L'Iliade Scène 2 : Le Songe d'Agamemnon

S'inquiétant des moyens de faire périr beaucoup de Grecs sur le champ de bataille pour la gloire d'Achille, Zeus pensa que le mieux serait d'envoyer à Agamemnon le Songe pernicieux. Il l'appela donc et l'envoya dire au roi Agamemnon que la victoire était toute proche.

Le Songe partit aussitôt pour le camp. Il trouva Agamemnon endormi dans sa baraque.

« Tu dors ? lui dit-il. Ce n'est pas le moment de dormir, quand les immortels ont enfin décidé que tu t'emparerais de Troie aux larges rues. »

Puis le Songe s'en retourna et Agamemnon s'éveilla, croyant toujours entendre cette voix. Il se leva rapidement. Il revêtit une belle tunique neuve, s'enveloppa de son manteau, attacha ses sandales et ceignit son épée. Il prit ensuite son sceptre royal et se rendit auprès des vaisseaux.

Il convoqua d'abord le Conseil des vieillards, pour leur donner les fausses bonnes nouvelles. Puis ce fut le tour des soldats. Comme un énorme essaim d'abeilles, les hommes sortirent de leurs baraques sur le rivage. Si grand était le tumulte qu'il fallut neuf hérauts, à grands cris, pour les apaiser de façon que leurs rois puissent être entendus.

Quand enfin ils furent tous assis, Agamemnon se leva, appuyé sur son sceptre. « O mes amis, héros de la Grèce, leur dit-il. Bientôt la ville du roi Priam succombera, prise et détruite par nos bras. Cela ne saurait tarder un jour de plus. Mais d'abord, allez au repas et préparez-vous au combat.

« Aiguisez vos lances, ajustez vos boucliers, donnez à manger à vos chevaux et veillez à ce que vos chars soient prêts pour l'action.

« Car ce sera une rude journée. Nous combattrons sans trève, jusqu'à ce que la sueur fasse coller le baudrier sur votre poitrine, et que votre main se lasse du javelot. Quant à celui qui restera à traîner près des vaisseaux, il sera la pâture des oiseaux et des chiens. »

Les Grecs accueillirent ce discours en poussant une grande clameur, pareille au grondement de la vague qui se brise sur les rochers du rivage. Puis les hommes se dispersèrent à travers les vaisseaux, pour allumer les feux et prendre leur repas. Chacun fit une offrande à son dieu favori, le priant d'être encore en vie quand la bataille se terminerait le soir.

Agamemnon fit aussi son sacrifice à Zeus : il lui immola un boeuf gras de cinq ans. Et il pria pour que Troie tombât le jour même, et que son héros Hector roulât dans la poussière avec ses compagnons.

Zeus accepta le sacrifice. Mais il n'exauça pas la prière, car il réservait aux Grecs, ce jour-là, la mort et la souffrance.

Le repas terminé, Agamemnon donna l'ordre aux hérauts à la voix sonore d'appeler les Grecs au combat. Aussitôt les hommes se répandirent hors de leurs vaisseaux et de leurs baraques et se regroupèrent par pays et par clan. Les rois rangèrent leurs troupes en ordre de bataille, là, dans la plaine du Xanthe. Et, grâce à Zeus, on voyait Agamemnon se distinguer des autres, comme un taureau dans un troupeau de vaches.

Les hommes avançaient dans l'étincellement du bronze qui brillait comme un feu de forêt sur la montagne. Et le sol résonnait sous leurs pas.

Zeus avait envoyé à Troie Iris, rapide messagère, sous la forme d'un guerrier troyen. Elle trouva les Troyens réunis à la porte du palais de Priam, et là elle s'adressa au roi Priam et à son fils Hector.

« Vieillard, dit-elle à Priam, tu es encore ici à parler, comme si nous étions en temps de paix. Mais une lutte à mort va se livrer, car à présent une armée marche dans la plaine, aussi nombreuse que les feuilles de la forêt ou les grains de sable de la mer. Hector, je t'en supplie, demande à tes alliés de ranger leurs hommes en formation, et de partir pour la bataille. »

Hector reconnut la voix de la déesse, et aussitôt il congédia l'assemblée. Les Troyens coururent aux armes. Bientôt, en grand tumulte, l'armée troyenne et ses alliés sortaient par les portes de la ville et gagnaient une butte dans la plaine.

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