L'Odyssée Scène 7 : Le chant des Sirènes

Quand leur navire eut quitté le fleuve Océan et gagné la haute mer, une douce brise augmenta leur allure. Ils n'atteignirent que trop tôt le premier des dangers contre lesquels on les avait mis en garde : c'était l'île des Sirènes, dont les chants ensorcelaient les hommes. Elles étaient assises près du rivage, entourés des ossements des hommes que leurs chants avaient attirés à la mort. Le vent tomba et il y eut un calme absolu.

Les hommes roulèrent la voile, la mirent dans la cale, et ils frappèrent de leurs rames la mer écumante. Mais Ulysse pétrit un gros morceau de cire, jusqu'à ce qu'il devînt tiède et mou. Il boucha les oreilles de ses hommes et leur ordonna de l'attacher au mât.

Quand le navire arriva à portée de voix de la terre, les Sirènes l'aperçurent. Elles lancèrent par-dessus les vagues les notes de leur chant harmonieux.

Viens, grand Ulysse,
Héros au faîte de ta gloire,
Arrête, immobilise ton vaisseau
Et écoute notre histoire douce comme le miel.
Tourne cette noire proue vers le rivage ;
Goûte aux doux délices
De jours et de nuits remplis de magie
Qui ne sont destinés qu'aux héros.
Nous connaissons ton noble passé,
Nous connaissons ce que réserve l'avenir.
Arrête-toi un moment avec nous, et repars ensuite,
Un homme content, un homme plus sage.

Leur voix avait tant de charme qu'Ulysse fut pris d'un grand désir d'en entendre d'avantage. Avec des cris et des froncements de sourcils il demanda à ses hommes de le détacher ; mais ils ne pouvaient entendre ses cris, pas plus qu'ils n'entendaient le chant, et ils firent exprès de ne pas prêter attention à ses froncements de sourcils. Au contraire, ils tirèrent plus fort sur leurs rames pour faire avancer le navire.

Quand ils furent en sécurité, hors de portée de voix, les hommes enlevèrent la cire de leurs oreilles et détachèrent Ulysse du mât. Ils se félicitèrent tous d'avoir évité le premier danger.

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