V APPEL AUX ARMES !

Peu de jours après la réunion nocturne provoquée par Rio-Santo, chacun de ses lieutenants se trouvait à la tête d’une véritable armée. Chaque comité avait été avait été joliment travaillé par ses émissaires et, particulièrement dans le comté de Waterford, la récolte d’hommes avait été bonne, grâce à l’influence et à la parole entraînante d’un faux moine qui, sous le nom de Père Mick (Mickaël Mac Coghlan), prêchait la révolte sainte au Purgatoire de Saint-Patrick.

Le 15 août 184., les forces rebelles qui avaient été réunies en différents endroits quittèrent leurs campements respectifs pour marcher vers Dublin. Aux escarmouches, allait succéder la bataille, avant même que le gouvernement de la reine ait songé à prendre aucune mesure pour s’assurer de Fergus O’Breane, les lords de l’Amirauté et du département de la Guerre étant intimement persuadés qu’il n’avait pu avoir l’audace de revenir en Europe et jouissait de son triomphe dans quelque refuge lointain de la Polynésie.

La veille, Angelo Bembo, à la tête d’un millier d’Irlandais, avait taillé en pièces, dans les chemins creux de Dunmor, un bataillon anglais envoyé pour l’arrêter. Fergus O’Breane avait laissé les vainqueurs se reposer quelques heures, puis, vers le milieu de la nuit, l’ordre de marcher en avant fut donné.

On dormait à Dublin comme à Londres, tandis que sur toutes les routes de la verte Érin se glissaient les méandres de deux foules armées.

Dans les comtés de Wexford et de Wicklor, l’insurrection de 1798 a semé les cadavres par milliers. Les morts de cette époque devaient tressaillir en entendant résonner le sol sous les pas de ceux qui avaient relevé le drapeau de l’indépendance tombé de leurs mains défaillantes.

Le Père Mick marchait auprès du cheval du marquis et causait avec lui. Ses yeux brillaient d’un étrange éclat dans les ténèbres. Ce grand vieillard à barbe blanche croyait revivre la lutte effroyable à laquelle il avait été mêlé jadis.

De temps en temps, il étendait le bras, soit à droite, soit à gauche du chemin, et montrait un point fixe.

– Là-bas, à New-Rose, disait-il, j’étais aux côtés de Bagenal Harwey, notre chef. Nous étions plus de deux mille, mais la moitié au moins n’avaient que des bâtons et des fourches ; au bout de trois heures, les autres n’avaient plus de poudre et le combat dura dix heures. Les mille hommes de troupe royale ne manquaient de rien et leurs décharges faisaient dans nos rangs des trouées énormes. On ne faisait quartier ni d’un côté ni de l’autre. C’est pourquoi de tous ceux qui tombèrent nul ne se releva jamais. Je me souviens que la milice de Dublin ne voulait pas marcher contre nous ; mais son colonel était brave, il s’appelait lord Mountjoy. Il s’élança au plus fort de la mêlée, en s’écriant : « Votre colonel va mourir, à vous de le venger ! » Il fit dix pas et tomba…

Mickaël Mac-Coghlan cessa un instant de parler pour se souvenir :

Lord Mountjoy tomba, reprit-il, mais il tenta de se relever et, dès qu’il fut sur ses pieds, l’épée haute, un jeune homme se jeta sur lui et lui trancha la gorge d’un seul coup… Ce jeune homme n’avait pas vingt ans ; on n’a jamais dit son nom…

– C’était vous, murmura Rio-Santo.

– Attendez, je me souviens encore d’autre chose, reprit le Père Mick. Dans une grange de Scullabogue, on avait enfermé trois cents protestants prisonniers. Qui donna l’ordre de les fusiller ? Ce ne fut pas Bagenal Harwey. On en fusilla cinquante, mais cela n’allait pas assez vite ; on incendia la grange. Les Pères Roche et Murphy prirent le commandement, car Harwey ne voulait pas être responsable de ces atrocités. Ce n’est pas lui qui avait donné l’ordre…

– C’était vous, dit encore Rio-Santo.

L’autre ne répondit pas directement. Il ajouta, la voix un peu oppressée :

Les protestants avaient brûlé mon frère et son enfant. J’ai sauvé les enfants et les femmes.

Une larme perla au bord des cils du vieillard. Il se recueillit quelques minutes et sa voix grave résonna de nouveau dans la nuit :

Chaque jour débarquaient en masse des troupes anglaises, l’espoir s’en allait de nos cœurs. Nos ennemis étaient trop : à leur férocité, nous ne pouvions opposer que d’horribles vengeances. Un matin, sur le pont de Wexford, une centaine de protestants furent promenés, embrochés sur des piques : bien peu d’entre eux étaient morts quand nous les jetâmes dans la Slaney. Une heure après, du haut de leur potence, Bagenal Harwey, le Père Roche et le Père Murphy laissaient tomber un dernier regard sur les eaux qui charriaient des cadavres protestants vers la mer… Et le lendemain matin, quelqu’un avait volé la robe de bure du Père Murphy…

Le marquis abaissa ses regards sur Mac-Coghlan…

– La robe était-elle à votre taille ? demanda-t-il, songeur.

– Il y a quarante-deux ans que je la garde, répondit le Père Mick, j’attendais que mon corps prenne l’ampleur nécessaire pour la porter décemment, car les ciseaux d’un tailleur ne pouvaient attaquer cette relique, sans sacrilège… avant-hier soir je l’ai revêtue pour la première fois… certaines parties de cette robe sont durcies comme l’acier d’une cuirasse : c’est par là qu’a saigné le cœur du Père Murphy.

Avec des hommes de cette trempe, Fergus O’Breane pouvait aller loin. Il avait éprouvé le courage de Kildare, il savait ce qu’il pouvait demander à Mac-Carthy.

Tous ceux qui le suivaient étaient solidement armés et les munitions ne pouvaient leur faire défaut. Mais, si meurtrière, si désespérée que dût être la lutte, jamais il ne devait tolérer des atrocités comme celles dont venait de parler le Père Mick.

Carlow était en rumeur. La nuit précédente, on avait entendu galoper les lobsters et nul ne les voyait revenir. Les bruits les plus étranges s’étaient répandus dans la ville ; certains disaient qu’une armée française venait de débarquer pour délivrer l’Irlande du joug anglais : toujours, – et maintenant encore, – la Pologne de l’Angleterre a attendu son salut de la France.

Des hurrahs frénétiques accueillirent Fergus O’Breane. Nul ne savait qui était cet homme, mais après quelques paroles échangées et quand ils virent flotter le drapeau rouge et noir, les habitants comprirent que la Ligue des United Irishmen était ressuscitée. Et comme à Kilkenny les Anglais se terrèrent au fond de leurs demeures.

De son côté, Randal Grahame n’était pas inactif dans le nord de l’île. Il avait divisé ses forces en trois groupes qui descendaient de l’Ulster sur Dublin en balayant tout sur leur passage. Dans l’espace de quarante-huit heures, les révoltés avaient massacré la garnison de trois ou quatre villes sans que le lord-lieutenant en sût rien dans sa capitale.

Cet état de chose ne pouvait durer, car le marquis de Rio-Santo n’entendait pas combattre dans l’ombre et frapper dans la nuit. Chef de la Grande Famille, il avait miné dans les ténèbres la puissance anglaise, mais la plupart des hommes qui le suivaient alors n’étaient pas dignes de se battre au grand jour. Maintenant il avait derrière lui ses frères irlandais, les martyrs dont il était si facile de faire des héros.

Ce fut comme un coup de tonnerre à Dublin et à Londres, quand le lord-lieutenant d’Irlande, le lord haut chancelier, le secrétaire en chef pour l’Irlande et le président de la Chambre des communes et de celle des lords, reçurent chacun une missive identique, qui était une menace, et quand la reine elle-même trouva sous sa serviette, en se mettant à table, une lettre qui était une déclaration de guerre.

Toutes ces lettres, écrites de la même main, disaient en substance :

« Les jugements des hommes, appuyés sur le nombre, sur la force, sur le despotisme, ne sont rien et se retournent souvent contre leurs auteurs. Dieu et le destin jugent sans passion, et le verdict atteint non des individus mais des peuples. À ces heures solennelles de l’histoire, un homme surgit, chargé d’exécuter l’arrêt : un arrêt de mort a été rendu contre l’Angleterre, l’homme est là. Victime de la barbarie de Londres, il a réuni autour de lui les victimes : vingt mille sont venues, demain elles seront cent mille et l’Angleterre, qui a écrasé des nations, sera écrasée à son tour. Ceci n’est que justice !

« L’Irlande est debout, l’Irlande a des armes ! L’Angleterre a posé son pied sanglant sur la tête de ses rois, de ses princes, de ses chefs de clans, de ses paysans et de ses femmes. Sur le sol d’Érin, on marche sur des crânes… et les crânes roulent ! Ceux qui s’appuient dessus, perdant l’équilibre, tomberont demain.

« En face de l’Angleterre repue, gorgée de richesses et d’or, pâmée dans la luxure et dans le vin, l’Irlande secoue ses chaînes et, régénérée, se relève. Il est trop tard pour endiguer le torrent, trop tard pour débarquer des troupes, trop tard pour agir et se repentir !

« Où donc sont les juges du Middlesex, qui condamnèrent un Irlandais à être pendu pour avoir voulu dévaliser la Banque de Londres, quand ils savaient bien que cet homme avait un autre but ? Ils n’ont point osé le dire, de crainte d’ébranler le trône : et voilà que le trône chancelle, prêt à s’effondrer demain. Si, dans quarante-huit heures, le cabinet de Londres n’a pas retiré ses troupes de l’île, s’il n’a pas proclamé l’Irlande libre, alors, malheur à l’Angleterre ! »

La lecture de cet ultimatum ne laissa pas d’inquiéter fortement ceux qui le trouvèrent dans leur courrier du matin. Dès les premières lignes, ils purent croire à une bravade et sourirent ; mais force leur fut de lire plus attentivement le reste après avoir jeté sur la signature un coup d’œil effrayé.

Si l’abus des titres, à la suite des noms, fait quelquefois sourire, il n’en fut pas de même dans l’occasion et plus d’une lettre trembla dans la main de celui qui la tenait. Car, uniformément, toutes étaient signées : « Fergus O’Breane, » et en dessous : « Don José Maria Tellès de Alarcaon, marquis de Rio-Santo, grand de Portugal, chef suprême de la Ligue des United Irishmen. »

Le lord-lieutenant de Dublin donna l’ordre aussitôt de mobiliser la milice autour du château et reçut les rapports de police. Il apprit que, durant la nuit, un appel aux armes avait été affiché sur les murs sans qu’on sût par qui. Une effervescence inouïe régnait parmi les habitants ; nombre d’entre eux avaient déjà quitté la ville pour se joindre aux rebelles. De tous les comtés du Leinster et du Connaught arrivaient les mêmes nouvelles, et le fonctionnaire de Sa Majesté britannique fit embarquer sa famille pour Liverpool.

L’affolement n’était pas moins considérable à Londres, où l’on se souvenait encore avec terreur du désastre de Crewe, où l’on maudissait l’auteur introuvable des désastres d’Australie.

Le Parlement fut convoqué d’urgence, en séance secrète. Le secrétaire à la Guerre se fit fort de débarquer dans les quarante-huit heures sur les côtes d’Érin une armée formidable qui réduirait les rebelles à l’impuissance, les écraserait comme on l’avait fait en 1798 et en 1803. Il exigeait seulement un silence complet sur des événements si graves, qu’on agita la question de mettre la principauté de Galles en état de défense et à l’abri d’un coup de main.

Le beau sang-froid, l’immuable flegme britannique n’existaient plus devant la menace du condamné d’Old-Bailey. Quelques lords feignaient encore de croire à une fanfaronnade, mais le gouvernement apprit dans la journée que la garnison de Kilkenny avait été enlevée, celle de Carlow écharpée et que l’Ulster était en feu.

Malgré le secret gardé par les membres du Parlement, tout Londres, à midi, connaissait l’insurrection d’Irlande et savait le nom de celui qui la dirigeait. Les affamés de la Petite-Irlande se dirigeaient par troupeaux vers le canal Saint-Georges et, dans les palais comme dans les tavernes et les réduits les plus obscurs, on discutait les événements.

De grand matin, alors que lady Ophélia dormait encore d’un profond sommeil à Barnwood-House, sa femme de chambre était entrée pour lui remettre sur un plateau d’argent une lettre apportée par un inconnu.

– Que milady me pardonne, murmura Jane en la réveillant ; le porteur a dit qu’il y avait urgence à donner ce pli à milady.

La belle comtesse de Derby entrouvrit ses yeux lourds de sommeil, prit négligemment l’enveloppe du bout des doigts et regarda la suscription. D’un brusque mouvement, elle rompit le cachet et se mit sur son séant. Ses regards dévoraient les lignes et son visage était tout pâle.

– Dieu ! s’écria-t-elle. Aurait-il eu l’audace de revenir à Londres !… Il est perdu !

Elle était si troublée qu’elle ne parvenait pas à fixer les caractères de la missive dont les lignes avaient été tracées pour elle dans la caverne de Dunmor par le marquis de Rio-Santo :

« Milady, disait la lettre, des années viennent de s’écouler pendant lesquelles votre souvenir ne s’est pas éloigné de ma mémoire. Quand vous reverrai-je à Londres ? Bientôt. Stephen Mac-Nab a dû parler de moi avec Frank Perceval dans les salons de Trevor-House, et Mary Trevor est guérie. Je serai présent à son mariage avec Frank Perceval… En attendant, le monde assistera au réveil de l’Irlande… Ophélia ! priez pour la cause irlandaise ! »

– Qui vous a remis cette lettre, Jane ? demanda la comtesse.

– Un homme qui dit venir d’Irlande.

– Priez-le de m’attendre et habillez-moi vite.

– Il est parti, murmura la suivante.

Ophélia acheva rapidement sa toilette et, grâce à ses relations, se présenta dans des maisons où elle apprit bien vite ce que tout le monde savait à Londres depuis une heure.

On n’était pas moins bien instruit à la taverne de The Pipe and Pot, où les débris de la Famille continuaient à se réunir. On y regrettait Snail, Turnbull et surtout le bon capitaine Paddy O’Chrane, qui souvent avait pour les amis des schellings dans ses poches. Mistress Dorothy, en entendant prononcer son nom, essuyait une larme du coin de son tablier.

On était également bien informé chez le docteur Moore :

– C’était son but, disait celui-ci à Tyrrel l’Aveugle. Par la mort Dieu !… l’Irlande a été le tombeau de bien d’autres et nous n’entendrons plus parler de lui.

Et le soir, à Trevor-House, Mary parlait de Rio-Santo avec miss Diana Stewart, sa cousine :

– Pourquoi revient-il ? murmurait la pauvre enfant. J’étais si heureuse de l’amour de Frank.

– Que craignez-vous, Mary ? repartit la jeune fille. Jadis, on pouvait épouser Rio-Santo…

– Aujourd’hui, comme jadis, il peut m’empêcher d’en épouser un autre… celui que j’aime !… J’ai peur de cet homme, Diana !

Le nom du marquis volait de bouche en bouche ; toutes les classes de la société londonienne étaient remuées de ce que ce nom avait été prononcé.

C’est qu’il n’était pas bien loin, le jour où les hommes disaient de lui :

– Ce Rio-Santo n’a pas son pareil !

Et où les femmes ajoutaient :

– Malheur à ses rivaux ! car rien ne lui résiste.

Les sentiments n’étaient pourtant plus les mêmes à son égard. Jadis, il avait régné par la beauté, par la richesse, par le mystère. Le jugement d’Old-Bailey l’avait abattu dans l’opinion publique ; son évasion l’avait relevé. Une légende qui inspirait la terreur l’avait accompagné à Crewe, puis à Sydney. Aujourd’hui qu’on le savait tout près, bravant et menaçant l’Angleterre, il redevenait mystérieux et grand. Peut-être l’eût-on salué bien bas si l’huissier avait ce soir-là même jeté son nom à l’entrée des salons de Trevor-House ?

Fergus O’Breane n’avait point perdu son temps dans la grotte de Dunmor. Il avait écrit à Londres ; il avait écrit aussi en Écosse.

À la ferme de Leed s’était présenté un homme couvert de poussière, qui avait demandé à parler à Mary Mac-Farlane.

– Ma mère est là, je vais l’appeler, lui répondit une jeune fille resplendissante de beauté et de grâce.

La comtesse de White-Manor parut. L’homme lui tendit une lettre et se retira.

– Attendez, lui dit-elle, vous devez avoir besoin de vous rafraîchir.

– Je vous remercie, dit le messager en étendant son bâton vers l’ouest. On m’attend là-bas !

Parmi les choses qu’un Irlandais ne refuse jamais, il en est trois qui priment toutes les autres : un verre de whisky, un combat loyal et le baiser d’une belle fille. Il se trouva que celui-ci avait un combat en perspective : Susannah ne l’eût point embrassé, le whisky l’eût retardé ; il souleva son chapeau et s’enfonça dans la campagne.

Anna était accourue et ce fut entre les deux jeunes filles que la comtesse de White-Manor rompit les cachets. Tout de suite, elle courut à la signature et ses yeux se troublèrent :

– C’est de Fergus, murmura-t-elle. Dieu lui soit en aide !

Étant trop émue pour lire, elle tendit la lettre à Susannah. Un flot de sang était monté aux joues de celle-ci, mais elle rassembla son courage et lut à haute voix :

« Mes sœurs,

« Dans votre petit coin d’Écosse, vous ignorez ce que fait celui qui vous a quittées pour courir le monde et accomplir son destin. Espérez et ne quittez pas le lieu où vous êtes : c’est là que j’irai vous retrouver bientôt, je l’espère. Je suis tout près de vous ; pourtant, entre vous et moi, il y a la vie d’un peuple. Ayez la patience de m’attendre et priez pour moi sur la tombe de mon frère Angus. »

Anna se mit à pleurer :

– Il n’y a rien pour moi ? demanda-t-elle à travers ses larmes. Où est Angelo ? où est Clary ?

Susannah l’embrassa et tourna la page :

– Écoute, petite sœur, répondit-elle ; il y a quelque chose pour la tendresse et pour ton amour.

Deux lignes étaient tracées au verso :

« Clary sera la Jeanne d’Arc de l’Irlande et Ange Bembo se souvient. »

Ainsi Fergus O’Breane avait annoncé à ceux qu’il aimait, comme à ceux qu’il haïssait, sa descente en Irlande. Aux premiers, il n’avait point dit tout ce qu’il pensait faire, les autres l’avaient compris sans qu’il fût besoin de le dire.

En se démasquant, Rio-Santo savait ce qu’il jouait. L’Angleterre mit sa tête à prix. En attendant que les soldats fussent débarqués sur les côtes d’Irlande, le gouvernement envoya un bateau chargé de placards qui furent affichés aussitôt dans les comtés. Ordre y était donné à toutes les autorités anglaises ou irlandaises établies dans l’île d’arrêter, incarcérer et faire conduire à Londres, sous bonne escorte, Fergus O’Breane, marquis de Rio-Santo, rebelle aux lois, traître à la patrie, pour y être pendu haut et court devant Newgate. Une prime de deux mille livres sterling (50.000 francs) était offerte à qui l’arrêterait et le livrerait à la justice anglaise. D’autres primes étaient promises à ceux qui tueraient de leur main lui ou ses principaux compagnons rebelles.

Mais à mesure qu’apparaissaient les affiches, elles étaient lacérées par les habitants des campagnes et des villes et vingt-quatre heures après, enlevé de son palais par ordre de Rio-Santo, le lord-lieutenant d’Irlande était déposé à Liverpool, porteur d’une lettre dans laquelle il était enjoint au gouvernement anglais de distribuer mille livres sterling aux pauvres du quartier irlandais de Londres, faute de quoi les quatre gouverneurs de l’Ulster, du Leinster, du Connaugh et de Munster seraient poignardés dans les trois jours.

Le cabinet britannique dut s’exécuter et personne ne se trouva pour arrêter Rio-Santo.

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