Au général Hugo.

Ce samedi, 15 mars 1823.

Mon cher papa,

Je suis dans un grand embarras ; je m’adresse à toi, sûr que tu me fourniras le moyen d’en sortir.

J’ai entre les mains un billet à ordre de 500 francs sur mon libraire qui devait être acquitté le 11 février dernier. À cette époque, extrêmement gêné par la stagnation du commerce au milieu des bruits de guerre, mon libraire me supplia d’accepter un acompte de 200 francs, et de ne point user de la faculté que me donne la loi de faire protester mon billet, démarche qui eût pu ruiner son crédit. Avec l’assentiment de M. Foucher, auquel devaient être remis les 500 francs, je consentis à cet arrangement, dans l’assurance que le paiement des 300 francs restants aurait lieu dans le mois.

Depuis cette époque, l’embarras du crédit augmentant sans cesse n’a pas permis à mon libraire de retirer son billet. J’ai attendu aussi longtemps que j’ai pu ; mais aujourd’hui M. Foucher étant absolument sans argent j’ai essayé en vain de faire escompter le malheureux billet. Ce qui aurait été facile il y a trois mois est impossible aujourd’hui, la crainte ayant absolument resserré les capitaux. Je ne vois donc plus de recours qu’en toi, mon cher papa, je te prie de m’envoyer le plus tôt possible les 300 francs que mon libraire ne pourra peut-être pas me rembourser d’ici un ou deux mois, mais pour lesquels on n’aura pas moins une garantie suffisante dans le billet de 500 francs qui dort entre mes mains. Si tu n’avais pas cette somme, ne pourrais-tu me la faire avancer par M. Katzenberger. Je ne t’en dis pas davantage, cher papa, j’attends une prompte réponse comme une planche de salut dans l’embarras où nous nous trouvons.

Je déposerais le billet entre les mains de M. Katzenberger qui ainsi pourrait être tranquille. Je ne voudrais pas en venir à des poursuites judiciaires contre le pauvre libraire dont je ne suspecte pas la probité.

Adieu, cher et excellent papa, embrasse notre Eugène qui a écrit une lettre extrêmement remarquable à Félix Biscarrat et présente nos respects à notre belle-mère, en lui disant combien nous sommes touchés des soins qu’elle prend de notre frère.

Mon Adèle t’embrasse et moi aussi.

Ton fils soumis et respectueux,

Victor.

Ce samedi, 15 mars.

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