À Monsieur Louis Pavie.

26 mai 1827.

Après les beaux vers que votre Victor vient de m’adresser, je me ferais conscience de lui envoyer directement mes remercîments et mon admiration en vile prose ; ce serait lui donner du plomb en échange de son bronze et de son or. Permettez donc que ce soit dans votre cœur de père que je dépose mes sentiments de frère et d’ami. Dites à votre Victor qu’il souffre que je le remercie en vous ; vous lui transmettrez ces témoignages trop faibles de mon profond attendrissement, et ils auront plus de douceur en passant par votre bouche. Oui, monsieur, ce sont de bien beaux vers, pleins de feu, d’éclat et de grandiose. Nous devons être fiers tous deux de ces vers, vous comme le père, moi comme le frère du poëte. Je suis bien orgueilleux que cette ode jeune et véhémente me soit adressée, mais j’aurais plus d’orgueil encore si mon nom, au lieu d’être en tête, était en bas. Je n’aurais peut-être pas dû, monsieur, louer tant ces vers où je suis trop loué. Mais c’est une erreur de l’amitié qui a donné mon nom pour titre à cette ode. Ce n’est pas à Victor Hugo qu’elle s’adresse, c’est à un poëte de génie digne d’inspirer un chant si élevé, et moi je ne suis digne que de l’admirer.

Adieu, monsieur ; adieu, heureux père. Embrassez bien votre fils pour moi, en attendant que je puisse l’embrasser pour vous.

À vous bien cordialement,

Victor Hugo.

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