VIII LA PORTE SECRÈTE

– Peut-être ai-je trop compté sur ta tendresse pour moi, ma fille, reprit la duchesse, en espérant que tu t’intéresserais à toutes ces personnes que tu n’as point connues…

– Je ne mérite pas ce reproche, ma mère, protesta Isabel.

– Ceux dont je parle t’auraient aimée… Ils eussent été les bons anges de ta jeunesse… C’était ta vraie famille, et ton avenir est lié fatalement à tout ce passé… Je serai brève désormais, car il se peut que nos minutes soient comptées. Louis de Haro, prisonnier, resta le chef de la conspiration. Sa fière devise devint le mot d’ordre des conjurés, qui s’emparèrent aussi du nom du bon duc pour s’en faire un drapeau. L’Espagne vint à s’amoindrir peu à peu. Le Français et l’Anglais rétrécirent la ligne de nos frontières. Il y eut un roi de Portugal ; et la Catalogne, sans cesse révoltée, ne tint plus que par un fil au réseau des provinces espagnoles.

Pendant cela, le comte-duc, après avoir réduit au dénûment le plus honteux les derniers jours du duc de Lerme, grossissait la fortune de sa maison et dressait des monuments à la gloire imaginaire du maître qu’il perd.

Un jour (c’était l’année où le favori prit ce titre pompeux de comte-duc), un jour, tout au fond de mon exil, la nouvelle de la mort de don Louis vint mettre le comble à ma consternation.

– Quoi ! s’écria la jeune fille… mort aussi, celui-là !… Dieu ne vous a donc pas laissé un ami ?

– Dieu est bon comme il est grand, repartit la duchesse avec une involontaire emphase ; la Providence garde surtout les abandonnés… Ce jour-là même dont je parle, un honnête vieux gentilhomme cultivateur, dont le manoir était voisin de notre château de Penamacor (si mes souvenirs me servent, il s’appelait Mendoze, tout comme un grand d’Espagne), vint demander à m’entretenir et me dit : « On a déposé cette nuit des fleurs sur la tombe de l’étrangère. Parmi les fleurs il y avait un lambeau de parchemin que voici… »

Le parchemin contenait un nom : Louis et ces mots : Grâces à Dieu !

Je demandai au bon vieil hidalgo pourquoi il me l’apportait. Mon cœur battait bien fort, ma fille. J’avais cru reconnaître une écriture amie.

Voici ce que me répondit le paysan Mendoze :

– Après la méridienne, en retournant aux champs, les garçons ont fait rencontre d’une jeune fille mauresque belle comme le jour, si belle qu’ils n’ont pas eu le cœur de lui jeter des pierres. Elle leur a dit : « Le château de la bonne duchesse est-il bien loin d’ici ? – Deux lieues de Léon », a répondu Fabrice, le fils aîné. La fillette a regardé l’ombre des chênes verts sur la route. Elle a murmuré : Il est trop tard et je suis trop lasse !

Puis, tout haut :

– Si vous êtes des chrétiens, a-t-elle ajouté, vous irez au cimetière de Quijo et vous lui porterez ce que vous trouverez sur la troisième tombe.

– De la part de qui ? interrogea Fabrice.

– Je me nomme Aïdda, repartit la fillette qui disparut au coude du sentier.

Il n’était plus besoin de réclamer l’attention d’Isabel. Ce vieux gentilhomme paysan était le père de Mendoze. Isabel savait cela.

– Ce nom d’Aïdda, poursuivit la duchesse, fixait tous mes doutes et m’en disait plus que le parchemin lui-même. C’était la fille d’un Maure tangérien nommé Moghrab ben Amar, relaps deux fois et brûlé sur la grande place de Valladolid, dans l’acte de foi des quarante heures, en l’année 1622. Blanche de Moncade avait demandé au saint-office la pauvre petite orpheline ; elle l’avait baptisée, lui donnant le nom de Marie-Blanche, elle l’avait élevée et choyée comme sa sœur, si bien qu’Aïdda, reconnaissante, aurait versé tout son sang pour elle.

Je savais qu’Aïdda n’était plus dans la maison de Moncade. Elle ne pouvait l’avoir quittée que par obéissance et pour accomplir un acte de dévouement. C’était donc, selon toute apparence, un message du prétendu mort. Mais pourquoi ce laconisme ? Et comment Aïdda n’était-elle pas venue jusqu’au château de Penamacor ? Et que signifiait en outre ce message ? Don Louis était-il sauvé ? Réclamait-il mon aide ?

Des années se sont écoulées depuis lors, ma fille, et n’ont point apporté la réponse à ces questions. Je n’ai jamais revu don Louis une fois, une seule fois, et cette jeune Aïdda a passé devant moi comme un rêve, sans que j’aie pu obtenir d’elle ce mot qui eût mis fin à toutes mes inquiétudes.

Il me fut donné seulement de savoir pourquoi elle s’était entourée d’un si grand mystère. Le lendemain, en effet, notre manoir fut envahi par les archers de l’hermandad, qui tinrent chez nous garnison pendant deux semaines, battant et fouillant tout le pays aux alentours.

Si Marie-Blanche ou Aïdda, comme tu voudras la nommer, s’était risquée jusqu’à Penamacor, elle eût été prise infailliblement.

Depuis longtemps j’avais des soupçons sur un homme qui était alors dans notre domesticité très intime, et dont tu as sans doute gardé souvenir : je veux parler de notre ancien intendant Pedro Gil. Pendant le séjour des cavaliers de l’hermandad au château, je crus remarquer de mystérieuses accointances entre leur chef et Pedro Gil. Tu étais bien petite en ce temps là, Bel, ma chérie, mais tu n’as peut-être pas oublié les menaces que proféra ce misérable quand on lui donna son congé.

– Je n’ai pas oublié ce Pedro Gil, ma mère, dit la jeune fille ; s’il est notre ennemi, prenez garde, car il est à Séville et il rôde autour de notre logis.

Une question vint aux lèvres de la duchesse, qui la refoula pour continuer ainsi :

– Pedro Gil occupait au château ce petit pavillon où tu fis plus tard ton salon de sieste et ton boudoir. Quelques jours après son départ, je me promenais dans les parterres, pendant que nos gens nettoyaient. Parmi la poussière qui s’échappait des croisées, un papier s’envola. Ce n’était qu’un lambeau sans adresse ni signature, mais le peu de paroles qu’il contenait me frappa vivement.

C’était Pedro Gil lui-même qui l’avait écrit, et ce devait être le brouillon d’une missive dont il avait sans doute expédié la copie.

Le mot à mot de ce que je lus alors est resté gravé dans ma mémoire. Je puis le reproduire exactement :

« …. Pour les projets de Son Excellence.

« La jeune Mauresque est maintenant à Ceuta, j’en ai la certitude. L’homme qui l’accompagne ne peut être qu’un agent des conjurés. Nous ne pouvons rien contre eux sur la rive africaine, mais ils ne peuvent rien contre nous.

« Le seul moyen d’attirer la Moncade dans le piège, c’est de palier au nom de cette Aïdda, qu’elle aime si tendrement et avec qui elle doit correspondre. On peut écrire une de ces lettres qui ne disent rien et qui laissent deviner beaucoup. J’ai ici quatre mots de l’écriture de la donzelle ; je me chargerais de minuter la lettre.

« L’autre viendrait au rendez-vous : j’en mettrais ma main au feu ! »

C’était tout.

Je ne sais pas si je peux dire que je devinai dans toute la force du terme, mais l’idée d’une trame atroce et infâme me sauta aux yeux. Blanche de Moncade avait favorisé autrefois la fuite de notre pauvre Isabel. Il y avait en Espagne un homme qui devait lui garder une mortelle rancune.

Un homme qui a mérité la réputation de ne pardonner jamais, un homme à qui l’on doit, par le malheur des temps, ces titres d’Excellence et de Monseigneur qui étaient dans le brouillon de Pedro Gil.

La lettre ne pouvait pas avoir moins de quinze jours de date, puisque Pedro Gil avait quitté Penamacor à cette époque, mais elle ne pouvait guère être plus vieille de deux semaines, car l’hermandad était partie depuis un mois seulement. La lettre devait avoir été écrite entre le départ de l’hermandad et le congé donné à Pedro Gil.

Que s’était-il passé ? Le piège avait-il été tendu ? J’eus froid jusqu’au fond du cœur, car l’idée me vint que le brusque éloignement de Pedro Gil pouvait avoir hâté la catastrophe. J’ordonnai à Savien de seller deux chevaux. Je partis avec lui, le soir même, sans suite et sans sauf-conduit. Nous mîmes trois nuits et trois jours pour arriver jusqu’à Séville, car nous évitions les chemins battus, fuyant la rencontre de l’hermandad, comme si nous eussions été des malfaiteurs.

Le quatrième jour, au coucher du soleil, nous entrâmes dans la ville, et, quelques minutes après, je descendais de cheval à la porte de Moncade.

Bel, tu ne connais pas la mort. Tu n’as vu sur aucun visage aimé cette livide pâleur, cette immobilité redoutable qui annoncent que l’âme envolée a laissé ici-bas le corps inerte et plus froid que la pierre.

La mort est terrible, ma fille, bien que les malheureux l’appellent souvent comme un refuge.

La mort est toujours terrible, soit qu’elle entre en nous par l’issue qu’à ouverte l’épée ou le poignard, soit qu’elle s’asseye près de nous sur le lit de douleur après une lente maladie, soit qu’elle tombe avec la foudre écrasant à l’improviste nos fronts orgueilleux.

Mais la mort par le chagrin, Bel, la mort par la honte et le déshonneur, la mort qui empoisonne l’âme elle-même avant de décomposer le sang, celle-là est hideuse et lamentable entre toutes, ma fille… Dieu nous en garde, nous et ceux que nous aimons !

La mort était dans la maison de Moncade. J’arrivais trop tard.

Les valets étaient rangés dans le vestibule, silencieux et mornes. Aucun d’eux ne m’arrêta, voilée que j’étais, pour me demander : « Que venez-vous faire céans ? »

Dans le grand escalier, des enfants de chœur jouaient en riant tout bas.

Les jeux de ces pauvres créatures endurcies aux choses funèbres sont lugubres par le contraste, autant et plus que le deuil lui-même.

Au haut de l’escalier, des femmes en pleurs attachaient aux lambris des tentures noires.

Je prononçai le nom de Blanche, car un pressentiment oppressait ma poitrine.

L’une des femmes me reconnut : la nourrice de Blanche ; elle leva sur moi ses yeux creusés par les larmes, et me montra du doigt la porte ouverte.

En même temps l’odeur des cierges et de l’encens vint à moi comme une muette révélation.

Blanche était couchée sur son lit. Les prêtres veillaient, récitant leurs prières à voix basse. Vincent de Moncade, agenouillé, cachait son visage dans les draps.

Au chevet, il y avait un homme debout, une statue de marbre : don Hernan de Moncade, dont les cheveux avaient blanchi la nuit précédente.

On lui avait rapporté, à ce père, sa fille déshonorée et mourante.

Devines-tu, Bel (l’innocence n’empêche pas de comprendre), devines-tu que le piège avait été tendu, que ces quelques mots tracés sur le parchemin : Louis… Grâces à Dieu…, avaient servi au traître Pedro Gil pour contrefaire l’écriture d’Aïdda la Mauresque, et que la pauvre Blanche de Moncade, trompée par un message menteur, avait été attirée hors de la maison de son père ?

Tu es Espagnole ; tu sais le culte que nous rendons à l’honneur. Blanche nomma son ravisseur : c’était le comte-duc ; que son nom soit à jamais maudit ! c’était l’hypocrite à qui l’histoire arrachera son masque !

Lucrèce avait eu besoin d’un poignard pour mourir. Ce n’était qu’une Romaine. Quand Blanche de Moncade eut demandé vengeance, elle se coucha sur son lit, croisa ses bras sur sa poitrine et rendit son âme à Dieu. C’était une Espagnole !

Au moment où je pénétrais dans la chambre mortuaire, un silence profond y régnait ; les prêtres venaient d’interrompre leurs litanies, et l’un d’eux commençait la cérémonie de la purification, si imposante autour de nos couches funèbres. Le vieux Moncade, qui n’avait pas encore prononcé une parole, leur ordonna de s’arrêter. Il fit un mouvement, redressant sa haute taille et s’appuyant de la main au pilier du lit. La statue s’animait ; une étincelle prit feu sous sa paupière lourde et demi-close.

Il appela son fils par son nom. Je ne l’avais vu qu’enfant. Les années de notre exil avaient fait de lui un fier jeune homme. J’eus pitié dans mon angoisse, tant le désespoir mettait de pâleur sur ce front vaillant et robuste.

– Que voulez-vous de moi, mon père ? demanda-t-il.

Le vieux marquis ne répondit pas tout de suite. Ses paupières battaient et ses lèvres tremblaient.

– Laissez-nous, dit-il aux prêtres.

Celui qui tenait le goupillon répliqua :

– Nous sommes ici pour accomplir notre devoir. La chambre du deuil est encore le sanctuaire.

– Laissez-nous ! répéta le vieillard d’un air impérieux et sombre.

Les prêtres se consultèrent et sortirent. J’allais les suivre, lorsque Hernan de Moncade m’arrêta, disant :

– Eleonor de Tolède, duchesse de Medina-Celi, vous êtes deux fois notre cousine par Guzman et par Tolède… Restez et soyez témoin !

Il fit signe à don Vincent d’approcher. Celui-ci obéit.

Le vieux marquis lui mit la main sur l’épaule. Son regard sembla plonger jusqu’au fond de son cœur.

– Celui qui a tué ta sœur, prononça-t-il après un long silence, celui-là a une fille.

La duchesse s’interrompit. Isabel n’avait pu retenir un mouvement de répulsion.

– La morte était là sur son lit, reprit la duchesse, toute jeune et si belle qu’on eût dit un pauvre ange endormi… La veille encore, cet homme de fer avait des cheveux noirs autour de ses tempes. Cette nuit l’avait vieilli de vingt ans… Je devinai comme toi, ma fille, et un frémissement gagna la moelle de mes os… Don Vincent lui-même détourna la tête.

– M’as-tu entendu, marquis ? demanda le vieillard.

– Mon père, répondit don Vincent, Inez n’est qu’une pauvre enfant, innocente des actions du comte-duc.

Un peu de sang remonta aux joues du vieux Moncade.

– Dent pour dent, œil pour œil ! prononça-t-il d’une voix creuse mais distincte, telle est la loi de nos pères… Nous sommes les Goths : pourquoi renier leur antique justice ?… Le comte-duc m’a pris l’honneur et la vie de ma fille, je prendrai l’honneur et la vie de sa fille à lui… Je suis le père et le maître : j’ordonne ; refuses-tu de m’obéir ?

Bel, ne juge pas cet homme. Il disait vrai, nous sommes les Goths. Notre honneur est barbare, mais c’est l’honneur. Je regardai la morte. Elle me sembla sourire.

Ce sang des fils d’Alaric est amoureux de la vengeance.

Don Vincent de Moncade courba la tête.

Le vieillard lui dit : « Jure ! »

Don Vincent de Moncade jura.

Les prêtres rappelés poursuivirent leur prière. Je te le dis, la morte souriait dans ses voiles blancs, moins pâles que son front et ses joues…

Dix heures du matin sonnèrent à l’église de Saint-Ildefonse, dont le carillon entonna un cantique. Isabel restait silencieuse et pensive.

– Enfant, lui dit la duchesse dont le visage était encourageant et doux, j’ai été jeune fille ; je sais où vont ces premiers rêves… Crois-moi, n’aie jamais de secrets pour ta mère.

Isabel rougit, mais elle répondit :

– Ma mère, je n’ai pas de secrets pour vous.

La duchesse souriait. Elle reprit :

– L’heure des batailles arrivera. Blanche de Moncade n’est pas encore vengée. Tu sais, maintenant, Bel, quels sont nos amis et nos ennemis. Puisque tu n’as point de secret, ma fille, si ton père vient aujourd’hui et te dit : « Voici l’âge où il te faut un ami, un protecteur, un époux… »

– Oh !… fit Isabel dont la poitrine s’oppressa, ma mère !…

Il eût été fort malaisé d’interpréter en ce moment l’expression du regard de la duchesse.

– Résisterais-tu, Bel ? demanda-t-elle.

Deux grosses larmes roulèrent sur les joues de la jeune fille.

La duchesse l’attira contre son cœur et l’y pressa passionnément.

La confession était sur les lèvres d’Isabel, mais la scène continua, bizarre comme elle s’était entamée. Il sembla qu’Eleonor, après avoir sollicité les aveux de sa fille, y voulût soudain couper court.

– Mignonne, demanda-t-elle d’un ton dégagé, as-tu bien écouté ? as-tu bien compris ? Si demain la foudre éclatait, serais-tu prête à choisir tes protecteurs ?

Isabel tendit son front à sa mère et laissa errer sur ses lèvres un mélancolique sourire.

– J’ai compris, répondit-elle, que nous sommes des vaincus, par nous mêmes et par nos alliés… Parmi ceux-ci, les seuls qui soient vivants et libres ont pris le fardeau d’un vœu cruel et insensé. Tous les autres sont prisonniers, fugitifs ou morts.

– Les victorieux, murmura la duchesse, sortent souvent de l’exil, des cachots… et même de la tombe !

– J’ai compris encore, poursuivit Isabel, que vous aviez un secret, ma mère… ou plusieurs secrets, ou des espoirs et des terreurs qu’il ne vous plaît pas de me faire partager… Si la foudre éclate, la Providence divine fera que nous soyons frappés tous ensemble…

– Est-ce l’héritière du bon duc qui met son espoir dans la fin de sa race ! dit Eleonor de Tolède en redressant sa belle tête sévère.

– Je ne suis qu’une pauvre fille, madame…

– Guzman n’a pas de sexe ! interrompit Eleonor de Tolède. Dans notre maison, les femmes ne meurent point sans combattre.

Le front d’Isabel s’inclina, et ces mots tombèrent de ses lèvres :

– Si la foudre tombait, pour employer vos propres expressions, ma mère, serais-je encore la fille de Medina-Celi ?

– Bien cela, Bel ! s’écria la duchesse, vous avez trop tardé à éclaircir vos doutes ; mais mieux vaut tard que jamais. Je vous écoute, ma fille ; regardez haut et parlez franc !

Le front et les joues d’Isabel étaient pourpres. Elle baisa les mains de sa mère avec un respect plein d’amour.

– Je romps le silence seulement parce que vous le voulez, madame, prononça-t-elle d’une voix basse et lente ; Dieu me garde cependant de rien dire qui puisse offenser ou attrister ma mère bien-aimée… Du fond de l’âme, j’affirme que je préfère la tendresse de ma mère à tous les héritages et à toutes les grandeurs… Les grandeurs m’effrayent bien plus qu’elles ne m’attirent, et, s’il faut parler franc, selon votre ordre, ce que j’éprouve est plus près de l’espoir que de la crainte… C’est de tout mon cœur, c’est avec joie, entendez-vous, que je renoncerai à ce redoutable héritage.

– Isabel, interrompit la duchesse qui fixait sur elle ses yeux perçants, tu aimes… et tu aimes au-dessous de toi !

– Quand ma mère me dira : « Je veux savoir », répondit la jeune fille, les yeux baissés, mais le front relevé, je m’agenouillerai près d’elle et je lui montrerai toute mon âme.

– Elle est pure, je le sais, murmura Eleonor, et les voies de Dieu sont pleines de mystères…. Dis-moi tes espoirs, Bel ; je n’ai pas besoin de toi pour sonder le fond de ton cœur.

– Votre époux est revenu, ma mère, repartit Isabel doucement, mais avec fermeté ; j’ai cherché la joie dans vos yeux, l’allégresse sur votre front ; je n’y ai trouvé que la douloureuse inquiétude. À Séville, au milieu de votre triomphe, n’êtes-vous pas toujours l’exilée et la veuve ?… Je me suis demandé pourquoi cela ? Mes souvenirs ont répondu.

– Tes souvenirs, ma fille ?

– Ma mère, il est des paroles qui ne sortent jamais de la mémoire… L’enfance les lègue à la jeunesse… Parfois, quand on les entendit d’abord, on n’en comprenait point le sens… mais l’intelligence vient, et cette lettre morte des souvenirs prend tout à coup une signification précise… J’étais toute petite : un soir, ma gouvernante me tenait sur ses genoux dans votre château de Penamacor… Je m’éveillai, parce que ma gouvernante parlait avec colère, menaçant une personne que je ne pouvais voir. Ma gouvernante disait : « Vous mentez ! le mariage fut célébré à la chapelle de la reine à Madrid ; je le sais, j’y étais, et notre chère petite est Medina-Celi comme Philippe, roi, est Espagne ! »

Un ricanement lui répondit. Je crus reconnaître Pedro Gil, votre intendant, qui fuyait vers les charmilles.

Je voulus interroger ma gouvernante ; elle me dit que j’avais rêvé. Mais que cela fût ou non un rêve, ces paroles restèrent dans mon esprit comme un de ces obsédants refrains dont la mémoire essaye en vain de se débarrasser. Je me disais : « Je suis Medina-Celi comme Philippe roi est Espagne… »

Et plus tard, je remontai de ces paroles à celles qui les précédaient, car la compréhension naissait. Je connus qu’elles étaient une riposte. La riposte me fit deviner quelle avait été l’attaque. Je compris qu’il y avait des doutes sur ma filiation. Et ne croyez pas, ma mère, que j’aie jamais perdu le respect jusqu’au point de vous soupçonner ! Je vous vénère autant que je vous aime… mais, entourées d’ennemis comme nous le sommes, on a pu fausser la réalité et dénaturer le fait lui-même. J’ai conclu que votre mariage, régulier devant Dieu, manquait de sanction vis-à-vis des hommes ; que ma naissance ne me donnait point au nom illustre de mon père des droits incontestables ; me suis-je trompée, ma mère ?

– Vous vous êtes trompée, Bel, prononça froidement la duchesse.

– J’ai donc mal interprété aussi, reprit la jeune fille incrédule, les demi-mots sans cesse répétés sur notre passage, les ricanements des valets congédiés, les insolents regards des soldats de notre escorte…

– Nous étions des proscrits… l’outrage est le pain quotidien des proscrits… Je suis la duchesse de Medina-Celi devant les hommes aussi bien que devant Dieu… Vous êtes, devant Dieu et devant les hommes, l’unique héritière d’une grande race. Si vous avez espéré fuir les devoirs imposés à ce glorieux malheur, vous avez erré, ma fille.

Eleonor de Tolède avait, tout en parlant, glissé sa main sous les dentelles qui garnissaient son corsage. Quand sa main reparut, elle tenait un portefeuille de soie fermé par une plaque d’or poli.

Elle fit jouer le ressort secret qui cachait la plaque et mit au jour un parchemin jauni par l’âge, qu’elle tendit tout ouvert à sa fille.

– Ceci est notre trésor, dit-elle ; je ne l’ai point enfoui dans la terre, je ne l’ai point mis sous la garde d’un coffre-fort ; je le porte sur moi depuis le jour où il me fut confié. Ma vie en répond, tant qu’un souffle sera dans ma poitrine, j’en serai maîtresse. Nous n’avons que ce témoin, Bel ; sans ce témoin, tout ce que tu viens de me dire serait vrai, rigoureusement, car nos ennemis attaquent la sincérité de notre mariage ; le chapelain qui l’a célébré est mort, et les registres de la chapelle ont été lacérés à plaisir. Pour nous, pour toi, l’avenir est là… Et crois-tu donc que j’aie été sourde pendant quinze années aux rumeurs qui ont offensé ton oreille d’enfant ? Crois-tu donc que je n’aie point entendu des demi-mots insultants ? Crois-tu donc que je n’aie point vu ces outrageants sourires ?… J’ai souffert, Bel ; rien ne m’a été épargné, mais j’ai gardé le silence… L’avare va-t-il publier qu’il cache des lingots dans sa cave ? S’ils avaient su que ce parchemin était en ma possession, ils m’auraient tuée. Ce parchemin vaut une province… ce parchemin est un acte de mariage : grâce à lui, je suis la femme de ton père et tu es, toi, la Medina-Celi !

Isabel prit l’écrit que sa mère lui tendait. Avant d’y jeter les yeux, elle baisa pieusement la main qui le tenait.

– Je me réjouis de ce qui vous donne de la joie, madame, dit-elle avec une résignation triste.

Pendant qu’elle lisait, la duchesse poursuivit :

– Ce fut, il y a six ans, à l’époque ou il fut question de substituer nos domaines à la branche des Medina de las Torres, que je reçus miraculeusement cet écrit. Je connaissais son existence, mais j’ignorais si le duc l’avait mis en dépôt quelque part ou s’il avait pu le conserver dans sa prison. L’impossibilité où j’étais de communiquer avec notre cher captif me laissait dans la crainte que nos persécuteurs n’eussent réussi à détruire cette pièce. Les tentatives nouvelles que l’on faisait contre nous me donnaient tout à redouter. Le chapelain de Penamacor, qui avait fait un voyage à Valladolid, où était la cour, me rapporta qu’on parlait de nous chasser du château, moi comme concubine, toi comme fille naturelle.

J’étais presque résolue à rompre une seconde fois mon ban pour m’aller jeter aux pieds de Sa Majesté, lorsqu’arriva l’événement singulier qui formera la fin de mon récit. Après cette narration en effet, je n’aurai plus rien à t’apprendre.

J’étais seule dans le grand salon du château avec mon confesseur, lorsqu’on vint me dire que deux vagabonds maures, le père et la fille, demandaient à me voir pour me vendre des reliques. Ils portaient, dit-on, des amulettes d’Hippone, des nattes arabes et des grenades de Tanger.

Je refusai de les recevoir, ordonnant qu’on les renvoyât après leur avoir donné le refresco à l’office.

Quelques minutes après, le majordome entra, pâle de colère, accusant les vagabonds d’avoir volé la coupe d’argent où leur boisson avait été servie.

Je dus ordonner qu’on les fît comparaître devant moi, car, en l’absence du maître, je gouvernais le domaine. Ils vinrent. C’était un vieillard et une jeune fille. Dès le premier coup d’œil je crus reconnaître que le père était affublé d’un déguisement, et grimé comme les comédiens au théâtre. Malgré ce masque, il me sembla que j’avais vu ce visage quelque part. La jeune fille était plus blanche que les filles de Tanger. Impossible de voir une plus gracieuse enfant.

À mes questions, le vieillard refusa de répondre. Il me montra sa bouche, avec ce geste si connu des gens privés de la parole. L’enfant me dit :

– Hussein-le-Noir est muet.

Je les regardais tous les deux tour à tour. La physionomie de l’enfant ne m’était pas plus inconnue que celle du père. J’allais ordonner qu’on me laissât seule avec eux lorsque Savien entra pour annoncer l’arrivée d’un détachement d’archers de la confrérie. Ces visites se renouvelaient plusieurs fois chaque semaine, et ma position m’ordonnait de supporter les brutales exigences de ces soudards.

Je me tus. En éloignant l’assistance, désormais j’aurais peut-être des soupçons.

– Pourquoi avez-vous dérobé cette coupe d’argent ? demandai-je en faisant mon accent sévère.

La fillette fixa sur moi ses grands yeux noirs.

– Pour te forcer à nous entendre, répondit-elle en langue italienne et sans hésiter.

Je dois te faire observer que la langue italienne était fort en usage dans la maison de Moncade, dont les aînés ont de père en fils la vice-royauté de Naples. Cette circonstance donna un corps à mes soupçons. La dernière fois que j’avais vu Marie-Blanca, la filleule et la protégée de ma pauvre Blanche de Moncade, c’était encore un enfant. Je crus retrouver ses traits dans ce beau visage de jeune fille.

– Parlez espagnol, ordonnai-je en prêtant à mon accent toute la dureté possible.

– Le besoin, la faim, murmura la fillette.

Ses yeux éloquents étaient toujours fixés sur moi. Il me fallait feindre de ne point comprendre. Je détournai la tête.

Les accusés étant des Mauresques, l’affaire rentrait dans la juridiction officiale. En attendant que le juge ecclésiastique de Badajoz fût prévenu, j’ordonnai que le père et la fille fussent enfermés dans la prison du château. Mon intention était de me rendre auprès d’eux en secret, car il y avait là manifestement un mystère. En se retirant, Hussein-le-Noir jeta sur moi un long et pénétrant regard. La jeune fille me dit en Italien, malgré ma défense :

– Tu ne nous reverras plus. Notre temps est court et notre route est longue… Ouvre la grenade que tu trouveras au chevet de ton lit : son écorce est grossière, mais son fruit est d’or… Adieu !

Pendant tout le reste de cette journée, il me fut impossible de m’approcher des captifs. Les cavaliers de l’hermandad avaient pris d’autorité la garde de la prison. Le soir, le valet chargé de leur porter leur nourriture trouva le cachot vide ; cette fuite tenait du miracle. Elle s’était accomplie en plein jour, sans bruit, sans effort apparent, sans laisser derrière elle aucune trace.

Je me trompe : un bras avait tordu et brisé l’un des barreaux de la fenêtre avec une vigueur surhumaine. La fenêtre était ouverte sur les fossés de Penamacor, profonds comme un abîme.

Les archers de l’hermandad dirent que ces sorciers arabes, quand ils le veulent, se font pousser des ailes. Dans leurs bagages, qui furent visités, on trouva seulement deux ou trois tapis, quelques amulettes sans valeur et des grenades de Tanger complètement desséchées.

Ces grenades me firent songer aux dernières paroles de la jeune fille, que j’avais oubliées. Je rentrai dans mon appartement, dont j’éloignai mes femmes. Au chevet de mon lit, selon la promesse de ma fugitive, j’aperçus un de ces énormes fruits d’une grosseur énorme. Pressée par la curiosité, je m’en saisis : il était léger comme une plume, et certes les paroles de la Mauresque ne pouvaient être vraies à la lettre. Ce n’était pas de l’or qui était dans cette enveloppe desséchée.

Au moment de briser la coque, je m’aperçus qu’elle était d’avance séparée en deux par une rainure habilement dissimulée. C’était une sorte de boîte, qui s’ouvrit à mon premier effort. Elle contenait deux plis. Le premier était ce parchemin, qui tenait, à lui seul, la promesse de la Mauresque. Pour nous, il est d’or. Le second était un billet écrit en italien et signé : BIANCA-MARIA. Il portait ces mots :

« Pour l’amour de ma bien-aimée marraine, vivez, vous verrez. Après l’orage le soleil brille. »

Quelqu’un travaillait donc en secret à déblayer ces ruines que l’avènement d’Olivarès avait faites ! Dirai-je quelqu’un de bien faible ? Non, car ses actes indiquaient une étrange puissance. Les épaisses murailles de l’Alcala de Guadaïra n’avaient pas été, pour le mystérieux agent, une suffisante barrière.

Ce parchemin venait du cachot du bon duc.

Le billet ne parlait point de lui ; mais le soleil peut-il briller pour moi tant que mon époux est dans les fers ? C’était une promesse ; j’eus la folie d’y croire. Pendant bien des mois j’attendis chaque jour ce bizarre messie dont la venue devait signaler la fin de notre martyre.

J’attendis en vain. Depuis lors je n’ai jamais entendu parler de nos mystérieux défenseurs.

Eleonor de Tolède releva les yeux sur sa fille en prononçant ces dernières paroles. Celle-ci était pensive et comme absorbée. Elle avait approché le parchemin de ses lèvres et baisait la signature du bon duc de Medina-Celi.

– N’as-tu rien perdu de mes paroles, Bel, mon enfant chérie ? demanda la duchesse.

Comme la jeune fille allait répondre, un bruit léger se fit dans la ruelle du lit : Eleonor de Tolède se leva de son haut et resta bouche béante.

– Tais-toi ! fit-elle en voyant l’étonnement que son émotion causait à Isabel ; pas un mot !… Seigneur mon Dieu, me serais-je trompée, et nos jours d’épreuves seraient-ils enfin révolus ?

Il y avait dans cette invocation une ardeur si passionnée, le calme que la duchesse avait gardé jusque-là s’était si soudainement évanoui, qu’il fallait bien accorder à ce bruit une importance extraordinaire.

Isabel reçut le contre-coup de l’émotion de sa mère. Elle n’en devinait point l’objet, mais elle sentait qu’il y avait là, tout près d’elle, quelque symptôme imperceptible annonçant une crise de vie et de mort.

Quelle était cette crise ? Où allait cet espoir d’Eleonor de Tolède, espoir immense, on le voyait, et poignant jusqu’à la détresse ?

Quel juge invisible suspendait ainsi l’arrêt au-dessus de sa tête ?

Elle écoutait toujours, pâle, tremblante, le sein révolté, l’œil fixé avidement sur la ruelle de son lit.

Mais l’éclair qui s’était allumé dans ses yeux allait s’éteignant : le bruit avait cessé.

– M’étais-je trompée ?… murmura-t-elle d’un accent craintif en s’adressant à sa fille ; ai-je pris pour la réalité ce qui n’était qu’un souhait fiévreux et découragé déjà ?… Bel, n’as-tu rien entendu ?

– J’ai entendu, ma mère, répliqua la jeune fille.

– N’est-ce pas… le bruit d’une porte ?…

– Le bruit d’une porte, c’est vrai… quoique je ne voie point de porte.

La duchesse lui saisit les deux mains et les posa sur son cœur qui battait avec violence.

– Tout ce que je t’ai dit est inutile peut-être, s’écria-t-elle ; oublie-le, enfant, ma chère enfant, si Dieu nous rend notre vrai défenseur !…

Puis s’arrêtant et retenant son souffle :

– Écoute !

Le bruit eut lieu de nouveau.

– Il vient ! murmura Eleonor dont les genoux fléchirent ; Seigneur mon Dieu, soyez béni !

Non ! reprit-elle, avec une exaltation croissante. Tu ne vois pas cette porte… nul ne la connaît, vois-tu ! c’est un secret entre lui et moi… le secret de nos belles amours et de nos jeunes caresses ! personne ne sait cela, personne… S’il entre par là, Bel, nous sommes sauvées !… tu as un père, j’ai mon époux adoré… jette-toi à son cou, ma fille, pendant que je tomberai à ses pieds.

– Vous aviez donc des doutes, ma mère ? demanda Isabel : – vous aviez donc pu penser que mon père ?…

– Je ne sais ! interrompit Eleonor ; à quoi bon m’interroger ?… Mon cœur s’élance vers lui, tout mon cœur ! Quinze années de larmes payées par un seul baiser… Enfant, enfant, tu ne peux pas comprendre cela !… Qui donc t’aurait dit les souffrances et les bonheurs d’aimer ?

Elle prêta l’oreille. Son sourire était jeune, ses larmes de joie lui faisaient une beauté céleste.

Isabel l’admirait en silence, n’osant dire : Si fait, mère, je connais ce bonheur et cette souffrance…

La voix d’Eleonor vibra douce comme un chant, quand elle murmura sans savoir qu’elle parlait :

– Hernan !… mon seigneur !… mon mari ! mon bien suprême et adoré !…

Mais il tarde bien, s’interrompit-elle, souriant parmi ses larmes, à mettre la clef dans la serrure… Il guette, il veut me surprendre…

Une troisième fois le bruit se fit, mais plus fort. Une porte invisible battit distinctement derrière les draperies.

– C’est le vent, fit Isabel.

À peine ce mot lui eut-il échappé qu’elle eut regret et frayeur. Ce fut comme un coup qui frappa la duchesse en plein cœur. Elle eut un tressaillement convulsif, et les muscles de sa face se contractèrent.

– Le vent ! répéta-t-elle : est-ce toi qui as dit cela ?

– Ma mère… voulut commencer Isabel.

– Si c’est le vent, malheur sur nous !… Si c’est le vent, Dieu n’a pas pitié !… Si c’est le vent…

Elle s’élança vers son lit au lieu d’achever, disant de sa propre voix qui chevrotait et tremblait :

– Sainte Vierge, oh ! sainte Vierge ! non, non, ce n’est pas le vent !

Isabel la vit tourner autour du lit et pénétrer dans la ruelle. À la paroi de l’oratoire ou chapelle, du côté droit, était suspendu un tableau de Montanez représentant l’épouse et l’époux du Cantique des cantiques. La duchesse, qui avait peine à se soutenir, pesa sur l’angle inférieur du cadre. Le tableau bascula comme une porte qui s’ouvre, montrant un réduit noir et profond.

La duchesse s’appuya au marbre de l’autel. Tout son être défaillait.

– Hernan ! appela-t-elle d’une voix mourante, Hernan ! je vous en supplie, répondez moi !

Ce fut le silence qui lui répondit.

La duchesse chancela. Isabel s’élança pour la soutenir.

– Tu avais raison, Bel, murmura-t-elle, étouffée qu’elle était par les sanglots ; le vent, ce n’était que le vent !

Trois coups distincts et solennellement espacés furent frappés à la porte principale.

La duchesse fit effort sur elle-même. D’une main elle essuya ses larmes, de l’autre elle ramena le tableau de Montanez qui ferma l’ouverture secrète.

– Autrefois, balbutia-t-elle, c’était par là qu’il venait.

– Monseigneur le duc, dit la chambrière majeure, demande s’il fait jour chez madame la duchesse.

– Il vient, ma mère ! murmura Isabel qui pressa les deux mains de la duchesse entre les siennes ; du courage !… Qu’importe la voie, puisqu’il vient !

Eleonor de Tolède secoua la tête lentement.

– Tu as vu si je l’aime ! répondit-elle à voix basse ; Bel, ma fille, s’il faut combattre, Dieu me rendra ma force… ne me jugera pas avant de savoir !…

Puis, tout haut et d’un ton qu’elle réussit à rendre calme :

– Monseigneur le duc a le droit d’entrer ici à toute heure, qu’il soit introduit !

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