À Monsieur Pinaud.

Paris, 16 juin 1819.

Monsieur,

J’ai pris la liberté de voir M. de Moncabrié, qui n’a point encore reçu les exemplaires du recueil que vous avez la bonté de nous destiner. Peut-être aurais-je dû attendre que je pusse vous en accuser la réception avant de répondre à votre aimable lettre du 15 mai dernier ; mais veuillez excuser l’impatience où je suis de vous exprimer toute notre reconnaissance pour l’indulgence avec laquelle l’Académie a accueilli nos ouvrages, et la bienveillance dont vous nous avez particulièrement honorés.

Permettez-moi, monsieur, de vous remercier, au nom de mon frère et au mien, de l’intérêt que vous nous témoignez, intérêt qui éclate d’une manière peut-être plus sensible encore dans les observations critiques que vous nous adressez que dans les louanges dont nous sommes confus, parce que nous sentons trop combien peu elles sont méritées.

Veuillez croire que ce n’est qu’en profitant de vos censures que nous tâcherons de nous rendre dignes de vos éloges ; et si, quelque jour, nous étions assez heureux l’un ou l’autre pour justifier en partie vos espérances, ce serait à l’Académie des Jeux Floraux, ce serait à vous, monsieur, et à vos honorables encouragements que nous le devrions. La direction que nous donnons à nos faibles talents est, sans doute, ce qu’ils ont de plus louable ; mais les obstacles dont on hérisse pour les jeunes auteurs la route que nous voulons suivre, nous auraient peut-être rebutés, si nous n’avions été soutenus par le glorieux suffrage de la plus ancienne Académie du royaume.

Si nous avons encore le bonheur de figurer dans vos solennités académiques, nous nous souviendrons, monsieur, de votre flatteuse invitation, et le plaisir de vous connaître et de vous exprimer de vive voix combien nous sentons vos bontés ne serait pas, monsieur, le moindre des motifs qui nous détermineraient à cet agréable voyage.

Maman a été sensiblement touchée de votre attention ; elle me charge de vous transmettre ses remerciements.

Dès longtemps, monsieur, elle vous connaissait de réputation, et le dernier paragraphe de votre lettre n’a pas ajouté un médiocre plaisir à celui que lui ont causé nos succès.

Veuillez agréer l’expression de notre gratitude et du respect avec lequel j’ai l’honneur d’être, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

V.-M. Hugo.

« Votre belle ode sur le Rétablissement de la Statue de Henri IV a enlevé tous les suffrages. Le prix unique du concours extraordinaire lui a été unanimement attribué. » (Lettre de M. Pinaud, 20 mars 1819.) Eugène Hugo avait envoyé à l’Académie une ode sur la Mort du duc d’Enghien qui, « malgré de grandes beautés », ne fut pas récompensée. La seconde pièce était l’ode sur les Vierges de Verdun, l’Académie lui décerna une amaranthe réservée. Cette valeur était de neuf cents francs pour les deux fleurs.

Voici les observations de M. Pinaud :
« En approuvant l’idée qu’expriment les premiers vers de cette strophe, on a douté de la propriété de ces expressions :

Trajan existe encor, quand Néron et Tibère

Ont vu leurs honneurs abattus. »

« L’expression en volant au carnage a paru sortir du ton, aussi juste que gracieux, de la strophe. » « On a beaucoup admira cette strophe (la 11e), mais on a regretté qu’en y prodiguant la poésie, vous y ayez peut-être perdu de vue la marche grammaticale des idées... » « Les mots de et du fourmillent dans les 5e, 6e, 7e et 8e vers de cette strophe (la 12e). » « Quelques personnes ont repris, dans les trois premières strophes, la profusion des formes interrogative. » « (8e strophe.) On a remarqué que les phalanges égarées répétaient la vaillance trompée de la 7e strophe et que cette idée se reproduisait encore dans les mots jusque dans leur erreur, lesquels ont été d’ailleurs blâmés sous d’autres rapports. » (Lettre de M. Pinaud, 20 mars 1819.) « (10e strophe.) On a critiqué dernier trait qui trahit, Tainville qui s’enflamme, le monstre alors tranquille. » « La 13e strophe nous a enchantés, mais on a regardé l’expression au front d’airain comme une phrase faite, qui, d’après l’usage établi, ne peut désigner que l’impudence. » « Vous recevrez franco de port chez vous, par l’intermédiaire de M. de Moncabrié, trésorier général des Invalides de la Marine, rue Mondovi, n° 4, deux exemplaires de notre recueil académique pour 1818 et 1819, l’un pour vous, l’autre pour monsieur votre frère. » (Lettre de M. Finaud, 20 mars 1819.) « En vérité, monsieur, vous viendriez à Toulouse recevoir vos prix, si vous saviez à quel point on vous y sait gré de vos vers. Je dis vous viendriez, et je parle pour l’avenir ; et j’en parle, si vous voulez bien, pour monsieur votre frère et pour vous. » « Bien que je n’aie pas l’honneur de connaître madame votre mère, je vous prie de la féliciter de ma part des satisfactions que lui assurent vos talents et la noble direction que vous leur donnez. » (Lettre de M. Pinaud, 15 mai.)

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