Ce 17 octobre 1828.
J’ai, cher ami, une lettre de M. de Belleyme qui nous donne entrée à Bicêtre pour le 12, jour du ferrement de la chaîne. Si vous avez un moment, venez me voir sous peu, que nous convenions de la marche que nous suivrons.
Votre ami,
Victor Hugo.
Je rouvre ma lettre pour vous remercier mille fois, autant de fois que c’est admirable.
Monsieur David,
9, rue de Fleurus, R. S. V. P.
Ce jeudi matin [octobre 1828].
J’ai vu hier votre Bentham, mon cher David, et puisque je n’ai pas le temps de vous aller voir, il faut, si paresseux que je sois à faire une lettre, que je vous en écrive. Ce buste est un monument. Jamais le marbre n’a eu plus d’éloquence, plus d’intelligence, plus de vie. Tout y est admirable ; je l’avais déjà vu bien avancé dans vos mains, mais il a maintenant ce je ne sais quoi d’achevé qui complète une grande œuvre. Que ces rides de marbre sont belles ! C’est de la chair comme Puget, c’est de l’idéal comme Jean Goujon. Ce buste, mon ami, est une des plus magnifiques choses que vous ayez faites. La vieillesse rendue avec jeunesse : le génie traduit par le génie.
Nous avons bien regretté votre absence l’autre soir, mais c’est ma faute. J’avais compté sur vous comme sur Ch. Nodier, qui a pu en effet venir à l’improviste, et qui sera bien heureux de vous voir chez lui. Pour me consoler, j’ai rompu ma lance en faveur de votre beau Racine, et votre ami M. Bonange m’a bravement secondé. Je ne cesse de le dire toujours et partout : vous êtes le premier, vous êtes l’unique !
À propos d’homme de génie, voulez-vous voir l’abbé de Lamennais ? Il est à Paris pour quatre ou cinq jours : il m’écrit qu’il viendra me voir aujourd’hui de midi à deux heures. Tâchez de vous échapper un moment à cette heure-là. Vous tomberez de Rossini en Lamennais. C’est une bonne fortune pour un créateur de têtes comme vous.
Sans adieu, n’est-ce pas ?
Victor.
À David d’Angers.
Ce 1er novembre 1828.
Je suis bien contrarié, cher ami ; une affaire pressante a forcé Lamartine de partir inopinément avant-hier. Il est vrai qu’il reviendra au mois de janvier passer trois mois à Paris et qu’il compte bien que vous serez toujours dans les mêmes dispositions à son égard ; mais c’est une chose dure pour moi que d’attendre deux mois un de vos chefs-d’œuvre.
Sans adieu. J’espère bien toujours vous servir de satellite ce soir, si je ne suis pas trop enroué. À quelle heure vous attendrai-je, à propos ?
À vous du fond du cœur,
Victor Hugo.
À Bossange.
Voilà six jours que je n’ai de nouvelles de monsieur Bossange. Cependant il importerait que nous convinssions du jour de la publication de cette 4e édition. Quant à l’autre affaire, je lui rappelle que nous perdons un temps précieux. J’attends sa réponse prompte sur ces deux objets et le prie de me croire son bien cordialement dévoué serviteur.
VteHugo.
Ce lundi 10 9bre [1828].
Madame V
ve
Martin,
20, rue des Vieux-Augustins, près la rue Saint-André-des-Arts.
Ce lundi 11 9bre[1828].
Vous avez tort, ma chère tante, de revenir sur un passé qui est oublié. Après tous les malheurs de notre famille, le pire de tous serait le manque d’union. Croyez donc que nous vous aimons tous. Ne réveillez plus des souvenirs pénibles d’une époque où mon père a tout compromis, sa propre fortune et celle de ses enfants. L’en avons-nous moins aimé ?
Aujourd’hui nous avons tous une pauvreté commune à supporter. C’est un triste résultat des fautes que nous n’avons pas commises. Que voulez-vous ? résignons-nous.
J’ai envoyé votre lettre et le papier qu’elle contient à Abel.
Votre neveu dévoué,
Victor.
À David d’Angers.
Paris, ce samedi matin… [1828].
Voyez, cher ami, si ce n’est pas une fatalité ! Ma femme, qui se porte bien toute l’année, s’avise d’être incommodée aujourd’hui, et incommodée de la seule incommodité peut-être qui puisse altérer un profil. Elle a horriblement mal aux dents et, en outre, les lèvres enflées et cuisantes. Vous n’auriez donc aujourd’hui qu’un modèle souffrant et défiguré. Or, je me souciais fort peu de vous prévenir de ce contre-temps, tenant beaucoup à la joie de vous voir aujourd’hui, et prévoyant que cette lettre nous en priverait peut-être, mais ma femme me rappelle combien votre temps est précieux, et mon égoïsme cède. Venez pourtant, n’est-ce pas, si vous pouvez, et n’oubliez pas que personne ne vous admire plus que moi, parce que personne ne vous aime davantage.
Victor Hugo.
P. S. — Ma femme compte bien qu’il ne sera plus question de son bobo lundi.