et le limier fut lancé sur la piste.
Alors la troupe entière prit une marche beaucoup plus rapide dans la direction de la forêt.
Ils traversèrent d’abord une sorte de clairière semée de buissons et d’arbustes et arrivèrent en peu d’instants aux premières futaies, sentinelles avancées des bois. À droite s’ouvrait la forêt profonde, accidentée de ravins et de collines, toute pleine d’ombre, de silence et de mystère ; à gauche, à travers un bouquet d’arbres, on apercevait l’eau bleue des marécages et leurs rives mélancoliques.
La trace du sanglier se dirigeait de ce côté ; la troupe des chasseurs s’y précipita comme un tourbillon ; mais cette course devait aboutir à un désappointement.
En effet, les chiens, l’œil en feu, la langue pendante, s’arrêtèrent au bord de l’eau.
— Je gage, s’écria le marquis de Santa-Fiore, que nous trouverons la souille et rien de plus !
Il montra un instant après, du bout de son fouet de chasse, entre les roseaux, sur la terre bourbeuse des rives du marécage, la marque du ventre du sanglier, qu’en termes de vénerie on nomme souille.
À en juger par la souille, c’était un sanglier de la plus grande taille.
— Vous voyez, messieurs, dit le marquis. Mais puisque nous ne le trouvons pas au marais, nous irons le chercher dans sa bauge !
On se remit en quête de la voie du sanglier. Elle se dirigeait vers la forêt. Le limier, chien à gros poil et courageux, s’élança hardiment ; meute, chevaux et chasseurs se mirent sur ses pas.
Tout à coup le marquis, le premier en avant, se dressa sur ses étriers et poussa ce cri bien connu des veneurs :
— Volle-ci, là !
On vit en effet une masse noire bondir dans les buissons avec une agilité surprenante.
— Volle-ci allé fuyant ! cria le marquis dont les yeux étincelaient.
Le sanglier prit en effet la fuite et se précipita impétueusement vers la forêt.
Alors tous les veneurs se mirent à crier à pleins poumons :
— S’en va, chiens ! s’en va ! hou ! hou ! chiens ! hou ! hou !
La troupe s’élança dans la forêt, au galop des chevaux, sans s’inquiéter des obstacles et des dangers sérieux d’une telle course.
Cependant la litière d’Alma ne put suivre ; les hommes qui la portaient étaient déjà hors d’haleine. Ils essayèrent de prendre le pas de course, mais les obstacles, facilement surmontés par les cavaliers, devenaient presque insurmontables pour des piétons chargés d’une lourde machine.
Alma ne se souciait pas beaucoup de voir tuer un pauvre animal, et son cœur était d’ailleurs trop sérieusement bon pour ne point compatir à la fatigue des hommes qui portaient sa litière. Elle leur ordonna de s’arrêter et de suivre la chasse si bon leur semblait, en attendant qu’il fût temps de rentrer au château.
Les porteurs ne se firent pas deux fois répéter cet ordre. Ils posèrent la litière, et, la curiosité l’emportant sur la fatigue, ils s’efforcèrent de rejoindre la chasse.
Alma resta donc seule avec Mercedès sur la lisière de la forêt entre les premiers arbres et les marais.
Par un sentiment d’antipathie qu’elle ne pouvait s’expliquer, elle évitait la compagnie de la duègne et trouvait toujours moyen, tantôt sous un prétexte, tantôt sous un autre, de l’éloigner ou de la fuir. Elle la laissa s’asseoir au pied d’un chêne et continuer en paix d’égrener son chapelet.
Des iris jaunes, des nénufars blancs et des myosotis croissaient sur les bords des marais au milieu d’autres fleurs superbes et délicates. Quelques-unes étaient remarquables par leur aspect singulier, leurs parfums étranges, toutes par cette grâce vive et sauvage qui distingue la fleur aquatique.
Alma sentit son cœur se dilater à la vue de cette belle et riche nature, et sans songer davantage à la chasse qui venait de s’éloigner, elle suivit doucement les rives parfumées en pensant à ceux qu’elle avait quittés !
Et tout en marchant, elle cueillait une à une les fleurs blanches, roses et bleues qui venaient se grouper en bouquet charmant dans sa main.
Alma était bien triste ; elle n’avait jamais ambitionné la fortune ou la grandeur ; elle était heureuse au milieu des montagnes où elle avait passé son enfance ; cette destinée modeste et simple convenait à son caractère tendre et soumis, et pour elle, qui n’avait jamais rien rêvé au-delà du regard et de l’amour de Mario, c’était une triste perspective que l’éternelle compagnie du marquis de Santa-Fiore et du comte Hercule.
Alma songeait à toutes ces choses, et elle soupirait.
Tout à coup un bruit se fit à ses côtés ; elle se retourna vivement, et après quelques secondes d’attention, elle aperçut à deux pas d’elle, et au-dessus des pointes vertes des plantes marécageuses, briller le feu de deux regards ardents.
D’abord la jeune fille eut peur, mais elle surmonta facilement le premier mouvement de terreur d’enfant, et reconnut la pauvre femme qui l’avait suivie dans son exil, et qui deux ou trois jours auparavant lui envoyait des baisers du haut des bastions extérieurs du fort.
Vue ainsi au milieu des roseaux et des nénufars, on eût pris volontiers la mendiante pour quelque fée des marais.
Alma courut à elle, mais lorsque la pauvre femme allait se lever toute rayonnante de joie et d’espoir, ses yeux rencontrèrent tout à coup au loin le pâle et maigre profil de Mercedès.
À l’aspect de la duègne, la femme noire tressaillit. Une expression de terreur indicible se répandit sur ses traits : elle recula en étendant les bras.
— Oh ! cette femme ! cette femme ! s’écria-t-elle en fronçant le sourcil.
— Vous tremblez ? dit Alma.
— Ne restons pas ici !… reprit l’inconnue ; il faut que je vous parle, mais la présence de cette femme me glace de crainte !
— Je vous suis, dit Alma.
La mendiante quitta alors le bord du marais, et se glissant de buisson en buisson, comme si elle eût craint que Mercedès ne l’aperçût, elle gagna le bois, se retournant de temps en temps pour voir si Alma ne l’abandonnait point.
Mais la jeune fille la suivait en souriant.
Sans savoir pourquoi, Alma se sentait attirée par une douce et irrésistible sympathie vers cette pauvre femme, qui paraissait tant l’aimer. Dans son exil, c’était le seul visage qu’elle pût regarder sans crainte, le seul cœur dans lequel elle se sentît disposée à verser tout ce que le sien contenait de tristesse et d’amertume.
Aussi Alma suivait en souriant.
À chaque pas le bruit des veneurs allait se perdant au loin ; on n’entendait plus que le tressaillement des feuilles au contact du vent, ou les riches vocalises des oiseaux heureux et libres. Le fourré devenait plus épais : on devait être fort loin de toute habitation humaine ; il pouvait peut-être y avoir du danger à s’aventurer de la sorte, seule et sans escorte…
Mais Alma ne pensait à rien… La pauvre femme l’appelait, et elle suivait en souriant.
Enfin la vieille femme s’arrêta, et Alma en fit autant.
L’endroit qu’elles venaient d’atteindre formait une sorte de petite retraite de quelques pieds carrés où pénétraient comme une pluie d’or les beaux rayons du soleil. Ce vert réduit était entouré de buissons élevés mêlés de haute futaie. Un arbre s’élevait parmi les buissons, c’était un chêne-nain dont le tronc rabougri se terminait à hauteur d’homme par une grosse tête d’où s’échappaient, comme une luxuriante chevelure, de vigoureux rameaux.
Au pied de cet arbre une mousse épaisse simulait un siège doux et commode : la pauvre femme y fit asseoir Alma, la forçant avec une autorité pleine de tendresse à s’adosser contre l’arbre.
Alma se laissa faire et semblait même se complaire dans cette sorte de soumission affectueuse avec laquelle elle accueillait les moindres désirs de la mendiante.
Cette dernière la regarda un moment avec un plaisir ineffable, comme si pour la première fois elle sentait bien que la jeune fille était en sa possession et que dans cette solitude nul ne pouvait venir troubler son bonheur.
Une idée toute d’amour et de grâce lui vint à l’esprit. Elle cueillit la ciguë, arracha un liseron de lierre, et, entrelaçant la fleur délicate au lierre noueux, elle en fit une couronne qu’elle posa sur les beaux cheveux d’Alma.
Elle s’agenouilla ensuite, et, la contemplant un moment avec une muette adoration :
— Oh ! vous êtes belle ! s’écria-t-elle en joignant les mains.
Alma était vraiment charmante ainsi. La ciguë avec ses fleurs d’un rose tendre, son feuillage pâle et dentelé, se mariait au lierre brun avec une grâce bizarre qui donnait à la physionomie d’Alma un caractère idéal et poétique dont l’imagination la plus simple eût été frappée.
Sans s’expliquer pourquoi Alma se sentait vivement émue des témoignages d’affection que lui donnait la pauvre femme. Cette émotion l’embarrassait ; elle chercha à en détourner le cours en rompant le silence.
— Y a-t-il longtemps, demanda-t-elle en rougissant légèrement, que vous êtes allée dans la montagne ?
— J’en viens, répondit la vieille femme, je suis toujours errante maintenant, et je vais alternativement de la montagne à la plaine et de la plaine à la montagne. Oh ! je demande à Dieu qu’il soutienne mes forces !
— Pauvre femme ! dit Alma d’une voix pleine de tendre compassion ; mais qui peut donc vous forcer à courir ainsi le pays ?…
— Une fatalité ! répondit l’inconnue dont le front s’assombrit tout à coup.
Alma sentit son cœur se serrer, et elle eut presque peur : mais cette femme venait de lui dire qu’elle était allée dans la montagne, et la curiosité lui donna du courage.
— Et qu’avez-vous vu dans la montagne ? demanda-t-elle avec anxiété ; Régina sans doute, n’est-ce pas ?… Ah ! si elle éprouve pour moi la même amitié que je ressens pour elle, elle a dû bien pleurer depuis mon départ.
— J’ai vu Régina, répondit la mendiante en remuant la tête. Elle allait, sur son petit cheval noir, à travers les sentiers de la montagne, et aucun nuage n’attristait son front.
— Toujours folle ! objecta Alma en souriant avec bonté ; c’est elle qui donne la vie et l’animation à la montagne ; ce serait un séjour bien triste, si elle cessait de l’habiter. Régina est la joie de mon oncle ; le jour où elle manquerait, Andrea mourrait…
— Andrea est bien sombre depuis votre départ…, interrompit la femme noire.
— Croyez-vous ?
— Je l’ai vu.
— Pauvre oncle !
— Il se tenait debout sur le sommet du plateau qui domine la vallée… le front baissé, les bras croisés sur la poitrine… Andrea a, dit-on, bien changé depuis que vous n’êtes plus là.
— Est-ce possible ?
— Il est maintenant d’une dureté extrême envers sa troupe… Il rudoie tout le monde ; chacun tremble à son approche.
— Pauvre oncle !… fit Alma en devenant rêveuse.
Ces paroles de la vieille femme la reportaient tout à coup vers cette époque de sa vie où libre, heureuse, elle avait senti se développer et grandir les plus chers sentiments de son cœur. Maintenant elle se rappelait avec amertume ces jours enfuis pour toujours, et elle envisageait avec une terreur instinctive d’enfant l’avenir qui lui était réservé, et qu’un voile sombre lui cachait encore.
Enfin elle releva la tête, et regarda doucement la vieille femme : une timide rougeur colorait ses joues et son sein se soulevait avec effort.
— Il y a encore au château, dit-elle, une personne que je n’ai pas vue depuis mon départ : savez-vous ce qu’est devenu mon cousin Mario ?
— Oh ! c’est à faire pitié, répondit la femme noire ; il est d’une tristesse dont rien n’approche. On le rencontre la tête baissée par les chemins, marchant à pas lents. Il lui reste à peine le courage de porter son mousquet. Souvent il va s’asseoir auprès de la petite fontaine où vous alliez souvent vous asseoir avec lui, et où je vous ai rencontrés quelquefois ensemble… Pauvre enfant, ce souvenir vous attriste et vous fait pleurer !…
En effet, des larmes à la fois amères et douces coulaient le long des joues d’Alma ; les paroles de la pauvre femme lui révélaient l’amour de Mario, et son cœur était en même temps tout triste et tout réjoui.
— Vous pleurez, mon enfant ! reprit la pauvre femme. Oh ! vous l’aimez donc ?…
— Moi ! dit Alma troublée.
— Vous l’aimez ! articula-t-elle en hochant la tête. Oh ! je connais cela, mon enfant… Pourquoi rougir d’un sentiment si pur et qui fait votre seul espoir ?… Aimez, aimez sans crainte, l’amour vient de Dieu, et c’est un sentiment noble et saint… Avant que la chasse ne rentre, voulez-vous, Alma, que je vous raconte une belle histoire d’amour ? C’est une consolation, pour ceux qui aiment, d’entendre raconter les souffrances des autres.
— Une histoire d’amour ? dit Alma en souriant à travers ses larmes.
— Une belle histoire, digne des anciens temps de la chevalerie, quoiqu’elle se soit passée il y a bien peu d’années.
— Oh ! je vous écoute, dit Alma. Asseyez-vous près de moi. Le soleil n’est pas encore au milieu du ciel, nous avons de longues heures.
La pauvre femme attendit à peine cette invitation. Elle s’assit aux pieds d’Alma et commença ainsi :