À Victor Pavie.

5 janvier 1828.

Vous avez beau m’y louer, mon jeune et bien cher ami, et m’y trop louer, je n’en crierai pas moins jusque sur les toits que votre article est admirable, et qu’il est triste (je ne dis pas pour moi, que suis-je ? mais pour les lettres) qu’un si profond et si élevé morceau de critique s’imprime dans le coin d’une province, tandis que MM. R. et Compagnie déposent leur nullité en quatre colonnes dans un journal qui se multiplie à quinze mille exemplaires et parle à cinq cent mille hommes dans les deux mondes. Que voulez-vous !

Toutes les personnes qui ont déjà lu votre premier article sur Cromwell sont dans le ravissement : David, Sainte-Beuve, Paul en radotent. Je vais le faire lire à Émile Deschamps et à Ch. Nodier. Sainte-Beuve a fait aussi, lui, deux bien remarquables articles sur ce pauvre livre ; on les a refusés au Globe, dont les prosaïstes me gardent rancune. Vous voyez qu’il y a de l’intolérance jusque chez les philosophes, et de la censure même chez les démocrates. Que voulez-vous encore ?

J’ai mille vœux de bonheur à vous envoyer ; car il n’y a rien à vous souhaiter du côté du talent. Soyez donc toujours l’orgueil de votre respectable père, et quant à moi je me fais un souhait de bonne année, c’est que vous veniez me voir en personne. Parlez-en, de grâce, à M. Pavie. Ora pro nobis.

Votre ami,

V. Hugo.

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