XXXII La chambrette

Fleur-des-Genêts soutenait de son mieux le capitaine endormi sur la selle. Elle ne voulait point s’avouer à elle-même que la fatigue l’accablait, mais elle n’était qu’une jeune fille, et ses forces défaillaient rapidement.

Par bonheur, si violent que fût le narcotique administré par maître Alain, son effet ne put résister longtemps au mouvement du cheval. Au bout de quelques minutes, les membres de Didier se raidirent et son corps entier éprouva de légères convulsions.

– Didier ! s’écria joyeusement Marie, c’est moi qui vous ai sauvé !

C’était une de ces rares nuits où l’automne breton déride son sévère aspect et oublie d’agrafer son manteau de brouillards. La lune pendait, brillante, à la voûte du ciel limpide. Une fraîche brise courait entre les troncs centenaires de l’avenue, et venait à l’odorat tout imprégnée des parfums de la glandée. Les hautes cimes des chênes se balançaient avec lenteur et harmonie, secouant çà et là sur les bruyères leurs couronnes sonores.

Certes, on pourrait difficilement se figurer un réveil plus féerique que celui qui attendait Didier. Un instant le jeune capitaine crut poursuivre un rêve. Il se sentait emporté par le galop d’un cheval, et entendait vaguement à son oreille les sons d’une voix sympathique.

Mais la brise de la forêt arrivait de plus en plus froide à son front, et chassait les dernières brumes de l’opium. Il souleva enfin sa paupière alourdie, et aperçut le visage de Fleur-des-Genêts à côté du sien.

Il porta les mains à ses yeux, étonné de la persistance de ce songe bizarre. Fleur-des-Genêts écarta sa main et il fut forcé de la voir encore.

Didier aspirait fortement l’air de la nuit. La fraîcheur vivifiante de l’atmosphère et la force de sa constitution combattaient le malaise que laissait à tous ses membres l’énervante action de l’opium. Néanmoins il souffrait ; son crâne pesait sur son cerveau comme un casque de plomb.

– Allons, dit-il en essayant de secouer la torpeur où il restait plongé en dépit de lui-même ; ceci m’a tout l’air d’un enlèvement, dans lequel les rôles sont intervertis. Mettons pied à terre, Marie. Je ne sais, j’ai besoin de repos.

Ils avaient passé les derniers arbres de l’avenue, et le dôme de la forêt était sur leurs têtes. Marie se laissa glisser de la croupe du cheval et toucha le gazon.

Didier fit quelques pas en chancelant et s’assit au pied d’un arbre où il s’endormit aussitôt. Marie attira le cheval dans le taillis, mit la tête de Didier sur la mousse et demeura immobile.

Il était sauvé ; elle était heureuse, et veillait avec délices sur son sommeil.

Un quart d’heure à peine s’était écoulé, lorsqu’elle entendit un bruit de pas dans le sentier. Elle retint son souffle et vit d’abord quatre hommes dont chacun portait le bras d’une civière, où un cinquième individu était étendu garrotté. Ces quatre hommes marchaient en silence. Ils passèrent.

Puis un sourd fracas retentit dans la direction de La Tremlays, augmentant sans cesse et approchant avec rapidité. Marie, effrayée, traîna le capitaine au plus épais des buissons.

Presque au même instant, la cohue des Loups envahit le sentier.

Ils n’allaient plus en silence et tâchant d’étouffer le bruit de leurs pas, comme lorsque le pauvre Jude les avait rencontrés quelques heures auparavant. C’était un désordre, une joie, un vacarme. Ils couraient, chantant ou devisant bruyamment. Sur leurs épaules sonnaient de gros sacs de toile tout pleins des pièces de six livres de M. l’intendant royal.

La prise était bonne ; la nuit s’était passée en pillage et en orgie ; c’était fête complète pour les gens de la forêt.

« Ce n’est pas péché de voler le roi ! » disait le proverbe breton. Les Loups étaient contents d’eux-mêmes autant que s’ils eussent fait œuvre pie.

L’argent qu’ils emportaient doublait de prix à leurs yeux, pour avoir été volé au fisc, leur mortel ennemi, et nous pouvons affirmer qu’aucun remords ne troublait leur conscience.

Fleur-des-Genêts tremblait. Dans cette course folle, un soubresaut pouvait jeter quelqu’un des Loups hors de la route et lui faire découvrir Didier endormi.

Or, d’après la conversation qu’elle avait entendue dans la loge entre Pelo Rouan et Yaumi, l’envoyé des Loups, elle devait croire que ces derniers en voulaient à la vie du capitaine.

Tous passèrent cependant sans encombre.

À la suite de la cohue, marchait encore ce personnage qu’on nommait le Loup Blanc dans la forêt. Loin de partager la joie de ses compagnons, il semblait triste, et courbait son visage masqué de blanc sur sa poitrine.

Lorsqu’il passa devant Fleur-des-Genêts, la jeune fille eut un mouvement de surprise et tendit le cou en avant.

– Serait-ce lui ! murmura-t-elle avec émotion et frayeur ; c’est impossible !

Le Loup Blanc disparut comme ses louveteaux derrière un coude de la route. Tout rentra bientôt dans le silence, et l’on n’entendit plus que la mystérieuse et fugitive chanson qui descend, la nuit, de la cime balancée des grands arbres.

Les heures s’écoulèrent. Ce fut seulement lorsque la brise, plus piquante, annonça le prochain lever du jour, que Didier secoua sa léthargie.

Il était perclus et glacé. Ses membres raidis refusaient de se mouvoir.

Marie entraîna Didier qui, vaincu qu’il était par son engourdissement, n’avait plus ni volonté ni force. Tous deux se mirent en selle et le cheval galopa dans la direction du carrefour de Mi-Forêt.

À une centaine de pas de la loge, Marie mit pied à terre.

Elle approcha doucement. La porte était ouverte.

– Mon père ! appela-t-elle.

Personne ne répondit.

– Il n’est pas là ! pensa la jeune fille avec joie. Dieu soit loué !

Elle revint à la rencontre du capitaine dont elle soutint la marche chancelante. Ils entrèrent et franchirent la salle basse où nous avons assisté à l’entrevue de Jude et de Pelo Rouan, puis Marie ouvrit la porte de la chambre à Didier qui ne pouvait plus se soutenir.

Elle n’avait pas aperçu, en traversant la loge, deux yeux rouges briller derrière le tas de paille qui servait de couche à Pelo Rouan. Pendant qu’elle passait, ces yeux rayonnèrent d’un plus sanglant éclat. Quand elle fut passée, ils changèrent brusquement de position et s’élevèrent de plusieurs pieds.

C’est que Pelo Rouan, qui était étendu sur la paille, venait de se dresser sur ses genoux.

– Je remercie Dieu, murmura-t-il, de m’avoir donné des prunelles de bête fauve qui voient dans la nuit. Je l’ai bien reconnu, le Français maudit ! Il est là, et il y restera. Marie ! pauvre petite fille !

Ces derniers mots furent prononcés d’un ton de tendresse profonde, ce qui n’empêcha point Pelo Rouan de décrocher le vieux mousquet suspendu au mur et d’y couler deux balles sur une copieuse charge de poudre.

Cela fait, il visita fort attentivement la batterie et se glissa hors de la loge.

Il n’alla pas loin : il grimpa sans bruit le long du tronc droit et lisse d’un bouleau planté devant la fenêtre de Marie et dont les branches passaient par-dessus la loge.

Il s’assit sur l’une de ces branches, de telle façon que, caché par le tronc, il pouvait plonger son regard dans l’intérieur de la chambre de Marie.

En ce moment, Fleur-des-Genêts vint ouvrir sa fenêtre. L’âme de Pelo Rouan passa dans ses yeux. Le ciel à l’orient prenait une teinte rosée.

Marie fit d’abord ce qu’elle faisait chaque matin. Elle s’agenouilla, joignit ses petites mains blanches sur l’appui de la croisée et dit sa prière à Notre-Dame de Mi-Forêt.

Le jour naissait. Les oiseaux chantaient.

La chambrette de Fleur-des-Genêts était un nid, tout frais et tout gracieux, pris sur la largeur de la sombre pièce où couchait le charbonnier. Les murs en étaient blancs et parsemés de bouquets de fumeterre, jolie fleur qui, selon l’antique croyance des gens de la forêt, a la propriété de chasser la fièvre.

Vis-à-vis de la fenêtre un petit lit de chêne noir, sans pieds ni rideaux, donnait à la cellule un aspect de virginale austérité.

Au-dessus du lit il y avait un pieux trophée, formé d’un bénitier de verre, d’une image taillée de Notre-Dame et d’une branche de laurier-fleur, bénite le saint dimanche des Rameaux, à la paroisse de Liffré.

Didier était affaissé sur le sol au pied du lit. Marie se remit à genoux. Didier ne dormait pas ; il la contemplait avec tendresse et respect.

Le jour grandissait. Jusqu’alors Pelo Rouan n’avait rien pu distinguer dans la chambrette. Il aperçut enfin les lignes du profil de Didier et arma son mousquet.

– Qu’est-ce que cela ? dit tout à coup Marie en s’emparant de la médaille que mademoiselle de Vaunoy avait passée au cou du capitaine.

Didier prit la médaille, et ses traits exprimèrent un étonnement.

– Ce que c’est ? répondit-il avec lenteur ; ce sont mes titres et parchemins, Marie. C’est, du moins, je l’ai toujours pensé, le signe qu’une pauvre femme, ma mère, mit à mon cou en m’exposant à la charité des passants. Mais ne parlons pas de cela, ma fille. Je croyais l’avoir perdue ; je la cherchais en vain depuis un an. Il y a de la magie dans ce qui s’est passé cette nuit !

Marie regardait toujours la médaille.

– C’est singulier ! dit-elle enfin ; j’en ai une toute pareille. Elle enleva rapidement le cordon qui retenait la médaille au cou de Didier, et, tirant en même temps la sienne, elle s’élança vers la croisée afin de comparer.

Pelo Rouan, qui depuis cinq minutes guettait le moment où Marie cesserait de se trouver entre lui et le capitaine, mit en joue.

Il était le meilleur tireur de la forêt et c’est tout au plus si on aurait pu mesurer quinze pas entre le canon de son arme et le cœur de Didier.

– Elles sont pareilles ! s’écria Marie avec une joie d’enfant, toutes pareilles !

Pelo Rouan tenait la poitrine du capitaine au bout de son mousquet ; il allait presser la détente.

Le cri de Marie détourna son attention, et son regard tomba sur les deux médailles.

Il jeta son fusil, qui de branche en branche dégringola bruyamment jusqu’à terre : un cri s’étouffa dans sa gorge.

Marie leva la tête, aperçut son père et resta terrifiée.

Par un premier mouvement tout instinctif, elle voulut se rejeter en arrière et fermer la croisée, mais Pelo Rouan l’arrêta d’un geste impérieux et mit un doigt sur sa bouche pour lui recommander le silence.

Didier avait fermé les yeux, cédant à l’engourdissement qui toujours le tenait.

Pelo Rouan se laissa glisser le long des branches du bouleau et atteignit la toiture de chaume de la loge d’où il sauta légèrement sur l’appui de la croisée.

Marie n’osait bouger et le capitaine ne voyait rien.

Pelo prit les deux médailles et mit une extrême attention à les examiner.

Puis il écarta sa fille pour marcher vers le lit.

– Ne le tuez pas, mon père ! s’écria Marie.

Didier se dressa d’un bond à ce cri.

Mais Pelo Rouan l’avait prévenu et faisait peser déjà sur lui sa lourde main.

– Mon père ! mon père ! cria encore Marie avec désespoir.

– Tais-toi ! dit le charbonnier à voix basse.

Pendant plusieurs minutes il contempla le capitaine en silence.

Didier resta immobile.

À mesure que Pelo Rouan le regardait, une émotion extraordinaire et croissante se peignait sur ses traits noircis.

Deux grosses larmes jaillirent enfin de ses yeux. Il se laissa tomber à genoux et baisa la main de Didier avec un respect plein d’amour.

– Que veut dire cela, mon brave homme ? demanda le capitaine stupéfait.

– Sa voix aussi ! murmura Pelo Rouan, plongé dans une sorte d’extase ; sa voix comme ses traits.

Didier se demandait s’il n’avait point affaire à un fou. Fleur-des-Genêts croyait rêver.

– Je comprends maintenant, reprit Pelo Rouan se parlant toujours à lui-même ; je comprends pourquoi Vaunoy voulait l’assassiner. Et moi qui le laissais faire ! Qui donc l’a sauvé à ma place ?

– Moi, prononça faiblement Marie.

– Toi, répéta Pelo Rouan, qui serra la jeune fille sur son cœur avec exaltation ; toi, enfant ? Merci ! du fond du cœur ! Tu as fait tout ce que j’aurais dû faire. Tu l’as aimé, lorsque moi je le haïssais aveuglément, tu l’as deviné, lorsque je le méconnaissais… Pardon, ajouta-t-il en revenant vers Didier qui restait ébahi et n’avait garde de comprendre ; pardon, notre monsieur Georges.

– Georges ? balbutia le capitaine ; vous vous trompez, mon ami.

– Non, non ! je ne me trompe pas. Cette médaille, c’est moi qui l’ai mise à votre cou, il y a vingt ans, par une nuit terrible où Vaunoy tenta encore de vous assassiner : car il y a bien longtemps qu’il vous poursuit, notre jeune monsieur. Et moi qui avais peur ! grand’peur ! quand je vous voyais errer sous le couvert, autour de ma maison ! Comme si un Treml pouvait tromper, comme si tout ce qu’il y a de bon, de noble, de généreux, de loyal, ne se trouvait pas toujours réuni à coup sûr dans le cœur de Treml !

– Mais, voulut encore objecter Didier qui restait incrédule ; dans tout ce que vous venez de dire, je ne vois point de preuve.

– Point de preuve ! s’écria Pelo ébahi. Votre regard n’est-il pas celui de monsieur Nicolas : votre voix, votre âge, la médaille, la haine de Vaunoy, qui vous a volé votre immense héritage… Écoutez ! ajouta-t-il tout à coup en se dressant sur ses pieds : vous aviez près de six ans alors, et Dieu m’a donné un visage qu’on ne peut oublier quand on l’a vu une fois…

– Je ne vous reconnais pas, interrompit Didier.

Pelo Rouan s’élança hors de la chambre. On entendit dans la pièce voisine un bruit d’eau agitée et ruisselant sur le sol.

Puis il se fit un silence.

Puis encore un homme de grande taille, vêtu de peau de mouton blanc et dont la face blafarde était mouillée comme s’il se fût abondamment aspergé, se rua dans la chambre et atteignit d’un bond le lit près duquel Didier était toujours étendu.

À la vue de cet homme dont les cheveux blancs tombaient épars sur ses épaules, Didier éprouva une commotion étrange. Il passa la main sur son front à plusieurs reprises comme pour saisir un souvenir rebelle.

L’homme était là, devant lui, immobile, en proie à une visible et violente anxiété.

Le travail de Didier dura longtemps. C’était un effort plein de souffrance et qui mettait de la pâleur sur son visage.

Enfin, et tout d’un coup, il parut voir clair en sa mémoire. Une rougeur épaisse couvrit sa joue, et sa bouche s’ouvrit presque involontairement pour prononcer ce nom :

– Jean Blanc !

Pelo Rouan frappa ses mains l’une contre l’autre avec transport.

– Il se souvient de mon nom ! s’écria-t-il les larmes aux yeux ; de mon vrai nom ! Pauvre petit monsieur ! Il se souvient de moi !

– Oui, dit le capitaine ; je me souviens de vous… et de bien d’autres choses encore. Un monde de souvenirs envahit mon cerveau. Je ne me trompais pas, hier, lorsque j’ai cru reconnaître les tentures de cette chambre où l’on m’avait mis…

– C’était la vôtre autrefois. Oh ! que Dieu soit béni pour n’avoir point souffert que le vaillant tronc perdît jusqu’à sa dernière branche ! Que Dieu et Notre-Dame soient bénis pour la joie qui déborde de mon pauvre cœur !

Il se fit un instant de silence. Le capitaine se recueillait en ses souvenirs. Fleur-des-Genêts riait, pleurait et remerciait Notre-Dame de Mi-Forêt. Et Jean Blanc, penché sur la main de son jeune maître, savourait l’allégresse qui emplissait son âme.

Au bout de quelques minutes, Jean Blanc se redressa. Ses sourcils étaient légèrement froncés et ses traits exprimèrent une grave résolution.

– Et maintenant, dit-il, Georges Treml, vous êtes breton et noble ; il vous faut regagner l’héritage de votre père tout entier : noblesse et fortune !

Jean Blanc n’eut pas besoin de donner de longues explications à son jeune maître, qui savait en grande partie son histoire, l’ayant entendue de la bouche du pauvre écuyer Jude, sans se douter qu’il pût y avoir le moindre rapport entre lui, Didier, officier de fortune, et Georges Treml, le représentant d’une famille puissante.

Les circonstances, dit-on, font les hommes. Ce proverbe est vrai en un sens et nous semble fort à la louange de l’humanité.

Qui peut nier qu’un fils de grande maison, dépouillé par une fraude infâme, et patron naturel de toute une population souffrante, ne doive autrement se comporter qu’un soldat sans souci, n’ayant d’autre mission que de se bien battre.

Didier, en devenant Georges Treml, sentit naître dans son cœur une gravité inconnue. Il comprit ce qu’exigeait de lui son nom et la mémoire de ses pères.

De brave qu’il était, il devint fort.

– Je vais me rendre à La Tremlays, dit-il ; j’aurai raison de M. de Vaunoy.

Avant de se séparer de Jean Blanc, le capitaine lui serra la main.

– Ce doit être, en effet, une noble race que celle de Treml, dit-il, et je suis fier d’avoir un peu de ce bon sang dans les veines. Ce n’est pas une famille vulgaire qui peut avoir des serviteurs tels que vous. Jean Blanc, mon ami, je vous remercie.

– Jude a fait mieux que moi, répondit l’albinos avec modestie ; Jude est mort pour vous, le bon garçon. Il méritait cela, monsieur Georges : il vous aimait tant !

– Pauvre Jude ! murmura Didier ; c’était un cœur fidèle et pur…

– C’était un Breton ! interrompit Jean Blanc. À propos, notre monsieur, il faudra oublier que vous avez porté l’uniforme de France. Les os de votre aïeul blanchissent là-bas et s’élèveraient contre vous si votre épée restait au roi de Paris !

Le capitaine ne répondit point. Il boucla son ceinturon, remit son feutre et se disposa à partir. Sur le seuil était Marie qui s’appuyait au mur et avait perdu son sourire.

Une triste pensée lui était enfin venue. Elle s’était demandé ce que pouvait être la fille du charbonnier pour l’héritier de Treml.

En passant auprès d’elle le capitaine la prit par la main.

– Jean, mon ami, dit-il en souriant, vous auriez eu grand tort de me tuer, car j’ai traité Marie en noble dame. Et, si Dieu me donne vie, il faudra désormais que tout le monde la traite ainsi.

Marie redevint joyeuse. Le capitaine partit. Pelo Rouan s’approcha de sa fille et la baisa au front.

– Enfant, dit-il d’une voix grave et triste, tu es ma seule joie en ce monde et je t’aime comme le souvenir de ta mère. Mais il ne faut pas espérer. Treml ne se mésallia jamais, et, tant que je vivrai, ma fille ne sera point sa femme.

Fleur-des-Genêts pencha sa tête blonde sur sa poitrine.

– Il faudra donc mourir ! murmura-t-elle.

– Dieu te reste, répondit Pelo Rouan, et d’ailleurs notre vie est à Treml.

Il remit son costume de charbonnier, et, baisant une dernière fois la joue décolorée de Marie, il quitta la loge à son tour.

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