(1.)

J'ai reçu Monsieur, comme une chose très précieuse, la belle lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire au sujet de mon ouvrage. Elle est remplie de réflexions si judicieuses et si sensées, que je ne sçaurois vous dire à quel point j'en ai été charmé. Ce que vous dites sur la forme dont les jurés prononcent en Angleterre, ou en Ecosse, m'a surtout fait un grand plaisir, et l'endroit de mon livre où j'ai traité cette matière est peut-être celui qui m'a fait le plus de peine, et où j'ai le plus souvent changé. Ce que j'avois fait, parce-que je n'avois trouvé personne qui eut la-dessus des idées aussi nettes, que vous avez. Mais c'est assez parler de mon livre que j'ai l'honneur de vous présenter. J'aime mieux vous parler d'une belle dissertation où vous donnez une beaucoup plus grande influence aux causes morales qu'aux causes physiques—et il m'a paru, autant que je suis capable d'en juger, que ce sujet est traité à fond, quelque difficile qu'il soit à traiter, et écrit de main de maître, et rempli d'idées et de réflexions très neuves. Nous commençâmes aussi à lire—M. Stuart et moi—un autre ouvrage de vous où vous maltraitez un peu l'ordre ecclésiastique. Vous croyez bien que Monsr. Stuart et moi n'avons pas pu entièrement vous approuver—nous nous sommes contentés de vous admirer. Nous ne crûmes pas que ces Messieurs furent tels, mais nous trouvâmes fort bonnes les raisons que vous donnez pour qu'ils dussent être tels. M. Stuart m'a fait un grand plaisir en me faisant espérer que je trouverois à Paris une partie de ces beaux ouvrages. J'ai l'honneur, Monsieur, de vous en remercier, et d'être avec les sentimens de la plus parfaite estime, votre très humble et très obéissant serviteur.

Montesquieu.

A Bordeaux, ce 19 May, 1749.

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