À Monsieur Pinaud.

Paris, 9 avril 1819.

Monsieur,

J’ai l’honneur de vous envoyer celles des corrections indiquées auxquelles le temps m’a permis de me soumettre. Les changements que je n’ai pu faire sont en petit nombre et j’ose espérer que l’Académie voudra bien croire que, si je ne l’ai pas satisfaite en quelques points, ce n’est ni faute d’efforts ni faute de docilité. Son indulgence à mon égard a été trop grande, les signes en ont été trop flatteurs pour que je n’aie pas déployé toutes mes faibles ressources, afin de me rendre digne de l’une et des autres.

Je suis loin de croire avoir réussi partout également. Cependant j’avouerai, et vous n’en serez peut-être pas étonné, monsieur, que ces deux odes m’ont coûté plus de peine à retoucher qu’à composer ; voilà surtout pourquoi je doute du succès de mon travail. Quand j’hésitais entre deux versions j’ai cru devoir les soumettre toutes deux au choix de l’Académie.

Au reste, je juge inutile de vous dire, monsieur, que je ne tiens nullement à ce que les variantes que je vous envoie soient employées. Si l’Académie trouvait le premier texte préférable, elle me rendrait un véritable service en le conservant.

Veuillez agréer l’assurance du respect avec lequel j’ai l’honneur d’être, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

V.-M. Hugo.

Ode sur le rétablissement de la statue de Henri IV.

3e strophe. — Aux 3e, 5e et 6e vers, substituez :

Trajan domine encor les champs que de Tibère

Couvrent les temples abattus.

9e strophe. — Au lieu des cinquième et sixième vers, lisez :

Désormais dans ses yeux, en volant à la gloire,

Nous viendrons puiser la victoire.

Etc.

Le mot carnage aura disparu, mais je tremble que cette nouvelle figure soit bien hasardée.

11e strophe. — Je m’étais aperçu, en la composant, du défaut de suite que l’Académie y a remarqué dans les idées, mais ne pouvant y remédier, j’étais parvenu à me persuader que les lyriques avaient le privilège de laisser ainsi imparfaite l’idée qui les avait d’abord frappés pour développer celle qui se présentait ensuite à leur esprit. La juste critique de l’Académie m’a fait réfléchir qu’une pareille licence leur donnerait bientôt le droit d’être inintelligibles. J’ai fait de nouveaux efforts pour effacer cette tache, mais ils ont été inutiles, et c’est avec peine que je me vois forcé de laisser subsister un défaut aussi remarquable.

12e strophe. — Mes efforts réitérés pour faire disparaître quelques-uns des articles qui hérissent les derniers vers de la 12e strophe ont été aussi infructueux. Je désire que l’Académie veuille m’en tenir compte.

Ode sur les Vierges de Verdun.

N’ayant pas le temps de resserrer le préambule de cette ode, je m’étais préparé à alléguer pour la défense des formes interrogatives l’ode d’Horace :

Quô quô, scelesti, ruitis ?


et celle à Lydie :

Lydia, dic, per omnes

Te Deos oro , Sybarin cur properes amando
Perdere ?...

Je crois pourtant plus franc et plus convenable d’avouer le peu de succès de mes tentatives.

8e strophe — Aux trois premiers vers, on peut substituer l’une des deux versions suivantes :

Quand nos phalanges mutilées

Jetant sur nos cyprès l’ombre de leurs lauriers,

Reculaient vers Paris, par le nombre accablées…
 

Quand nos chefs entourés des armes étrangères

Couvrant nos cyprès de lauriers,

Vers Paris, lentement reportaient leurs bannières…

10e strophe. — On peut, pour la remplacer, choisir entre les deux strophes suivantes :

Ce dernier trait suffit : leur bonté les condamne.

Mais non ! l’arbitre de leur sort,

Tainville, à leur aspect brûlant d’un feu profane,

Tressaille d’un honteux transport.

Il veut, vierges, au prix d’un affreux sacrifice,

En taisant vos bienfaits, vous ravir au supplice.
Il croit vos chastes cœurs par la crainte abattus ;
Du mépris qui le couvre acceptez le partage ;
Souillez-vous d’un forfait ; l’infâme aréopage

Vous absoudra de vos vertus.

 
Quoi ! ce trait glorieux qui trahit leur belle âme

Sera donc l’arrêt de leur mort.

Mais non ! l’accusateur que leur aspect enflamme

Tressaille d’un honteux transport.

Il veut, vierges, au prix d’un affreux sacrifice,

En taisant vos bienfaits vous ravir au supplice.

Il croit vos chastes cœurs par la crainte abattus.

De vos jours Tainville est l’arbitre.

Souillez-vous d’un forfait : le monstre à ce seul titre

Vous absoudra de vos vertus.

Enfin dans la treizième strophe, on pourra, si l’on veut, substituer à Charlotte au front d’airain : Charlotte au cœur d’airain.

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