(1.)

Monsieur,—La traduction de vos discours politiques, que j'ai l'honneur de vous envoyer, est la preuve la plus éclatante que je pouvois vous donner de l'estime que j'en fais; vous en serez peut-être plus content si j'avois été à portée de profiter de vos lumières. Je vous prie, et votre intérêt s'y trouve comme le mien, de me faire la grâce de la lire avec attention, et de m'avertir des endroits, ou malgré toute l'attention que j'y ai apportée, j'aurois pu m'écarter de votre sens. J'en profiterai à la première édition, ainsi que des remarques, changements, ou additions, qu'il vous plaira me communiquer, soit à l'occasion de vos discours, soit sur les autres ouvrages Anglois dont je parle dans mes notes.

Je vous prie encore Monsieur que ce soit le plus tôt qu'il vous sera possible, car il est bon de vous dire que cette traduction, grâce à l'excellence de l'original, se débite ici comme un Roman; c'est tout dire, notre goût pour les futilités vous est connu; il vous étoit réservé de nous y faire renoncer, pour nous occuper des matières les plus dignes d'exercer les esprits raisonnables. Le Libraire m'avertit qu'il sera bientôt tems de penser à la seconde édition. J'attendrai votre réponse pour l'enrichir de vos remarques qui feront que celle-ci sera reçue du public avec encore plus d'applaudissements.

Je profite de cette occasion pour vous offrir une amitié qui vous sera, peut-être, inutile, et vous demander la vôtre que je serois très flatté d'obtenir. Il semble que l'auteur et le traducteur sont faits pour être liés ensemble: il est à présumer qui celui que traduit un ouvrage a d'avance ou du moins épousé la façon de parler de celui qui l'a fait. J'ai trouvé dans vos discours un politique Philosophe, et un Philosophe citoyen. Je n'ai moi-même donné aucun ouvrage qui ne porte ce double caractère, et je me flatte que vous le trouverez dans les Lettres d'un François, si par hazard elles vous sont connues.

J'ai l'honneur d'être, avec les sentiments d'estime dont je viens de vous donner des témoignages publics, et cette sorte de respect que je n'ai que pour quelques Philosophes tels que vous. Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

L'Abbé Le Blanc, Historiographe des Bâtiments
du Roy de France.

De Paris, le 25th Août, 1754.

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