Monsieur,—La traduction de vos discours politiques est la première que j'ai donnée au public; et l'utilité que j'ai cru que ma patrie en pouvoit retirer, est l'unique motif que m'ait déterminé à l'entreprendre. Je n'ose me répondre que vous la trouverez telle que vous l'espérez. C'est à moi à vous demander votre indulgence pour les fautes que vous y trouverez, et à vous prier de me communiquer vos remarques sur des notes que j'ai cru y devoir adjouter. Je vous promets de corriger avec soumission les erreurs que vos m'y ferez apercevoir. A la fin du 2d vol. j'ai donné une notice des meilleurs ouvrages Anglois que j'ai consultés, sur les matières du commerce; j'ai hazardé de porter mon jugement sur chacun de ceux dont j'ai parlé. Je le rectifierai sur vos lumières, si vous voulez bien me les communiquer. Si j'en ai omis quelqu'un d'important, je vous prie de me le faire connoître, et de me dire vous-même, qui êtes un si excellent juge, ce que l'on en doit penser. J'enricherai la 2 Edition de tout ce dont vous voudrez bien me faire part.
A l'égard de votre histoire de la Grande Bretagne que vous m'annoncez, ce ne sera plus simplement comme votre admirateur mais comme votre ami Monsieur, que j'en entreprendrai la traduction, et je ferai de mon mieux pour qu'elle perde le moins qu'il est possible. J'aime votre façon de penser, et je suis familiarisé avec votre stile; si la matière exige qu'il soit plus élevé je tacherai d'y atteindre. Mais pour que je puisse entreprendre cette traduction avec succès, il faut s'il est possible, que vous retardiez à Londres au moins d'un mois la publication de votre ouvrage, et que vous me l'envoyez tout de suite par la poste, addressé sans autre enveloppe à Mr. Jannes, Chevalier de l'ordre du Roi, Controlleur Général des Postes à Paris. Nous avons ici une foule d'écrivains médiocres, qui sans savoir ni l'Anglois ni le François même, sont a l'affût de tout ce qui s'imprime chez vous, et qui à l'aide d'un dictionnaire vous massacreront impitoyablement. On nous a donné ainsi plusieurs bons ouvrages, et entre autres la dissertation de M. Wallace dont il n'est pas possible de supporter la lecture en François. Pour faire de pareille besogne, il ne faut pas beaucoup de tems à ces Messieurs là. Ils travaillent vîte, parce qu'ils travaillent fami potius quam famæ. Si je n'ai pas du tems devant eux, je serai prévenu, et si je le suis, je serai obligé d'abandonner l'ouvrage. Je ne vous parle pas des traducteurs de Hollande qui sont encore plus mauvais s'il est possible. Cette fois-ci je veux faire un office d'amitié, je vous prie de me mettre à portée de le bien faire. Vos discours Politiques vous ont, comme je m'y attendois, donné ici la plus haute réputation, dès que votre histoire paroîtra, un libraire la fera venir par la poste, et mettra ses ouvriers après, à moins que vous ne m'accordiez la grâce que je vous demande. Alors on saura que je la traduis, et je suis sûr que ces messieurs me laisseront faire.
J'ai encore à vous apprendre, monsieur, que le succès de vos Discours Politiques ne fait qu'augmenter tous les jours, et que tout retentit de vos Éloges. Nos ministres même n'en sont pas moins satisfaits que le public. Mr. le Comte d'Argenson, Mr. Le Maréchal de Noailles, en un mot tous ceux qui ont ici part au gouvernement ont parlé de votre ouvrage, comme d'un des meilleurs qui ayent jamais été faits sur ces matières. J'ai été obligé de céder mon exemplaire à un d'entre eux; ainsi je vous prie de m'en adresser un par la même voie que je vous ai indiquée, la poste après que vous m'aurez envoyé le I. vol. de votre histoire, d'autant plus que les additions et corrections dont vous m'avez fait part se rapportent à la 3^e edition qui je crois se trouveroit difficilement a Paris.