L'Odyssée Scène 6 : Au royaume des Morts

Quand une année eut passé et que furent revenus les beaux jours, les hommes éprouvèrent le désir de retourner dans leur pays.

C'est alors que Circé révéla à Ulysse les épreuves qui l'attendaient encore. Avant d'arriver à Ithaque, il devait accomplir un voyage au royaume des morts.

Ulysse laissa éclater son désespoir. Mais Circé lui dit comment il parviendrait aux bois sacrés de Perséphone, et quels sacrifices il devrait y offrir. Elle ajouta que, là-bas, le devin Tirésias lui dirait comment il reviendrait dans sa patrie.

À cette nouvelle, les hommes se mirent à sangloter et à s'arracher les cheveux. Mais leurs lamentations ne servaient à rien. Enfin, ils lancèrent le navire à la mer et voguèrent jusqu'à l'extrémité du monde, au pays des Cimmériens, couvert de nuées et de brumes.

Ils trouvèrent là l'endroit qu'avait indiqué Circé et firent leurs sacrifices. Bientôt les âmes des morts se rassemblèrent, celle de Tirésias et les autres.

Voici ce que Tirésias dit à Ulysse : « Tu peux encore, Ulysse, arriver dans ton pays, si, approchant de l'île où paissent les troupeaux du dieu Soleil, tu continues ta route sans leur faire aucun mal. »

« Mais si tu les touches, alors je te prédis la perte de ton vaisseau et de tes compagnons. Toi-même, tu rentreras tard dans ta patrie. Tu trouveras dans ta maison des hommes effrontés qui courtisent ta fidèle épouse. Tu devras les massacrer tous. »

Cela dit, l'âme de Tirésias rentra au séjour des morts. Mais nombre d'autres se présentèrent, et Ulysse leur parla à toutes : l'âme de sa mère et celles de tous les héros qui étaient tombés devant Troie, Achille en particulier. Car une flèche de l'arc de Pâris avait enfin abattu ce brave guerrier.

Il vit aussi Tantale, debout dans un lac. Chaque fois qu'il se penchait pour boire, l'eau se retirait. Des arbres laissaient pendre leurs fruits au-dessus de sa tête – poiriers, grenadiers, pommiers, figuiers et oliviers. Mais quand le vieillard étendait les bras pour les prendre, le vent les emportait jusqu'aux nuages.

Il vit aussi Sisyphe, qui poussait sans répit une énorme pierre vers le sommet d'une colline. Chaque fois qu'il allait en atteindre le faîte, le poids de la pierre l'entraînait en arrière. La pierre roulait de nouveau vers la plaine, et Sisyphe recommençait à la pousser.

Ulysse aurait pu voir aussi les héros du temps passé. Mais déjà s'assemblaient, avec une clameur prodigieuse, les tribus innombrables des morts. Ulysse s'enfuit, blême de peur, et gagna son vaisseau pour reprendre la mer.

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