À Adolphe de Saint-Valry.

Paris, 18 décembre 1829.

Que vous êtes bon, mon ami, de vous souvenir toujours un peu de moi, qui ai l’air de vous oublier tous ! C’est que vous savez bien que je n’en ai que l’air. Vous avez quelque chose qui vous dit au fond du cœur qu’il est impossible que le mien change. Et puis vous êtes indulgent, et c’est en cela que vous êtes un véritable ami. Vous me savez obéré, écrasé, surchargé, étouffé. La Comédie-Française, Hernani, les répétitions, les rivalités de coulisses, d’acteurs, d’actrices, les menées de journaux et de police, et puis, d’autre part, mes affaires privées, toujours fort embrouillées, l’héritage de mon père non liquidé, nos biens d’Espagne accrochés par Ferdinand VII, nos indemnités de Saint-Domingue retenues par Boyer, nos sables de Sologne à vendre depuis vingt-trois mois, les maisons de Blois que notre belle-mère nous dispute, par conséquent rien ou peu de chose à recueillir dans les débris d’une grande fortune, sinon des procès et des chagrins. Voilà ma vie ; le moyen d’être tout à ses amis quand on n’est pas même à soi ! Du moins, si je leur écris peu, je les aime toujours, et vous êtes des plus chers, des plus anciens, des plus désirés. Allez ! vous êtes au port, tenez-vous-y ! Moi, je nage, je lutte, je remonte le courant. Vous vous y laissez aller. C’est vous qui êtes le sage et l’heureux.

Victor.

La mort de Sardanapale fut exposée au salon de 1829. Gérard, peintre d’histoire, débuta en 1795 par un succès (Bélisaire), qui se renouvela à chaque exposition ; il fut considéré comme un des maîtres de l’école classique. Gérard avait offert à Chateaubriand la Sainte-Thérèse qu’il venait d’exposer. Ce tableau était destiné au maître-autel de l’infirmerie Marie-Thérèse fondée par Mme de Chateaubriand. Il s’agit de la succession du général Hugo. Inédite. Véron commença par refuser l’offre gratuite et sollicita des conditions plus douces, il ne pouvait payer un article 500 francs ; il finit par accepter le fragment donné et le publia en juin 1829 ; il fut inséré en 1854 dans Littérature et Philosophie mêlées sous le titre : Fragment d’histoire Brouillon. Bibliothèque nationale. M. de La Bourdonnaye. L’un des censeurs qui avaient signé le rapport remis au ministre. Il s’agit de Marion de Lorme que voulait supprimer, et que supprima la censure. Après avoir écrit cette lettre, Victor Hugo sollicita de Charles X une audience. Il a raconté cette entrevue dans Les Rayons et les Ombres (Le sept août 1829) Archives de la famille de Victor Hugo. En compensation de l’interdiction de Marion de Lorme, Charles X avait augmenté de quatre mille francs la pension de deux mille francs accordée autrefois à Victor Hugo par Louis XVIII. Note de Sainte-Beuve : « Pendant mon voyage aux bords du Rhin, le temps où je faisais les Consolations. » Jules Janin fut franchement hostile à Victor Hugo de 1826 à 1843 ; à partir de l’exil du poète, il devint, par un revirement subit, l’un de ses plus ardents défenseurs et son ami fervent et fidèle. Latouche venait de publier dans la Revue de Paris, en octobre 1829, son malveillant article : La camaraderie littéraire. Victor Hugo et Sainte-Beuve y étaient principalement visés. Le Figaro, le Messager des Chambres, la Quotidienne multipliaient les attaques. Robelin, architecte, ami intime de Victor Hugo. Archives Spoelberch de Lovenjoul. Charles Nodier, dans un article du 1er novembre 1829, s’élevait contre les orientalistes de fantaisie et visait, sans les nommer, les Orientales, dont la deuxième édition venait de paraître. Copie faite par Mme Victor Hugo. Archives de la famille de Victor Hugo. Le manuscrit d’Hernani, envoyé à la censure, fut l’objet d’un rapport contresigné par quatre censeurs, il ne fut rendu, après corrections et suppressions, que le 31 octobre 1829, mais la correspondance échangée entre le ministère de l’Intérieur et la censure ne cessa que le 12 février 1830. En marge de cette lettre une note : le renvoyer à M. le baron Trouvé. Le baron Trouvé était maître des requêtes et chef du bureau des théâtres. Voici la réponse de M. le baron Trouvé : « Monsieur, il m’est agréable d’avoir à vous annoncer que Son Excellence, faisant droit à vos observations, que je me suis empressé de mettre sous ses yeux, a bien voulu consentir au rétablissement de quelques passages supprimés dans Hernani. Vous êtes donc autorisé à laisser subsister sur le manuscrit les expressions suivantes adressées à don Carlos : Lâche, insensé, mauvais roi. — Agréez, etc. » (La Province d’Anjou [n° 51] 1935.)

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