L'Odyssée Scène 15 : Télémaque reconnaît son père

Athéna rendit visite à Télémaque, qui ne dormait pas, et lui dit d'aller à la cabane du porcher dès le lever du jour. Télémaque obéit à ses ordres. À l'aube il attacha ses sandales et se dirigea à grands pas vers la maison où vivait son fidèle porcher.

À ce moment-là Ulysse et le porcher préparaient leur petit déjeuner dans la cabane, car on avait emmené paître les pourceaux. À l'approche de Télémaque, les chiens ne poussèrent pas un aboiement, mais sautèrent autour de lui en frétillant de la queue.

Ulysse entendit les pas du nouveau venu et vit les chiens lui faire fête. Il cria à son compagnon : « Voici venir quelqu'un que vous connaissez sûrement bien, car les chiens frétillent de la queue. »

Avant qu'il eût fini de parler, son propre fils était sur le seuil. Le brave porcher bondit, laissant tomber les coupes où il préparait du vin. Il accueillit son jeune maître avec autant d'affection que s'il avait été son fils, sanglotant presque de joie.

Télémaque accepta avec plaisir un siège dans la cabane. Il partagea avec plaisir le repas des deux hommes, composé du rôti de la veille, servi dans des écuelles, avec du pain dans des corbeilles et du bon vin dans un vase.

Quand ils eurent terminé, Télémaque dit au porcher : « D'où vient ton hôte ? Quel navire l'a amené ? Sûrement il n'est pas venu à pied à Ithaque. »

« Mon enfant, dit Eumée, il dit qu'il est exilé de Crète. Je le remets entre tes mains. »

« Eumée, ceci me gêne, dit le jeune Télémaque. Comment puis-je emmener cet étranger au palais, pour le faire insulter par ces grossiers prétendants ? Il est difficile à un seul homme de résister à une foule. »

« Tu me permettras de dire un mot, répondit Ulysse. Sûrement tu n'as pas l'intention de laisser continuer ce scandale dans ta propre maison, toi qui es de noble naissance. Ah ! si je pouvais retrouver ma jeunesse ! Si j'étais le fils d'Ulysse, ou Ulysse lui-même revenu de ses voyages (car tout espoir n'est pas perdu), je ferais regretter amèrement à ces prétendants toutes les actions qu'ils commettent. »

« Eh bien ! dit Télémaque, l'issue est entre les mains des dieux. »

Eumée mit bientôt ses sandales et les attacha. Il partit faire quelques commissions en ville.

Athéna regarda Eumée quitter la ferme. Elle pensa alors qu'il était temps qu'Ulysse se fasse reconnaître de Télémaque. Aussi elle parla silencieusement à Ulysse, lui disant : « Confie ton secret à Télémaque. Vous serez deux alors à tramer la perte des prétendants. »

Athéna le toucha de sa baguette d'or, et son manteau et sa tunique resplendirent comme neufs ; il reprit sa haute taille et sa stature musclée ; ses joues se remplirent, sa barbe et ses cheveux reprirent leur lustre. Télémaque vit cette transformation et détourna les yeux rapidement, craignant que ce ne fût un dieu.

Mais Ulysse le rassura : « Je ne suis pas un dieu, mais ton propre père, pour qui tu as tant souffert. Athéna nous a réunis pour que nous réfléchissions à la meilleure manière de régler leur compte à nos ennemis. »

« Tout seuls ! s'écria Télémaque. J'ai souvent entendu parler, père, de ton habilité de guerrier. Mais c'est trop. Ils ne sont pas seulement dix ou vingts, ces prétendants, mais plus de cent, et des jeunes gens robustes. Il vaudrait mieux trouver quelqu'un d'autre pour nous aider si possible. »

« Nous avons Athéna et le puissant Zeus, dit le vaillant Ulysse. Ils seront à nos côtés dans la bataille, et je crois que cela suffira. »

« Mais pour le moment il te faut rentrer à la maison et te mêler aux prétendants comme de coutume. Je m'y ferai conduire plus tard par Eumée, sous mon costume de mendiant. Mais que personne, même Pénélope ou Laerte, ne sache qui je suis ! »

Télémaque acquiesça, et comme Eumée revenait de la ville, Athéna transforma à nouveau Ulysse en vieux mendiant. Télémaque fit comme si rien ne s'était passé et tous trois s'assirent devant leur souper. Et bientôt après, ils dormaient tous profondément.

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